Anthony Blinken à Jeune Afrique : « L’Afrique deviendra puissante et incontournable dans 20-30 ans »
Avec son pragmatisme typiquement anglo-saxon, l’administration US sous le règne du président Joe Biden, se tourne résolument et de plus en plus fort, comme en témoigne a tournée de quatre jours dans plusieurs pays africains tournées couronnée par un entretien accordé au magazine Jeune Afrique. Il y annonce, ou y confirme, ce que tout le monde subodorait déjà. A savoir que ce continent, avec ses énormes potentialités et richesses, éprouve encore du mal à décoller et à se frayer ne place de choix au sein des grands blocs planétaires. Si e triste constant est avant tout dû à son passé colonial et à ses dirigeants, très peu enclins à se pencher sur les desiderata de leurs peuples respectifs, les choses ne peuvent désormais demeurer en l’état. N serait-ce qu’à cause du formidable développement démographique de ce continent qui fait que dans 20-30 ans un être humain sur quatre sera un jour africain, ce qui n’est pas peu dire. Mais, comme nous n’en sommes pas encore là, force est de s’appesantir pour le moment sur la question du Sahara Occidental à propos de laquelle Washington entretient le flou depuis la déclaration de Trump sur la prétendue « marocanité du Sahara Occidental ». En réponse à la question relative à cette question cruciale et incontournable, Anthony Blinken douche sans le moindre égard les prétentions marocaines en tournant le dos à ce « deal du siècle » obtenu en échange de la trahison marocaine de la cause palestinienne, en s’en tenant strictement à la légalité internationale et au processus onusien engagé dans ce sens depuis le cessez-le-feu de 1991 et la mise en place de la Minurso. « Ce qui est très important pour nous, c’est de relancer le processus politique via l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies. La diplomatie américaine sera très active sur cette question et soutiendra le travail de Staffan de Mistura. Nous menons également des consultations avec toutes les parties concernées, avec les États voisins et avec les partenaires internationaux pour trouver le meilleur chemin vers une solution réaliste et acceptée par tous. Forcément, il faudra parvenir à des compromis. Plusieurs résolutions des Nations unies insistent sur le fait qu’une solution doit être juste pour être durable. Nous nous inscrivons dans cette démarche ». Inutile de dire que cette annonce finit d’enterrer cette illégale déclaration de Trump, et que le retour à la légalité internationale est bel et bien remis sur rails. Plus globalement parlant, Blinken confirme que Washington mise de plus en plus sur le continent africain. « Dans 25 à 30 ans, une personne sur quatre dans le monde sera africaine. Ce continent est incontournable pour nous, et nous voulons bâtir une vraie collaboration ». Une pareille collaboration gagnant-gagnant et basée sur le respect mutuel ne saurait se cristalliser suivant la méthode paternaliste et hautaine qu’a toujours suivi la France en Afrique. Preuve en est, explique encore le chef de la diplomatie US, que « Ce continent a des capacités extraordinaires au niveau économique, mais elles n’ont pas été beaucoup utilisées à cause du manque d’infrastructure ou de moyens financiers. Par exemple, les échanges entre Africains ne représentent jusqu’ici que 13 ou 14 % du total de leur commerce ; il y a une opportunité énorme à construire pour l’Afrique une vraie interconnectivité. Cela passe, entre autres choses, par les infrastructures et par la formation. Mais il ne suffit pas d’apporter des ressources. La vraie question est : comment les utiliser » ? Ces chiffres et ces données montrent bien que Bliken s’est fort bien documenté et qu’il semble avoir cerné, ne serait-ce qu’en partie, l’origine du drame africain. Les Américains semble en revanche faire fausse route dans le choix des pays visités et dans leur ignorance du MAEP (mécanisme d’autoévaluation par les pars qui reste un processus louable, adossé à l’axe Alger-Pretoria-Abuja. « Le recul de la démocratie, non seulement en Afrique, mais aussi dans plusieurs parties du monde, est une situation qui nous inquiète beaucoup. C’est justement pour cela que nous renforçons nos liens avec les partenaires démocratiques comme le Sénégal, le Nigeria ou encore le Kenya, où je me suis rendu lors de ce voyage ». Quant aux menaces sécuritaires qui se posent et s’imposent au Sahel, le chef de la diplomatie américaine donne l’air de s’aligner à juste titre sur la position algérienne. « Pour adresser les défis auxquels font face les pays du Sahel, l’approche sécurité est nécessaire mais pas suffisante. Mais il faut aussi veiller sur les institutions démocratiques et prendre en compte les questions de gouvernance, les opportunités économiques et l’impact du changement climatique ».
Synthèse Kamel Zaidi