Contribution/ État des ressources superficielles et la réutilisation des eaux épurées comme facteur de résilience au stress hydrique
Par (*) Pr. Messahel Mekki
Depuis plus d’une double décennie, l’Algérie connait une situation préoccupante de déficit chronique en ressource en eau du fait du changement climatique et de l’absence de stratégie précise en matière de gestion.
Malgré que les pouvoirs publics aient mis tous les moyens humains et financiers pour la pérennisation de cette ressource, mais depuis ces dernières semaines, des chiffres sont données par voie de presse qui ne peuvent que nuire à la mise en œuvre à la stratégie nationale et aux programmes d’urgence et le plan d’action arrêté par le gouvernement.
Ces chiffres ne reflètent nullement la réalité du terrain par l’état d’avancement des programmes initiés pour faire face au déficit hydrique constaté sur les vingt wilayas impactées par la baisse du niveau des réserves des barrages destinés pour l’alimentation en eau potable et l’irrigation des périmètres.
Des faits constatés par le conseil des Ministres du 13 février 2022 , et le Président de République a ordonné de « procéder à un examen, une évaluation et définition du véritable volume de consommation quotidien de l’eau potable , l’étude devant se faire durant un délai de un mois au niveau des wilayas d’Alger, Oran et Constantine dans le but de revoir le plafond de production et de distribution, car le véritable chiffre indiciaire actuel est exagéré et atteint dans la capitale 1 250 000 mètres cubes pour quatre millions d’habitants ».
La situation de nos barrages est très préoccupante. Le taux avancé de 37% est relative car il représente le rapport du volume du barrage y compris la vase et le volume mort du barrage par rapport au volume théorique (capacité) du barrage, alors qu’on doit prendre en considération que le volume exploitable du barrage (volume utile) et de ce fait le remplissage des barrages n’est qu’à 27%
D’après certains chiffres publiés par la presse algérienne le 12.03.2022« l’Algérie dispose d’une capacité de traitement des eaux usées de 500 Millions de m3 et la production de cette d’épuration peut atteindre 01 Milliard de mètres cubes à l’horizon 2030 pour quelques 400 000 hectares».
Or selon le rapport de l’Office Nationale d’assainissement (ONA), relatif à la stratégie nationale de la réutilisation des eaux épurées.
Le volume théorique des eaux épurées ne dépasse même pas une capacité de production de 360 millions mètres cubes correspondant à un volume d’eau épurées réutilisées de manière directe ou indirecte que 53 hm3/an.
Concernant les chiffres relatif à la sécurité hydrique, il existe 75 barrages en exploitation et cinq barrages en construction, alors actuellement, l’Algérie dispose d’un parc de 80 barrages dont 5 barrages ne sont pas exploités, il s’agit des barrages de Kef Eddir , Tabellout, Seklafa, Soubella et Draa Diss) et 5 autres en construction ( Sidi Khelifa, Souk Telta, Bouzina, Boukhroufa et Djerda).
Le volume d’eau des barrages hors exploitation de 365 millions de mètres cube avec deux barrages presque remplis à plus de 80 %.
Le barrage Kef Eddir (Tipasa), réalisé par l’entreprise national Cosider et livré en 2018, le volume actuel de la retenue est 101 millions de m3. Le transfert d’eau à partir du barrage Kef Eddir de Damous revêt d’une importance capitale pour la couverture des besoins des 13 communes de Tipasa, en plus de 3 communes d’Aïn Defla et trois autres de la wilaya de Chlef ainsi que les zones d’ombre. Selon les informations recueillis les travaux sont presque l’arrêt depuis septembre 2021.
Même situation pour le barrage de Tabellout (Jijel) de volume d’exploitation est 265,0 Millions de mètres cubes correspondant à taux de remplissage de 90 %.
Malgré le lancement d’avis d’appel d’offre en juin 2021, les travaux de réalisation du transfert des eaux du barrage Taballout n’ont pas encore démarré dont l’impact vise le renforcement de l’alimentation en eau potable des 06 communes : Bouhatem, Tassadane Haddada, Bousselah, Zareza, El Ayadi Barbes et Ain Beida Ahrich) de la wilaya de Mila et deux autres communes Djimla, Boudria Béni Yadjis à Jijel pour permettre l’alimentation d’une population de plus 215000 habitants.
En tant qu’expert international et expert judicaire en ressource en eau, nous tenons à apporter notre modeste contribution souhaitons avoir plus de clarifications sur les chiffres et informations publiés par la presse par rapport aux données du terrain et qui ne permettent pas d’assoir une démarche de travail cohérente sur la base d’indicateurs et critères scientifiques permettant d’atteindre les objectifs escomptés par les pouvoirs publics afin de garantir une sécurité hydrique et alimentaire pérennes.
(*) Pr. Messahel Mekki
Expert International et Expert Judiciaire en Ressources en Eau
Ex. Gouverneur du Conseil Mondial de l’eau
Docteur d’état en ressources en eau promotion 1983
Professeur en ressources en eau à l’école nationale supérieure de l’hydraulique ENSH et à l’Université de Blida depuis 1983 et Directeur de recherche à ce jour
Ancien député APN 1997- 2002
Membre du conseil mondial de l’eau depuis 2000 à ce jour
Ex gouverneur du conseil mondial de l’eau 2006-2009
Membre de l’Académie française de l’eau depuis 2001 à ce jour
Expert international en ressources en eau
Expert judiciaire agréé des tribunaux algériens depuis 1994 à ce jour
Auteur de plusieurs publications sur ressources en eau