Dalila Djamane de nationalité algérienne. Elle est actuellement Chercheuse et analyste juridique dans le domaine des investissements dans la société de G. World en Égypte.Elle est également Arbitre dans l’arbitrage commercial international et titulaire d’un Master 2 en droit public des secteurs stratégiques et des affaires de l’université de Jean Moulin Lyon III.
Contribution: Le blocage du Canal de Suez : une chaîne de responsabilité complexe
Après des jours d’immobilité à travers du Canal de Suez, l’Ever Given a été enfin, remis à flot partiellement et ses moteurs rallumés. « Le positionnement du navire a été rétabli à 80 % dans la bonne direction et l’arrière s’est éloigné de 102 mètres de la rive » dit le président de l’autorité du Canal de Suez Ossama Rabie.
Une foi remis dans le bon sens, le navire pourrait continuer sa course et la navigation reprendra. Cela serait un immense soulagement pour les armateurs du monde entier et surtout pour l’Egypte.
Cet immense porte-conteneur avec ses 400 mètres de long avait bloqué le canal de Suez, l’axe crucial entre la méditerranée et la mer Rouge. Ce blocage avait causé des répercussions économiques et mis sous tentions l’ensemble du commerce mondial.
En effet, une grande partie du commerce mondial transite par cet endroit. En fait, le canal de Suez a été inauguré en 1869 pour permettre aux navires d’aller d’Europe en Asie sans devoir contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Esperance.
Selon l’autorité égyptienne, en 2020, plus de 19 000 navires avaient emprunté le Canal de Suez, ce qui représente entre 10 % et 12 % du trafic maritime mondial et 10% du commerce maritime de pétrole et il est surtout très important aussi pour le commerce entre l’Asie et l’Europe.
L’heure des comptes
Avec des centaines de millions de dollars en jeu, les enquêteurs ont commencé le mercredi 31 mars à tenter de déterminer qui était responsable de l’accident. Une Bataille qui commence et qui risque de durer des années.
Une équipe d’enquêteurs a été formée pour commencer à investiguer sur les raisons de l’incident pour désigner vers qui se tourner pour exiger le remboursement d’éventuels dégâts ou pertes économiques. « Le bateau restera dans les eaux égyptiennes jusqu’à la clôture de l’enquête », a affirmé Osama Rabie, le président de l’autorité du Canal de Suez (SCA – Suez Canal Authority).
Alors que l’équipe d’enquête comprend le SCA, Evergreen Company en tant qu’opérateur du navire, ainsi que l’armateur japonais Shoei Kisen.
Le président de l’autorité du canal de suez avait dit que « les raisons derrière cet incident sont des erreurs techniques et humaines ». Ajoutant que « 425 navires sont toujours bloqués et chaque jours d’immobilisation coute de 5 à 8 milliards d’euros ».
La question qui doit être posée est : Quelles sont les règles de responsabilité applicables en cas d’incident du Canal de Suez selon la loi égyptienne?
Le président du SCA a déclaré le 31 mars que les enquêtes préliminaires indiquent la responsabilité du capitaine du navire en raison de son erreur personnelle ainsi que de sa réticence à coopérer. Le président a également déclaré que le SCA devrait réclamer environ 1 milliard de dollars à Evergreen pour couvrir la perte de revenus d’environ 15 millions de dollars par jour (multiplié par les six jours de blocage de la voie navigable) et les coûts pour le SCA liés au dragage de la rive du canal pour déloger le navire.
En théorie, le capitaine désigné par l’armateur est responsable des éventuelles erreurs de navigation. Mais le canal de suez est un cas particulier parce que la navigation n’y est pas libre.
L’article 4 des règles de navigation publiées par le SCA prévoit que le propriétaire, l’exploitant et / ou l’affréteur d’un navire est responsable de tout dommage causé directement ou indirectement par un navire à lui-même ou aux propriétés ou personnel de SCA. Ils sont également responsables de toute perte résultant de l’obstruction de la navigation dans le canal. La responsabilité s’étend aux pertes directes et indirectes.
La Cour de cassation égyptienne a déclaré dans un certain nombre de ses arrêts que « le SCA n’est pas lié par les réglementations gouvernementales considérant sa nature particulière en tant qu’entité gérant l’un des services publics essentiels en Égypte.
Le SCA est donc autorisé à la survenance de tout incident sur la voie navigable du canal de Suez à établir les éléments de la responsabilité, à estimer les dommages à travers ses unités techniques et à effectuer des inspections aux fins de prouver les éléments de la responsabilité en termes de la faute, le dommage et le lien de causalité entre eux. Il est également autorisé à réclamer une indemnité réparatrice à la partie qui a causé le dommage. »
En outre, le SCA est autorisé, en vertu du décret présidentiel n ° 161 de 1963, à percevoir les redevances et tous les montants dus par saisie directe des navires sans saisir le tribunal ni obtenir une décision de saisie judiciaire.
Il est donc attendu que le SCA utilise les pouvoirs qui lui sont conférés pour décider et percevoir la rémunération réparatrice qui sera décidée par le comité.
Le SCA peut-elle être tenu comme responsable des navires retardés ?
Selon l’article 5 des règles de navigation, le SCA a le pouvoir de retarder les navires pour les conditions de trafic ou les visites techniques ou si le SCA le voit nécessaire pour la sécurité des navires et de la navigation. Les navires peuvent également être retardés dans le but d’enquêter sur toute réclamation ou litige, plainte ou allégation de violation de la loi ou pour des raisons de sécurité. Donc dans ces cas de retard, aucune demande de dommages-intérêts ne sera acceptée ou examinée.
Dans ces conditions, la principale question ici serait de savoir si le propriétaire d’Ever Given devrait indemniser SCA pour toute réclamation de tiers en relation avec le retard. Selon les règles de navigation, les navires traversant le canal indemniseront SCA pour toute réclamation contre cette dernière pour des dommages causés directement ou indirectement par le navire à un tiers.
Il est donc prévisible que SCA réclamera une indemnisation contre Evergreen pour toute réclamation d’un tiers ou s’adressera directement à son assureur si Ever Given bénéficie d’une couverture de protection et d’indemnisation. Il est à noter ici qu’en droit égyptien, le bénéficiaire d’une police d’assurance peut réclamer son indemnisation directement auprès de la compagnie d’assurance.
Enfin, il n’est pas possible de déterminer les différentes responsabilités dans la survenance de l’accident tant que le comité technique d’enquête n’a pas terminé son rapport, et s’il est prouvé que l’accident était dû à une erreur humaine ou technique. Défaut personnel lié au capitaine du navire, à son cockpit ou à son moteur, alors la société propriétaire sera responsable de l’indemnisation.
Cet incident avait incité les autres pays à trouver d’autres routes pour leurs marchandises sur le long terme soit autour de l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance ou bien le train ou l’avion.
Dalila Djamane