La stratégie bancaire en période de crise
La stratégie désigne l’orientation de toutes les actions déployées par une banque pour atteindre un objectif donné, lui permettant d’acquérir un avantage concurrentiel. Porter, éminent spécialiste de la stratégie, insiste sur le caractère pertinent de la stratégie.
Elle doit être décisive, durable et défendable. Mais est-ce le cas dans la pratique ? La récente crise de 2007 – 2008 montre clairement que non. Pour preuve, la faillite des banques, dont Lehman Brothers, et les interventions massives des Etats pour les sauver. Dans ce cas, les banques ont-elles changé de stratégie ? Ou plutôt de stratégies (au pluriel) ? Peut-on parler d’une
stratégie particulière qu’on pourrait associer à une période de crise ?
Pour répondre à ces questions, nous avons, fait appel à une analyse
comparative du positionnement stratégique des banques du TOP 200 (les 200 premières
banques mondiales).
L’idée est de déceler les changements en matière de stratégie des
banques avant et après la crise 2007- 2008. En particulier, nous avons pris comme référence
les années 2006 et 2012, en utilisant les bases de données de « The Banker » et « Bankscope
». L’année 2006 a été choisie pour caractériser le comportement des banques avant la crise
de 2007 – 2008, alors que 2012 l’a été pour décrire le comportement après la crise, en se
référant à des arguments théoriques sur la sortie d’un épisode de crise sévère comme celle
de 2007-2008.
Evidement, pour réaliser cette analyse, il fallait répondre à deux questions fondamentales.
La première, comment caractériser la stratégie d’une banque ? La seconde, avec quels
outils?
Ces questions ont été traitées en détails dans la thèse, mais nous nous n’étalerons pas ici
faute de temps.
La typologie de la Banque des règlements internationaux (BRI) a été retenue
en raison de sa pertinence. La BRI abrite le Comité de Bâle, le normalisateur des normes
bancaires internationales. La méthodologie de la BRI permet d’identifier 3 groupes de
banques: 1) Les banques de détail; 2) Les banques mixtes et 3) Les banques de marché. Les
banques de détail se caractérisent par de forts ratios de crédits et dépôts dans le bilan. Les
banques mixtes se démarquent des banques de détail par l’importance accordée au
financement par le marché dans le bilan. Pour les banques de marché, c’est le poids du
trading et de l’interbancaire qui prévaut.
Nous avons aussi montré dans notre thèse que les bilans et comptes de résultats sont des
outils fortement robustes pour mesurer le comportement des banques. Cela nous a
confortés d’avantage dans le choix de la méthodologie de la BRI qui, justement, s’appuie sur
les données bilancielles des banques.
Quels sont les résultats obtenus?
Les résultats nous ont clairement montré qu’il y a changement de positionnement
stratégique des banques entre 2006 et 2012. Concrètement, si en 2006 le positionnement
des banques était hétéroclite, en 2012 il devient beaucoup plus homogène puisque la
majorité des banques opte pour le modèle de banques de « détail pur ».
L’analyse nous a permis de dresser une cartographie régionale des positionnements
stratégiques. Nous avons découvert qu’en termes de positionnement stratégique, le modèle
de banque de «détail pur» est partout en vogue en 2012 et s’est démocratisé en Europe. Les
banques de l’Amérique du Nord et de l’Asie-Pacifique s’étaient déjà spécialisées dans le
« détail pur » en 2006.
Par contre, les banques européennes étaient très hétérogènes en
- Ces banques (à quelques banques près) se répartissaient quasi-équitablement sur les
.positions « détail pur », « mixtes » et de « marché ». En 2012, la grande majorité des
banques européennes change de positionnement pour se focaliser sur le modèle « détail pur
».
Que pouvons-nous en conclure ?
D’abord que ces résultats permettent de répondre clairement à notre problématique, à
savoir qu’elle est la stratégie bancaire en période de crise ? La réponse est de se positionner
sur le modèle de« détail pur» qui se caractérise par de forts ratios de crédits et dépôts dans
le bilan.
Ce qui est encore plus intéressant dans ces résultats, c’est le positionnement stratégique des
banques européennes.
En effet, la crise bancaire et financière est partie des Etats-Unis. Nous
nous attendions, donc, logiquement à voir les banques américaines changer en premier de
positionnement stratégique, puisqu’en difficulté et acculées par les nouvelles règles
prudentielles (Accords de Baie).
Or, que constatons-nous? Tout simplement que les banques
étatsuniennes se positionnaient déjà sur le bon segment – celui des banques du «détail
pur». Par contre, les banques européennes étaient positionnées sur des segments de
marchés risqués puisqu’au lieu de se positionner sur le « détail pur », elles sont éparpillées
entre les modèles « détail pur », « mixte » et de «marché ». Ce n’est qu’après la crise
qu’elles rectifient le« tir».
Nous concluons donc qu’il est vrai que ce sont les banques américaines qui sont à l’origine
de la crise, mais la propagation rapide et mondiale de celle-ci ne leur incombe pas
totalement. Nos analyses suggèrent qu’apparemment, pour une part significative, cela
incombe aux banques européennes, au moins sur le continent européen terre de leur plus
important marché.
Ces banques, très puissantes et très nombreuses dans le TOP 200,
prenaient des positionnements trop risqués, ce qui les rendaient trop fragiles devant une
crise d’une telle ampleur.
Sur cette base une de nos principales recommandations pour les régulateurs financiers a été
de souligner l’impératif de s’assurer que la tendance en matière de positionnement
stratégique des banques soit orientée vers le modèle « détail pur », pour qu’elles puisse à
long terme être porteuse de résilience aux chocs et de protection de la création de la valeur
pour les actionnaires ainsi que pour les déposants.
Cette recommandation est évidemment très valable pour les banques algériennes.
Je vous remercie pour votre attention.
LIRE AUSSI:
Contribution de Mr Noureddine Khelassi: Le drapeau national: Sens et symbolique
tor market deep web drug markets