Article d’opinion de M. German Correa Díaz, ex président du Parti Socialiste du Chili et ex Ministre d’État
« En 2019, après 57 ans de militantisme et après avoir été leader dans la clandestinité du Parti Socialiste (PS) pendant 17 années de dictature militaire, j’ai démissionné du PS, le seul parti politique dans lequel j’ai milité durant toute ma vie. Je l’ai fait par honte, à cause des positions de plus en plus contestables qu’adoptaient ses dirigeants, de plus en plus éloignées des positions et convictions historiques du PS ; à cause de l’indifférence coupable de sa direction à nettoyer le parti de la pénétration du trafic de drogue ; et, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, en raison de la position conservatrice que sa direction a adoptée face à la révolte sociale (débutée au Chili le 18 octobre 2019), en se joignant à la clameur des Droites pour demander davantage de répression de la revendication populaire légitime, sans même chercher à comprendre la raison structurelle de la crise sociale, institutionnelle et politique qui s’est, avec cela, manifestée et dans laquelle nous, socialistes, avons eu une part de responsabilité, du fait de notre participation active à une bonne partie des gouvernements du pays à partir de 1990.
Mais cette honte a atteint aujourd’hui des limites que je n’aurais jamais cru ressentir -même si je ne suis plus militant, mais parce que je suis et j’ai été socialiste toute ma vie- à propos des déclarations de la présidente du PS, la sénatrice Paulina Vodanovic, qui a remis en question la décision conséquente du Président de la République, Gabriel Boric, d’exclure de la Foire Internationale de l’Aérospatiale, FIDAE 2024, les entreprises productrices d’armes d’Israël, un État actuellement remis en question dans le monde entier, par près de 90% des pays de la communauté internationale, pour le génocide perpétré à Gaza contre le peuple palestinien opprimé et occupé.
S’il y a eu une constante historique dans la position des socialistes chiliens et surtout du PS, c’est bien leur solidarité sans réserve avec le peuple palestinien et leur lutte contre l’apartheid que l’État fictif d’Israël exerce en permanence contre le peuple palestinien, ne respectant pas systématiquement, et depuis 45 ans, les près de 100 résolutions que les Nations Unies ont adopté contre sa politique permanente d’occupation et de répression du peuple palestinien. C’est pourquoi je n’ai aucun doute qu’au moment de l’offensive génocidaire menée par l’État d’Israël, Salvador Allende aurait élevé la voix contre le génocide, en exigeant un cessez-le-feu immédiat, pour la liberté du peuple palestinien et pour que la Palestine redevienne un État libre et souverain, comme elle l’était jusque dans les années 1940. De plus, je n’ai aucun doute qu’Allende aurait rejoint l’action en justice intentée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide devant la Cour Internationale de Justice.
Les raisons invoquées par Mme Vodanovic pour s’opposer à la décision conséquente du Président Boric sont d’une inhumanité sans précédent. Pour elle, il est plus important de respecter les accords et les relations commerciales que la vie de milliers d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de civils qui continuent d’être systématiquement massacrés en ces minutes avec ces mêmes armes que les compagnies d’armement israéliennes viennent exposer au Chili. C’est du jamais vu, c’est honteux et inacceptable. À la honte que j’ai ressentie en raison de l’ignorance systématique des positions historiques du PS que sa direction actuelle défend depuis plus d’une décennie, j’ajoute aujourd’hui l’indignation face à la trahison ouverte des principes humanistes et politiques les plus fondamentaux que nous, socialistes, avons défendu à travers notre histoire, que Mme Vodanovic a exprimé sans vergogne, avec le silence complice du reste de la direction et des parlementaires du Parti Socialiste ».
G.C.
N.B : La photo, qui montre Germán Correa avec le Président palestinien Yasser Arafat, a été prise à Alger à l’occasion du Conseil National Palestinien de l’OLP tenu en 1987 à Alger. Germán Correa, l’auteur de la contribution, était à la tête de la délégation du Parti Socialiste du Chili qui a assisté à l’historique Conseil national palestinien de l’OLP qui a approuvé la déclaration de la Charte de l’indépendance palestinienne, qui sera proclamée l’année suivante en novembre 1988 à Alger.