Accidents de la circulation : les nouvelles mesures judiciaires du gouvernement
Devant le nombre de plus en plus important des accidents de la circulation et l’effarante hécatombe qui en résulte, sans parler des dommages matériels, le président de la république a instruit, en Conseil des ministres, les responsables concernés par la lutte contre ce phénomène à entreprendre toutes les actions nécessaires afin de trouver les moyens adéquats pour leur réduction.
Des réunions de concertation interministérielles et intersectorielles ont été tenues depuis plusieurs mois qui se sont soldées par la conception d’un nouveau code de la route et l’adoption d’une nouvelle stratégie plus dissuasive, et c’est le ministre de la justice, garde des sceaux, Abderrachid Tabbi, qui a procédé à la présentation du projet de nouveau code de la route et de la stratégie du gouvernement aux membres de l’APN, lors d’une séance d’audition tenue au courant de cette semaine.
Après avoir rappelé les orientations et les recommandations du président de la république, Abdelmadjid Tebboune, dans le but de réduire les accidents de la route, le ministre de la justice, garde des sceaux a cité les peines et mesures judiciaires contenues dans le Code de la route actuel qui date de 2001 et qui a subi quelques modifications en 2004, en 2009 et en 2017.
Il annonce que la réalisation de la mouture du projet du nouveau Code de la route a été confiée à une commission multisectorielle sous l’égide du ministère de la justice qui a terminé sa mission et le projet se trouve actuellement au niveau du secrétariat du 1er ministère pour étude. Le nouveau Code de la route devrait être présenté devant l’APN au cours de la présente session parlementaire.
Ainsi, explique le ministre, les atteintes au code de la route sont classées en deux parties, selon le degré de dangerosité qu’elles représentent : les infractions et les délits. Les infractions sont punies d’amendes allant de 2000 à 5000 DA alors que les délits sont constitués par l’homicide ou les blessures involontaires qui sont punis de peine de prison allant jusqu’à 3 ans de prison ferme et 100 000 DA d’amende, pouvant être augmentée pour arriver à 5 ans de prison et 30 millions de centimes d’amende si elle est aggravée par la conduite en état d’ivresse ou sous l’effet de stupéfiants, et jusqu’à 10 ans de prison quand il s’agit d’un véhicule lourd ou transportant des produits dangereux. Les services judiciaires ont aussi la possibilité de suspendre le permis de conduire du contrevenant de 2 à 4 ans et sa suspension définitive en cas de récidive.
Un Code de la route plus dissuasif
Continuant sa présentation de la stratégie gouvernementale en matière de lutte contre les accidents de la route, le ministre de la justice, garde des sceaux, M. Abderrachid Tabbi, déclare que le nouveau Code de la Route comporte des dispositions tendant à renforcer la politique nationale en matière de sécurité routière, notamment en ce qui concerne le côté relatif au système de collecte et de traitement des données relatives aux accidents de la route. « Ceci afin d’améliorer le comportement des conducteurs et d’autres paramètres pouvant nous aider à éviter ces véritables drames qui endeuillent quotidiennement notre société », assure le ministre.
Dans ce cadre, le nouveau Code de la route prévoit l’aggravation des peines contenues dans le code actuel et de donner un caractère délictuel à certains actes de conduite en plus de la criminalisation d’autres, à l’instar de la mise en danger de la vie des autres utilisateurs de la route ou le refus de donner son identité aux services de sécurité.
Il est aussi prévu, dans les nouvelles dispositions du Code de la route, de faire suivre par le conducteur auteur d’un accident de la route des cours de sécurité routière dont la durée sera définie par les autorités judiciaires ou lui faire subir un examen médical afin de déterminer s’il possède les capacités physiques et mentales lui permettant de conduire un véhicule. Le nouveau Code de la route prévoit aussi la possibilité de la saisie du véhicule ayant causé l’accident mortel, tout en insistant sur la nécessité d’un contrôle technique régulier des véhicules afin d’obtenir les meilleures garanties d’une sécurité routière optimale.
Les procédures organisationnelles
En accompagnement des mesures judiciaires introduites par le nouveau Code de la route, le gouvernement préconise de mettre en œuvre une batterie de mesures organisationnelles, dont :
- La concrétisation d’un plan pour la réhabilitation de la signalisation routière à travers le territoire national
- L’exploitation des cartes des points noirs de la DGSN et de la gendarmerie nationale comptant le plus grand nombre d’accidents de la circulation afin de préparer un programme d’urgence pour les éradiquer.
- La préparation d’une identification nationale des conducteurs objets d’interdiction judiciaire de conduire et celle des véhicules interdits de circuler sur les routes.
- La mise en place de limiteur de vitesse pour les véhicules de transports de voyageurs et de marchandises, avec obligation d’un deuxième chauffeur pour les longues distances.
- Le renforcement du contrôle technique pour les autobus et les véhicules lourds.
- La mise en place de moyens de pesage statiques et mobiles pour le contrôle de la charge des véhicules lourds.
- L’application du permis à points et durcissement des conditions de délivrance et d’obtention du permis de conduire les véhicules de transport de voyageurs et de marchandises.
- La reconsidération de la gestion des fourrières publiques et leur utilisation de manière efficace.
- La réorganisation du secteur du transport routier des voyageurs avec la révision des conditions et des pratiques de l’activité de transport en commun des voyageurs, du transport scolaire et celui des marchandises.
- La modernisation du système de formation et de l’examen pour l’obtention du permis de conduire.
Les procédures judiciaires
En plus des procédures organisationnelles déjà entreprises, le ministère de la justice se focalise sur le traitement judiciaire des affaires d’accidents de la route par les parquets des tribunaux à travers le territoire national.
Dans ce cadre, une instruction a été adressée en date du 17 aout 2022 aux Procureurs Généraux près les Cours de justice d’Algérie leur demandant de jouer pleinement leurs rôles dans la concrétisation de la sécurité routière, en traitant les délits routiers de manière ferme et en instruisant les procureurs de la république afin qu’ils entament sans attente des poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui causent des accidents de la route. Il est aussi demandé aux procureurs de la république de veiller à la condamnation adéquate des conducteurs ayant causé de accidents de la circulation et à interjeter appel de toute condamnation non conforme aux orientations et à la volonté de mettre fin à l’hécatombe des accidents de la route.
La loi criminalise en outre de nombreux actes portant atteinte à la sécurité routière, à l’instar de :
- Le délit de fuite après un accident de la circulation
- Le refus d’obtempérer à une injonction d’arrêt émanant d’un agent habilité.
- La conduite sans permis ou avec un permis inadéquat.
- La poursuite de la conduite malgré la suspension du permis.
- L’obtention d’un duplicata du permis de conduire après une déclaration mensongère.
- La conduite en état d’ivresse ou sous l’effet de stupéfiants.
- Le refus d’examens biologiques et médicaux.
- L’infraction aux décisions de justice concernant la mise à l’arrêt immédiat du véhicule.
- L’installation de ralentisseurs sur les routes sans autorisation
- La détention d’appareils de détection ou de brouillage des appareils d’enregistrement des infractions (radar, …).
Ainsi, nous constatons que le gouvernement, par le biais de toutes les instances et départements concernés, ne lésine sur aucun effort pour mettre fin à ces séries d’accidents sans fin qui fauchent quotidiennement des dizaines de vies humaines.
La prise en charge du côté comportemental des conducteurs de véhicules et l’aggravation des peines pour ceux qui causent des accidents mortels contribueront certainement à atténuer un tant soit peu le nombre effarant d’accidents, devenus une véritable hantise auprès de milliers de familles algériennes atteintes par des drames incommensurables à cause d’un moment d’inattention, d’une conduite dangereuse ou d’une vitesse excessive de la part d’un individu qui ne mesure pas les conséquences de son … inconduite !
Tahar Mansour