Ali Bensaad ou l’art de la diffamation
par:
(Yazid Ben Hounet
Chargé de recherche au CNRS
Membre du Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Paris.)
Dans un précédent papier, intitulé « Les salades d’Ali Bensaad, agrémentées de frites Mc Cain », je réagissais à un texte que je jugeais calomnieux, rédigé par ce dernier, à propos d’Ammar Belhimer. C’est ma sœur qui m’a interpellé sur le post facebook d’Ali Bensaad et sur son texte « Khaled Drareni, Ammar Belhimer, la France et la pizza Mc Cain ». Je n’ai pour ma part pas de compte facebook. J’ai décidé de réagir, sans du reste en être sollicité par Ammar Belhimer, pour la simple raison que son texte contenait des informations erronées, de nature calomnieuse, sur les collaborations d’Ammar Belhimer avec le Centre Jacques Berque ; collaborations qui ont été mises en place essentiellement par moi. Ne pas réagir, alors que j’étais le mieux placé pour témoigner de la collaboration d’Ammar Belhimer avec le Centre Jacques Berque, aurait signifié que je souscrivais implicitement (par mon silence) à cette diffamation. Il n’en était pas question, ne serait-ce que pour mon estime personnelle.
En réaction, Ali Bensaad a publié un autre texte me diffamant directement, m’attaquant sur mes « qualités morales et intellectuelles ». Il m’y accuse de « clientélisme » et d’être « toujours aux côtés du pouvoir, académique ou politique » . Il le fait toujours selon le même procédé, en mélangeant le vrai et le faux, sur un ton qui se veut convaincant pour que la chose ait des chances de passer. C’est littéralement ce que l’on appelle « raconter des salades », confirmant ainsi le titre de mon premier texte.
Je tiens d’abord à signaler, puisqu’il me considère être un « client », que je ne possède aucun bien en Algérie. Je suis chercheur au CNRS (le plus grand organisme public de la recherche scientifique, en France), et à ce titre fonctionnaire de l’Etat français. Je ne suis donc pas dans une relation de dépendance économique vis-à-vis de quelques pouvoirs en Algérie, et comme je l’expliquerai par la suite, j’use de mon statut de chercheur et d’intellectuel libre, dans mes écrits, mes positions et engagements, y compris à l’égard du gouvernement de l’Etat qui m’emploie et y compris à l’égard du gouvernement algérien.
Puisqu’il m’attaque sur les qualités morales et intellectuelles, peut être lui faut-il commencer par lui donner une leçon de probité scientifique : un bon scientifique cite toujours ses sources ! C’est ce que je vais faire dans ce texte.
Ali Bensaad écrit à mon propos : « Lors de son passage au Centre Jacques Berque, il y’a eu une fronde des chercheurs locaux contre sa directrice du moment qui fut accusée de « pratiques néocoloniales ». Benhounet, toujours aux côtés du pouvoir, académique ou politique, a été un de ses rares soutiens avant que le CNRS ne la contraigne à démissionner. Mehdi Alioua peut en témoigner. Universitaire de pensée radicalement libre et de qualité comme peut en témoigner Achille Mbembe avec lequel il participe aux ateliers de la pensée africaine, il a été un des animateurs de cette protestation ».
Cette assertion est fausse. L’ancienne directrice du Centre Jacques Berque a démissionné de son propre chef, suite à des diffamations publiques (initiées par une pétition anonyme), et une cabale dénoncée d’ailleurs par les tutelles du Centre Jacques Berque (le CNRS et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères). La source : https://ma.ambafrance.org/Centre-Jacques-Berque. Cette cabale a été initiée et relayée par des chercheurs sans éthique, et relayé (peut être par abus de confiance ?) par le collègue dont Ali Bensaad se prévaut. Cette cabale a visé une femme dans une position enviée, et dont le seul « tort » fut justement d’avoir voulu mettre un terme à la gestion clientéliste du Centre Jacques Berque. C’est pour cela que je l’ai soutenu et que je la soutiens encore.
Il écrit que «Pour le défendre, M. Benhounet parle d’invitations qu’il a faites à M. Belhimer avec des billets d’avions qui n’auraient pas été payés par l’ambassade de France au Maroc. C’est faux et j’y reviendrai. ». J’atteste pour ma part que les billets d’Ammar Belhimer n’ont pas été pris en charge sur les fonds propres de l’Ambassade de France. Pour être très précis : Ammar Belhimer a collaboré à un programme scientifique, financé par l’Agence National de la Recherche (ANR), et hébergé par le Centre Jacques Berque dont les fonds sont gérés par ses deux tutelles (le CNRS et le Ministère des Affaires étrangères, via l’Ambassade de France). À ce titre, les attributions et répartitions budgétaires émanent de l’équipe coordinatrice du projet, et en premier lieu de son responsable scientifique (Baudouin Dupret, directeur du Centre Jacques Berque à l’époque), selon un budget prévisionnel validé par l’ANR. D’ailleurs le rapport scientifique et financier est transmis à l’ANR et les publications issues de ce programme ne font mention que du financement de l’ANR – comme cela est le cas dans cette note, en introduction d’un numéro de l’Année du Maghreb (https://journals.openedition.org/anneemaghreb/2519) comportant une contribution d’Ammar Belhimer (https://journals.openedition.org/anneemaghreb/2513) : « Ce dossier émane pour l’essentiel des travaux menés dans le cadre des projets ANDROMAQUE et PROMETEE qui ont été financés, de 2011 à 2014, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) sur ces programmes SUDS II et FRAL, et conduits à partir du Centre Jacques-Berque (CJB) de Rabat sous la direction de Baudouin Dupret et avec l’assistance de Yazid Ben Hounet ».
On trouvera ici quelques notes sur les contributions scientifiques d’Ammar Belhimer, en lien avec ses collaborations au Centre Jacques Berque : http://www.umifre.fr/recherche?key=belhimer
J’ajoute que lors de cette collaboration, mais aussi dans toutes les collaborations avec Ammar Belhimer, jamais ce dernier ne m’a demandé la prise en charge d’un de ses billets (que ce soit par le CJB ou quelqu’autre structure). Ali Bensaad sait très bien que les billets octroyés par les ambassades se font presque exclusivement à la demande des chercheurs en poste dans les institutions françaises (et non à la demande des chercheurs en poste dans des institutions étrangères). Jamais Ammar Belhimer ne m’a sollicité pour se voir octroyer un billet de la part d’une ambassade de France (au Maroc ou en Algérie). Il a été pris en charge dans le cadre de programme scientifique – à mon invitation – comme de nombreux autres collègues. Plus encore, lors de la dernière rencontre scientifique à laquelle il a assisté, et que j’ai coorganisé avec mes collègues Noureddine Amara et Isabelle Grangaud, en avril 2019 (https://www.efrome.it/la-recherche/agenda-et-manifestations/actualite/des-iles-dans-lhistoire-ecrire-lalgerie-archives-et-terrains.html), Ammar Belhimer, que nous avions convié (ainsi que d’autres collègues très respectables), s’est chargé (par lui-même ou par sa faculté?) de la prise en charge de son propre billet, permettant ainsi que notre budget puisse couvrir le transport d’autres collègues non pris en charge.
Est-ce là l’attitude de quelqu’un qui, pour reprendre les propos d’Ali Bensaad, tape «aux portes d’institutions françaises tout azimut. » ? Ali Bensaad assimile en outre Ammar Belhimer, et ce sans le connaître, à « ces élites feignant d’aboyer contre la France mais qui frétillent de la queue dès qu’il s’agit de s’octroyer pour eux et leurs proches ses privilèges et sa modernité et que résumerait bien cette ancienne publicité pour la Pizza [les frites Ali !] Mc Cain : ‘Ce sont ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus ‘». Sait-il au moins qu’Ammar Belhimer est surtout de ceux qui refusent les privilèges de son propre gouvernement (et de son propre Etat), préférant par exemple rester dans son appartement d’Alger (un simple appartement, pas une villa !), alors qu’il peut bénéficier du confort, pour lui et ses proches, de la résidence d’Etat au Club des Pins (https://www.lesoirdalgerie.com/periscoop/belhimer-refuse-club-des-pins-41091) ?
Puisque Ali Bensaad m’accuse d’être toujours aux côtés du pouvoir, académique ou politique, sans en apporter la preuve, le lecteur consciencieux pourra voir dans mes prises de position (en tant que signataire ou en tant qu’auteur) – en soutien à la cause palestinienne (https://anthroboycott.wordpress.com/signatories/), en soutien à la cause sahraouie (https://www.humanite.fr/la-france-une-lourde-responsabilite-dans-la-non-decolonisation-du-sahara-occidental-654034), alors même que j’étais en poste au Maroc (ce qui me valu d’ailleurs un procédé en diffamation par une partie des personnes qui avaient précédemment attaqué l’ancienne directrice du Centre Jacques Berque), en soutien aux gilets jaunes (https://www.academia.edu/43147115/Les_gilets_jaunes_et_lEtat_de_Barbarie_Le_Soir_dAlge_rie_21_mai), contre les répressions et la dérive autoritaire du gouvernement français (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/040519/nous-accusons-0), en soutien à Louisa Hanoune (http://yahia-ksentina.blogspot.com/2020/02/louisa-hanoune-liberee.html), etc. – que je suis loin d’être la personne décrite.
Les lecteurs consciencieux pourront lire mes analyses sur la situation en Algérie (en ligne ou sur ma page Academia). J’essaie, pour ma part, d’avoir une lecture raisonnée, loin des caricatures trop fréquentes, me semble-t-il, dans certains médias français – ce qui me vaut parfois de n’être que très partiellement cité, comme cela fut le cas en février dernier à la suite de questions du journaliste Célian Macé de Libération. Je mets à la suite l’intégralité de mes réponses à ses questions pour que le lecteur puisse juger de mes positionnements et analyses de la situation algérienne, notamment sur la situation des détenus d’opinion (puisque Ali Bensaad m’accuse sur ce point).
Quant à l’affaire Khaled Drareni, puisque je suis accusé par Ali Bensaad, de ne pas en avoir parlé, j’avoue que je ne sais pas trop quoi en penser pour le moment. Je comprends très bien que cela choque, que son emprisonnement soit une décision sévère (je suis de manière générale et par conviction personnelle contre la prison et l’incarcération des personnes). Avant de pouvoir me prononcer, j’aimerais (lorsque j’aurais le temps et si cela est possible) me procurer le jugement pour en savoir plus sur le dossier. Mais de grâce, ne concluez pas hâtivement sur mes qualités morales et intellectuelles parce que je ne crie pas avec les loups ! J’ai aussi d’autres préoccupations dans la vie. Tout au moins, ai-je la décence de ne pas instrumentaliser cette affaire pour diffamer autrui.
Que conclure de tout cela ? Les diffamations auxquelles se livre Ali Bensaad sont de fait immorales et éthiquement inadmissibles, de surcroit pour un chercheur ou un professeur. Elles sont aussi susceptibles de poursuites au pénal.
Alors de grâce, Ali Bensaad, publiez vos fameux « éléments dûment documentés », dont vous vous prévalez, citez vos sources ou taisez-vous !
Quant aux journaux putaclics, sollicitez et vérifiez les sources avant de publier ! Surtout si le contenu à un caractère potentiellement diffamatoire ! C’est la base du journalisme !
Yazid Ben Hounet
Chargé de recherche au CNRS
Membre du Laboratoire d’Anthropologie Sociale, Paris.