67 ans après le déclenchement de la guerre d’indépendance : La France souffle le chaud et le froid
L’Algérie célèbre aujourd’hui le 67ème anniversaire du déclenchement de la guerre de l’indépendance. Près de sept décades après ce premier coup de feu qui a ébranlé la puissance coloniale jusqu’à l’anéantir totalement quelques années plus tard, la France officielle surfe sur la question mémorielle au gré des conjonctures politiques et des rendez-vous électoraux. Elle exprime parfois des aveux mitigés sur les crimes qu’elle a commis en Algérie, du 5 juillet 1830 au 5 juillet 1962. Elle est clairement récalcitrante à assumer une repentance sincère. Les actes manqués des deux derniers présidents français le prouvent et le démontrent. Le 20 décembre 2012, François Hollande, alors en visite officielle en Algérie, est le premier chef de l’Etat à reconnaitre, devant les députés et sénateurs algériens réunis dans l’hémicycle du Palais Zighout Youcef, « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien », évoquant essentiellement les massacres du 8 mai 1945. Il a ensuite dénoncé « un système colonial profondément injuste et brutal ». Le président Hollande (2012-2017) n’a pas engagé pour autant son pays dans la voie de la résipiscence. De retour dans l’Hexagone, il a clarifié sa position : dire « la vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées », mais sans transgresser une ligne rouge infranchissable par ses prédécesseurs : présenter des excuses aux algériens. « Moi, je suis président de la République, j’engage la France, je n’engage pas un parti » a-t-il justifié devant les questions récurrentes des journalistes. Emmanuel Macron, né 17 ans après l’indépendance de l’Algérie, devait prôner une démarche plus consensuelle. Il a donné, effectivement, l’impression de vouloir transcender les rancunes, de casser les tabous et de panser les blessures. En déplacement à Alger en février 2017 en qualité de candidat indépendant à la présidentielle française, il a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité, de vraie barbarie ». Il a estimé qu’elle « fait partie de l’histoire française (…). Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ». Elu chef de l’Etat, il s’est engagé d’explorer en profondeur le dossier de la mémoire, en confiant la tâche à un historien spécialiste de l’Algérie. Le rapport que lui a remis Benjamin Stora, en février 2021, traite plusieurs aspects de la question. Il ne reconnait, néanmoins, les assassinats et la torture qu’à travers deux Maurice Audin et Ali Boumendjel. Il occulte, par ailleurs, l’essentiel : les motifs réels de la colonisation, les expropriations, les déportations, les viols, les expéditions punitives contre les villageois, les exécutions sommaires, les humiliations… et le nécessaire pardon dû aux algériens opprimés pendant 132 an, alors qu’il a été accordé, avec les honneurs de l’Etat, aux harkis le 26 septembre dernier. Pire encore. Au début du mois d’octobre, le président Macron a attisé les tensions bilatérales sur ce dossier en déniant à la nation algérienne une existence avant l’occupation française. Le 17 octobre, il n’a pas admis, avec autant de lucidité, la responsabilité de l’Etat dans le massacre perpétré, à cette date-là en 1961, contre des manifestants algériens pacifiques, l’imputant au seul préfet de Paris à l’époque Maurice Papon.
Les autorités françaises appréhendent, à ce jour, le passé colonial sous l’optique d’un prisme déformant. Cette attitude ambivalente alimente les discours de haine distillés par des voix, fortement médiatisées, de l’extrême droite. Près de 70 ans après le déclenchement de la guerre de l’indépendance, le dossier de la mémoire, miné par des intérêts politiques, avance d’un pas puis recule de deux.
Soulef B.