Contribution/ Une Nation Algérienne en dépit des Ennemis Intérieurs et Externes
Par Miloud Boumaza
Au lendemain du 60ème anniversaire de l’indépendance algérienne et de l’abominable assassinat du jeune martyr Djamel Bensmail, sans doute est-il plus que jamais urgent d’élucider la question de l’identité algérienne qui anime toutes les passions et qui donne lieu à des discours pour le moins absurdes, au pire dangereux pour la nation. Au passage, il est curieux que ce débat éminemment français s’invite dans la sphère algérienne, mais passons.
En préambule, nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’elle ne saurait être résolue uniquement par la manière coercitive en promulguant des lois « anti-racisme ». Tout au plus déboucheront-elles sur ce qu’il est convenu, en psychanalyse, de désigner sous le vocable de « refoulement », et donc sur des effets autrement plus pernicieux.
De la même manière, il nous est permis d’émettre des réserves sur l’idée, sans toutefois la rejeter, que l’amélioration de la situation économique à elle seule mettra à l’abri l’Algérie de toute tentative ou possibilité de déstabilisation de la part de pays ennemis prenant appui sur d’éventuelles failles de la société algérienne. Le cas de la Libye en est, à cet égard, un exemple édifiant.
Qu’avait, en effet, le pays de Kadhafi à envier à l’occident en terme de richesses et de bien-être (PIB et IDH, etc les plus élevés d’Afrique, dépassant même certains pays les plus avancés) ?
En revanche, nous pouvons affirmer avec un haut degrés de certitude que pour les pays qui sont parvenus à construire une identité nationale homogène, la probabilité de voir leur état démembré est extrêmement faible.
L’Algérie, en raison de son histoire unique, a pu jusqu’ici éviter cet écueil mais pour combien de temps encore ?
Il revient donc à nos chercheurs, nos élites d’élaborer le récit national de l’identité algérienne intégrant toutes les composantes de notre pays (Chaouis, Mzabis, Targuis, Kabyles, Noirs, Arabes, etc) et les presentant comme un seul peuple (ce qu’il est en réalité) afin que chacun puisse trouver sa place et se reconnaître partie de ce vaste ensemble qu’est le continent algérien.
A charge ensuite de l’Education Nationale de transmettre et enseigner ce récit, cette (ré)écriture de l’histoire par nos propres compétences dès la primaire, seuls fondations à même de réunir le peuple dans sa totalité autour d’un projet et d’un destin communs.
Les médias ont également un rôle pédagogique de première importance dans la diffusion de ce récit (débats, documentaires, bandes dessinées, films d’animation à l’usage des jeunes et moins jeunes générations, etc) et contribuer à apporter des éclairages sur cette épineuse question en toute transparence et honnêteté. Car il ne s’agirait pas d’être pris en défaut et de véhiculer des informations fausses ou inexactes. Les effets en seraient désastreux, d’autant que nous avons des ennemis qui nous scrutent sans relâche et guettent la moindre faiblesse pour l’exploiter jusqu’à la corde dans le dessein de nous nuire.
1) De nos origines à l’Etat Algérien : Les principaux événements fondateurs de l’identité algérienne
Certaines recherches font état principalement de 2 mouvements migratoires durant la préhistoire : l’une en provenance de l’Afrique de l’Ouest, l’autre du Proche-Orient. De récentes découvertes par ailleurs présentent notre pays comme l’un des berceaux de l’humanité. La combinaison de ces « hypothèses » n’est d’ailleurs pas à exclure et est du reste probable.
De manière générale, jusqu’à l’arrivée des Phéniciens, nous savons peu de choses sur les populations en présence sur le territoire. Les chercheurs disposant de peu de matériaux, cette période est peu documentée en raison vraisemblablement du mode de vienomade de ces populations, ces dernières n’ayant pas laissé de traces écrites.
- a) Les Phéniciens :
L’arrivée des Phéniciens dans la région constitue un événement de 1ère importance. Elle est généralement considérée comme le début de l’Histoire algérienne dans le sens où ces derniers ont introduit l’écriture (par opposition à la préhistoire dont ce procédé était inconnu).
Avec ce peuple ingénieux et inventif, la région connut l’introduction de nouvelles techniques et procédés agricoles (écriture, cuivre, huile d’olive, etc ) ainsi que l’expansion de la civilisation proche-orientale et de la langue sémitique.
- b) L’Algérie, carrefour des civilisations :
L’Algérie a été en contact avec toutes les grandes civilisations de l’Antiquité et occupée par les :
– Phéniciens : écriture, langue, civilisation, agriculture, etc
– Grecs, Romains : civilisation hellénique
– Égyptiens : mariage de Juba II et Séléné Cléopâtre, fille de la célèbre Cléopâtre.
– Byzantins : ces derniers avaient au préalable soumis les Vandales, peuple belliqueux qui avaient repoussé diverses tentatives de Rome de reprendre pied dans la région.
- c) L’avènement de l’Islam
Cet événement constitue, avec l’arrivée des Phéniciens, un élément majeur et décisif dans la (trans)formation du paysage culturel régional et un facteur d’unité culturelle des multitudes de tribus aux spécificités linguistiques, etc aussi diverses que variées composant la mosaïque de nos aïeux.
La période ottomane, qui a porté un coup d’arrêt à l’expansion espagnole, a, quant à elle, permis à l’Islam de prospérer et contribué à former en quelque sorte une spécificité culturelle algérienne (vestimentaire, culinaire, etc : kaftan, baklawa, etc).
Ces événements, en effet, ont opéré de véritables révolutions (culturelles, cultuelles, scientifiques, etc) qui ont profondément et durablement modifié le visage de l’Algérie, comparativement aux précédentes vagues d’occupation, ces dernières n’ayant eu semble-t-il qu’un impact superficiel.
C’est sans doute aussi en raison de leur proximité ethnique (Arabes et Numides, étant tous deux descendants de Sem, fils aîné de Sidna Noh (Noé) ) que la culture arabo-islamique à pu s’intégrer et s’implanter plus durablement que les autres cultures.
- d) Un flux continu d’immigration :
Dans l’occupation du territoire, nous négligeons ou omettons souvent le fait que tous les grands empires (Rome, Byzance, l’empire musulman) ont favorisé et encouragé les diverses peuplades, qui n’étaient pas sous leur contrôle total et présentaient une menace, à émigrer et ainsi écarter cette menace vers la périphérie de leurs empires, au plus loin de leur centre.
Rome par exemple avait manœuvré habilement pour détourner les Vandales qui la menaçaient et les amènerent à aborder sur les côtes nord-africaines.
De la même manière, les Fatimides s’étaient empressés de diriger les belliqueuses tribus des Beni Hilal (ainsi que d’autres) vers le Maghreb et principalement l’Algérie actuelle et dont on recensait un contingent d’environ 200 000 âmes, ce qui dut avoir un impact considérable sur une population qui comptait au plus 1 million d’habitants (en 1830, la population algérienne s’élevait à 5 millions selon les estimations les plus couramment citées). Les Byzantins et les Ottomans ont, quant à eux, sans doute favorisé les peuples des Balkans à émigrer vers nos cieux.
C’est ainsi que notre région connut des vagues continues, incessantes et progressives d’immigrations de diverses tribus, mais aussi des mouvements inverses d’émigrations d’autochtones vers les différentes parties de l’empire musulman. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons des liens génétiques avec des Syriens, Palestiniens, Yéménites, Europe du sud et sud-est, etc.
- e) Un brassage ethnique sur des millénaires :
Il serait absurde d’imaginer qu’une quelconque spécificité ethnique ait pu être préservée de toutes ces interactions entre tribus qui se sont côtoyées durant des millénaires, et qu’une hypothétique « race pure » immaculée ait pu en émerger ou que les divers peuples ayant trouvé asile sur le territoire (Phéniciens, Byzantins, Vandales, etc) soient venus puis repartis ou disparus aussi brusquement qu’ils étaient venus.
Les généticiens sont unanimes sur ce point : il n’existe aucune tribu sur terre assez éloignée du reste du monde pour qu’elle n’ait pas de contact avec lui et qu’elle puisse développer ou conserver ses caractéristiques génétiques propres et puisse être qualifiée de race, tout simplement.
Du reste nul n’est besoin d’être un éminent généticien pour constater par exemple, à l’aune de notre propre observation, que nos expatriés dans les différentes régions du monde ont contracté mariage avec les locaux des pays d’accueil dès la première génération. Nous connaissons tous dans notre entourage au moins un oncle, cousin, ami, voisin, etc, dans ce cas. Que l’on se figure ce phénomène, souvent regardé comme une espèce de « promotion sociale », sur des milliers d’années.
L’on sait, d’ailleurs, aujourd’hui que des tribus arabes entières, poussées par différentes guerres, ont trouvé refuge dans les montagnes de kabylie au sein des habitants, adoptant à la longue leur parler. Si bien que des compatriotes se prétendant, de nos jours, « amazigh » sont en réalité d’origine arabe. Et vice et versa, des citoyens qui se considèrent comme des arabes ont des origines berbères.
Il en ressort donc que l’Algérien(ne) moderne est le fruit de ce brassage multiethnique, qu’il (elle) ne saurait par conséquent être ni arabe ni amazigh, mais tout simplement Algérien(ne), ce type original d’homme et de femme qui triomphera de la 4ème puissance mondiale.
2) La Guerre d’Indépendance :
Sans doute nos compatriotes ne mesurent-ils pas le caractère unique et prodigieux de cette épopée dans l’histoire des luttes des peuples pour leur indépendance ? un exploit dont ils peuvent, à juste raison, tirer gloire et fierté, et qui, à bien des égards s’avère plus héroïque que la guerre du Vietnam (sans vouloir minimiser les immenses sacrifices de ce pays ami).
En effet, l’on n’ignore pas que ce pays a bénéficié d’une part d’une aide chinoise massive qui lui a fourni armements, munitions, formation, avions de chasse (dont Mig 19), et d’importants contingents chinois, etc, et d’autre part de l’aide soviétique avec ses fameux Mig 17 et 21 qui ont causé une hécatombe dans l’aviation US et conduit à la défaite de la première puissance mondiale.
Nos moudjahidins et moudjahidates (ne les oublions pas), quant à eux, ne disposaient que d’armes légères et ne devaient compter que sur eux-mêmes. Pour leur armement, vous en aurez un aperçu au musée du Maqam Chahid.
Ainsi dotés, ils devaient combattre des chars, des avions de chasse, des hélicoptères, des bombardiers, le napalm, dont nous eûmes, avant les Vietnamiens, la primeur. Ainsi dotés, ils devaient combattre des chars, des avions de chasse, des hélicoptères, des bombardiers, le napalm, dont nous eûmes, avant les Vietnamiens, la primeur.
En terme de logistique, ils étaient également défavorisés (frontières fermées, etc). Tandis que l’ennemi, bien mieux loti que les USA, n’était qu’à 1 heure de vol ou 1 journée de bateau de la métropole.
Il pouvait donc amener le matériel de guerre ainsi que les renforts sur le théâtre d’opérations en très peu temps. Quant aux appelés, en 2 heures, ceux-ci pouvaient se délasser dans les bars de Paris, voire sur place, l’Algérie, à l’époque, étant française après tout.
Ainsi contre toute attente et en dépit des disproportions sans équivalent des forces en présence, la victoire a été obtenue par le sacrifice des enfants de TOUTES les régions du pays, de l’est à l’ouest et du nord au sud, soudant le peuple, les liant à tout jamais à un destin commun. Ce fut véritablement L’ÉVÉNEMENT qui scella l’unité de l’Etat algérien et l’affirmation de l’identité nationale.
3) Déconstruire les nouveaux mythes
Ces derniers temps, nous avons vu l’émergence de nouvelles constructions mythologiques :
– la chimérique tamazgha : il n’existait aucune unité linguistique ou autre des innombrables tribus nomades de la région,
– le drapeau « berbère », créé en 1970 à l’instigation de l’académie berbère fondée par Jacques Benêt, et en vérité symbole du poisson, en référence à la chrétienneté assumée des fondateurs. Dans les images d’archives témoignant de l’immense joie d’un peuple en liesse célébrant l’indépendance, seul flottait triomphalement dans toutes les régions d’Algérie l’unique drapeau pour lequel des millions de chahids avaient sacrifié leur. L’on s’escrimera vainement à trouver trace de l’autre « drapeau », car il n’existait tout bonnement pas.
– néologismes : terme « Amazigh » nouvellement créé.
Or toutes ces constructions, visant à faire accroire à un mythe originel fantasmé, ont pour résultat d’exclure les 3 quart de la population arabophone et donc pour finalité de créer une scission au sein de la société.
Ces mêmes fabrications, toujours issues d’officines françaises (le fameux congrès mondial amazigh de Paris, qui n’a d’ « amazigh » que le nom), qui font tenir à certains de nos concitoyens des propos absurdes sur des considérations raciales et en viennent à parler de race pure, et sur lesquels nous aurions tort de fermer les yeux. Ici aussi les médias ont un rôle pédagogique à jouer. Imaginez un instant qu’on héberge à Alger et qu’on offre une tribune à tous les mouvements séparatistes français : Corses, Basques, Breton ! Ne serait-on pas en droit de considérer qu’il s’agit là d’une véritable déclaration de guerre ?
L’Histoire est là pour nous rappeler à son bon souvenir et nous enseigner l’issue d’une telle idéologie, car le dernier à l’avoir hissée au rang de dogme a entraîné l’humanité dans une guerre mondiale, et expédié des millions de pauvres hères au trépas. Et nous en avons malheureusement vu les effets chez nous dans le lynchage, le meurtre odieux du jeune martyr Djamel.
Or ces constructions, ces discours, aussi séduisants soient-ils, sont, nous l’avons vu, loin de refléter la réalité.
Qu’ils aient rencontré écho auprès d’une jeunesse en perte de repères peut se concevoir, en revanche qu’ils aient trouvé, contre toute évidence, audience parmi certains intellectuels cela est moins compréhensible.
Aussi, après la démonstration (mesurée) de puissance à l’occasion de la célébration du 60 ème anniversaire de l’indépendance, il est plus qu’urgent de (ré)écrire une Histoire de l’Algérie exempte de tout dogmatisme, sectarisme, idéologie et ne souffrant d’aucun complexe, afin de bâtir une Algérie nouvelle où chacun trouvera sa place et sera fier de participer à son édification.