Contrat des sous-marins raflé par les Etats-Unis : Les adversaires de Macron pointent du doigt une diplomatie défaillante
L’affaire du contrat des sous-marins, raté par la France, est en voie de fragiliser considérablement le président français, Emmanuel Macron, sur le front interne, à quelques mois de l’élection présidentielle. Dans sa conquête d’un deuxième mandat à l’Elysée, le chef de l’Etat sortant traine déjà, comme un boulet, une récession de l’économie nationale, ayant induit une érosion importante du pouvoir de ses concitoyens. Et voilà qu’un contrat juteux que la France négocie depuis 2016, lui passe sous le nez à cause d’une meilleure performance de du président américain. Arrivé à la Maison Blanche depuis neuf mois à peine, le démocrate Joe Biden a parachevé les manœuvres de son prédécesseur, visant à contracter une alliance stratégique avec l’Australie et le Royaume uni, baptisée Aukus, dans l’indo-pacifique. Cet accord, qui porte sur la construction de sous-marins à propulsion conventionnelle, a été conclu dans la plus discrétion, alors que le marché était pratiquement acquis à la compagnie française Naval groupe, étatique à hauteur de 60% des parts du capital social. L’Australie a rompu le contrat préliminaire sans prévis, préférant accorder le projet aux Etats-Unis. C’est un véritable revers pour la France, qui semble ainsi perdre de son influence, en Europe, en Océanie et en Amérique, et par ricochet ses intérêts économiques dans la région. D’aucun estiment que l’Hexagone est d’abord confronté à une crise de confiance avec ses partenaires traditionnels. Que le président Macron eut pris le soin de rappeler les ambassadeurs à Washington DC et Canberra et qu’il se soit abstenu de participer à la 75ème Assemblée générale des Nations-Unies, à laquelle il a délégué son ministre des Affaires Etrangère Jean-Yves le Driand, est assimilé, par ses adversaires politiques en intra-muros, à une petite bouderie, sans conséquence sur une diplomatie jugée défaillante. Il a suffi, certes, que le président américain le joint par téléphone, le 22 septembre (dix jours après l’éclatement de la crise) pour que la colère manifeste de Macron tombe d’un cran. Dans un communiqué commun, rendu public par les deux chefs d’Etat, acte le retour des relations bilatérales à leurs conditions normales, sans s’appesantir outre mesure sur le fond du conflit. « Les Etats-Unis réaffirment que l’engagement de la France et de l’Union européenne dans la région indo-pacifique (…) et ils reconnaissent qu’il est nécessaire que la défense européenne soit plus forte et plus performante, en contribuant de manière positive à la sécurité transatlantique et mondiale et en complétant le rôle de l’Otan ». L’apaisement est sous-jacent à un discours fortement diplomatique, sans aucune remise en cause de la mainmise des américains sur le marché qui vaut 56 milliards d’euros. Cette affaire est carrément du pain béni pour les rivaux d’Emmanuel Macron dans l’élection présidentielle. « La France est reléguée en deuxième division » ironise Xavier Bertrand , un des candidats de la Droite. Marine le Pen et Eric Cotti, respectivement candidats pour le Front national et au primaire du Parti Les Républicains revendiquent un retour vers « une politique gaulienne ». Jean Luc Mélenchon, postulant au nom de la France insoumise, regrette « une caporalisation de la France vis-à-vis des Etats-Unis. Plus direct, le politologue Jean-Yves Cumus entrevoit, dans cette affaire (quelque chose de gênant, qui est liée à la duperie. C’est de nature à égratigner la susceptibilité nationale » (déclarations faites au quotidien français Le Monde).
L’Elysée et Matignon, autant que le département des Affaires étrangère œuvrent à minimiser l’impact de cet camouflet en pointant du doigt la traitrise des américains et la duplicité des britanniques et des australiens. Ils n’ont pu, néanmoins, détourner l’attention de l’opinion publique de l’essentiel : ils ont failli à faire jouer les rouages de la diplomatie pour préserver les intérêts économiques du pays.
Soulef Biskri