Conflictualisation programmée des relations Iran/Monde Arabe et mise en place du projet de Nouveau Moyen Orient.
(*) Allaoua Bendif
Le Monde Arabe est depuis quelque temps déjà sous tutelle et il y a perdu tout potentiel d’initiative projective ou prospective commune. Les Arabes n’ont conservé que la possibilité de mal gérer leurs conflits internes et inter-arabes par la faute d’un contexte déstabilisé et aux relations rendues quasi inextricables par un programme actif de double conflictualisation: d’abord entre certains pays arabes offrant des conditions d’aubaines conflictuelles propices et ensuite entre les dirigeants arabes et leurs peuples respectifs par un «Printemps Arabe» ne fleurissant d’aucun espoir mais de bombes sales à fragmentations multiples.
Ce programme ciblé de conflictualisation a fortement déstabilisé cette Région du monde diversement stratégique où se jouent au moins trois dimensions de son équilibre minimum actuel, à court et à moyen termes.
Ce programme global, multidécennal de brutalisation et de déstabilisation du monde arabe et du Moyen-Orient plus largement, a pour maître d’œuvre, le monde se considérant libre, démocratique et riche, évalué à 20 p. cent de l’humanité mais dont la richesse et la liberté ne sont quasi exclusivement que le résultat de la spoliation continue depuis au moins trois siècles de toutes les richesses des 80 p. cent du reste de l’espèce humaine et de l’agression multimodale de leur droits à la dignité, à la liberté et au développement économique, social et humain. Quant à leur idéal soi-disant démocratique, il devient Cheval de Troie au-delà de leurs frontières, pour installer des dictateurs-serviteurs , à leurs bottes, leur obéissant au doigt et à l’oeil, avec autorisation de voler leurs peuples et de planquer le fruit de leur rapines dans les «démocraties» occidentales «receleuses».
Les parties les plus actives au sein de ce Cartel occidental toxique sont les USA et l’Etat sioniste d’Israël dont les menées pour la mise en place du Nouveau Moyen Orient désarticulé, amorphe et soumis au protectorat américano-sioniste, ne sont désormais plus un secret mais des objectifs publiquement déclarés et assumés.
Dans ce programme tactique de conflictualisation déstabilisatrice du Moyen Orient et du Monde arabe, le conflit Iran/Irak a été la première séquence, désastreuse pour la cohérence arabe et son potentiel d’action commune mais très productive pour les USA et pour Israël.
L’Irak de Sadam, gonflé à bloc et manipulé comme il se doit pour enclencher le désastre, armé jusqu’aux dents contre l’Iran et ainsi savamment endetté, embourbé dans une guerre qui a mis à genoux les peuples iranien et irakien, il a ensuite été poussé à agresser le Koweit et ainsi utilisé comme menace tactique contre les monarchies pétrolières du Golfe pour les attirer sous le protectorat américain et, progressivement, sous le protectorat sioniste Israélien. Cela évoque la stratégie déshumanisante des Winchester et du whisky cédés aux Indiens pour les pousser aux hostilités que justifieront leur massacre programmé.
Sadam battu et pendu, l’Irak complétement détruit militairement, économiquement et technologiquement et ainsi définitivement neutralisé, Israël y a pour plus de mal encore, enfoncé le coin kurde de sa conception et de son obédience.
Après cette première séquence de démontage du Moyen Orient, l’Iran a été, à son tour, programmé pour enclencher la deuxième partie de ce plan. Ce pays-problème pour Israël et pour l’Occident a été, à son tour, actionné contre les pétromonarchies du Golfe dont les familles régnantes ont été préalablement conditionnées par le danger tactique fabriqué et actionné par les USA et Israël : l’Irak de Sadam Hussein.
Cette crise sécuritaire tactique instrumentalisée dans le Golfe arabopersique a poussé à la création de l’Alliance monarchique arabe à travers le Conseil de coopération du Golfe mais il se trouve, objectivement, que cette Alliance stratégique a marqué une véritable cassure à l’intérieure du Monde Arabe et de sa Ligue. En effet, force est de reconnaitre qu’elle a surtout agi à l’intérieur du monde arabe, en faisant voler en éclat la Ligue du même nom et en neutralisant durablement son potentiel d’initiative et d’action commune, rendant ainsi possible la quasi destruction de la Syrie, de la Libye et du Yemen, avec, à chaque fois, en arrière-plan, le motif du spectre de la connexion avec l’Iran. l’Algérie aussi est ciblée. Les fauteurs de conflits et propagandistes guerriers sionistes ont déjà publiquement comparé l’Algérie à l’Iran, à partir du Palais royal marocain dont les marionnettes du Makhzen ont tenté de vendre la camelote fake d’une soi-disant présence d’experts du Hezbollah dans les camps de réfugiés sahraouis en territoire algérien.
L’Alliance monarchique du Golfe n’a pas agi directement contre l’Iran manipulé, elle a agi, de concert et la protection américano sioniste, contre les pays représentant un danger potentiel pour le programme de déconstruction-reconstruction du Moyen Orient, au profit d’Israël et des USA.
La cœur de la crise actuelle et de la déstabilisation paralysante du Monde Arabe, c’est donc la conflictualisation tactique des relations entre l’Iran et les pays du Golfe en particulier et la manipulation perverse du rôle de l’Iran au sein du Monde Arabe pour atteindre deux buts fondamentaux:
– neutraliser totalement le potentiel d’initiative et d’action arabe pour déconstruire-reconstruire le Moyen Orient en toute tranquillité, au bénéfice exclusif des USA, d’Israël et de leurs alliés méthodiquement mis dans un état quasi hypnotique.
– détruire le potentiel économique et technologique de l’Iran, exactement comme il en fût de celui de l’Irak.
Pour rester dans l’équilibre des choses l’Iran, dans cette histoire, a aussi ses responsabilités et personne, en Algérie ne veut ni ne peut oublier les velléités de ce pays et de son ambassade à Alger, dès les premières heures des années noires du terrorisme jihadiste et du travail alors effectué avec les «barbéfélènes».
Aspirer à réunir les conditions du travail arabe commun et restaurer la synergie arabe dans de telles conditions est donc difficile.
Par contre, travailler à désamorcer ce terrible piège de la conflictualisation et de la brutalisation tactique des relations de l’Iran avec certains pays arabes et avec les monarchies du Golfe serait dans les intérêts supérieurs du Monde Arabe aussi bien que de l’Iran.
Désamorcer les charges conflictuelles entre l’Iran et l’Arabie Saoudite permettrait de mettre fin à l’horreur de la guerre au Yémen et offrirait une voie de désengagement salutaire de ce bourbier aux Saoudiens. Cela soulagerait le Yémen d’immenses souffrances.
La fin de ce conflit ferait sortir l’Iran de son isolement régional et lui permettrait de se concentrer sur son développement. Plus et mieux, cela permettrait à ce pays de s’extraire stratégiquement du rôle déstabilisateur que les USA et Israël lui font jouer dans la région, à ses dépens.
Cela permettrait aussi de désenfler une certaine baudruche gonflée à nos frontières Ouest.
Objectivement, cela réunirait les conditions d’une solution du conflit israélo-palestinien sur les bases communes des résolutions de l’ONU et de la Ligue Arabe.
Cette problématique de la conflictualisation et de la brutalisation des rapports Iran-Pays Arabes a fait trop de mal. Il est largement temps de commencer à travailler à la neutraliser et à désamorcer ses fragmentations explosives régionales et sous-régionales pour empêcher le Monde Arabe de s’enfoncer dans la conflictualisation structurelle et lui permettre de retrouver la stabilité et la Paix inter-arabe et ainsi, de pouvoir réorienter son potentiel vers ses besoins impérieux de développement économique, social et humain.
La diplomatie algérienne a les moyens, le charisme, la neutralité active et bienveillante et l’expérience pour s’y investir. Téhéran, la libération des otages américains en Janvier 1981 ce n’est pas si loin: la diplomatie Algérienne peut faire parler la raison et la conscience et la raison et la conscience engendreront la Paix.
(*) Allaoua Bendif
Fils de Chahid
Docteur en psychologie Clinique
Enseignant universitaire à la retraite.
Auteur de : « Violences Algériennes», Koukou Editions. Octobre 2019