Ancien ministre des Droits de l’Homme sous Hassan II : L’avocat Mohamed Ziane arbitrairement incarcéré
Comme nous l’avions annoncé avant-hier, l’arrestation musclée du bâtonnier marocain Mohamed Ziane par une vingtaine de gorilles non-identifiés a vite fait d’être suivie par son incarcération. C’est en effet ce que vient de confirmer Ali-Réda Ziane, son fils et néanmoins avocat, cité par de nombreux médias. « Il a été transféré à la prison d’El Arjat (près de Rabat). Il n’a même pas été notifié légalement (de sa condamnation) et il n’a pas jamais comparu », s’est indignée la même source. « Il a été condamné [par la cour d’appel de Rabat] pour toutes les charges possibles et imaginables, c’est une aberration que je n’ai jamais vue », a renchéri le fils de l’opposant, et ancien ministre des droits de l’Homme sous Hassan II. Dans un communiqué, le parquet a ensuite confirmé que « les services de la police judiciaire compétente, et sur instruction du Ministère public, ont arrêté l’intéressé et l’ont incarcéré en exécution des dispositions de la décision d’appel ». Ziane était poursuivi en vertu d’une plainte du ministère de l’Intérieur marocain pour onze chefs d’accusation, dont ceux d’« outrage à des fonctionnaires publics et à la justice », « injure contre un corps constitué », « diffamation », « adultère » ou encore « harcèlement sexuel ». Il avait été condamné le 23 février à trois ans de prison ferme et à une amende de 5 000 dirhams (470 euros) mais avait été laissé en liberté. Pour ces faits d’adultère et de harcèlement sexuel, sic ! Nous invitons nos lecteurs à lire demain un entretien très instructif avec un « revenant de prison », accusé lui aussi d’adultère, et comment il a été déshabillé de force, filmé par la police d’Abdellatif Hammouchi, afin de le « démolir » sur les plans social et professionnel, et de le mettre en taule. Il nous y raconte aussi la prison marocaine de manière fort cocasse, de même que son inoubliable rencontre avec les détenus politiques de Gdeim Izik. Il s’agit du journaliste d’investigation Hicham Mansouri, personnage attachant et très haut en couleur. Avant son arrestation, Mohamed Ziane avait affirmé dans la journée « n’avoir jamais reçu de convocation pour comparaître devant la cour d’appel », assurant « qu’il est jugé à cause de ses opinions ». Son fils a dénoncé « un engrenage contre son père depuis qu’il a pris position en faveur du Hirak du Rif » en 2016-2017, et qu’il a assuré la défense de l’ancienne officier de police Wahiba Kherchiche, victime de menaces de mort, et de harcèlements sexuels, réels ceux-là. Dans un communiqué, le Comité marocain de soutien aux détenus d’opinion s’est dit « extrêmement choqué » par l’arrestation de Mohamed Ziane. « Son procès en appel s’est tenu lors d’une seule audience, sans donner au bâtonnier Ziane l’occasion de se défendre. Le tribunal ne l’a pas entendu ni sa défense », a critiqué ce collectif de défenseurs des droits humains au Maroc. « Il a été arrêté par plus d’une vingtaine de policiers en civil qui ont fait irruption dans son bureau […], sans présenter la moindre décision judiciaire, ce qui constitue une violation flagrante du code de procédure pénale, de la Constitution et des conventions internationales », a déploré l’ONG. Mohamed Ziane a été ministre des Droits de l’Homme entre 1995 et 1996. Proche des cercles du pouvoir, il fut également l’avocat du gouvernement dans les années 1990. Fondateur du Parti marocain libéral (PML) et grand commis de l’État, Mohamed Ziane, 79 ans, s’est fait connaître par des déclarations critiques contre le pouvoir, en particulier des services de renseignement marocains. Mohamed Ziane a également eu le courage d’accuser Rabat d’avoir menti sur le nombre de migrants (27) massacrés par ses services de sécurité à Mellila. Ce chiffre, pour cet avocat dépasserait carrément la centaine de personnes. Mohamed Ziane a lui aussi été victime d’une fausse vidéo fabriquée par les sbires de Hammouchi, avec sa cliente Wahiba Kherchiche, et largement colportée par les nombreux sites créés par le Makhzen afin de régler ses comptes, et de tirer sur tout ce qui bouge et ose déranger leur fausse quiétude.
Ali Oussi