Crise institutionnelle et socioéconomique : La Tunisie dans la tourmente
Plus que jamais, la Tunisie est confrontée à une double crise politique et socioéconomique. Le président Kais Essaied a franchi un pas supplémentaire dans le démantèlement de l’édifice institutionnel, en ordonnant la dissolution du Parlement, le 30 mars au soir. La démarche est certes motivée par la tentative de l’ex chef du gouvernement Rached Ghanouchi, 81 ans, de torpiller les décisions qu’il avait prises en juillet 2022, essentiellement le gel des activités de la chambre des représentants. Le porte-voix du parti d’essence islamiste Ennahda a réussi à obtenir, au cours d’une plénière virtuelle clandestine, le vote de 116 députés favorables à l’annulation desdites mesures (gel des activités du Parlement depuis 8 mois), ainsi que l’organisation d’une présidentielle et d’élections législatives anticipées. C’est en quelque sorte un « coup de force » contre l’occupant du palais de Carthage. Réagissant instantanément, le chef de l’Etat tunisien a engagé, par le truchement du ministère de la Justice, une procédure judiciaire contre Ghanouchi et 30 députés, accusés désormais de « conspiration contre la sécurité de l’Etat ». Ils sont convoqués devant la brigade antiterroriste.
L’affaire est sérieuse. Elle ne semble pas être au gout de certaines puissances mondiales. Le porte-parole du département d’État américain a appelé, lors du point de presse hebdomadaire, à « un retour rapide à un gouvernement constitutionnel, comprenant un Parlement élu, est essentiel à la gouvernance démocratique et nous nous assurerons (de fournir) un soutien large et durable aux réformes nécessaires pour aider l’économie tunisienne à rebondir ». Elle ne suscite, néanmoins, pas de grands remous en intramuros. Des militants politiques ne remettent pas en cause la dissolution du Parlement, mais exhorte le chef de l’Etat de convoquer le corps électoral pour des législatives anticipées dans les délais constitutionnels, soit trois mois.
Les tunisiens sont davantage préoccupés par l’érosion du pouvoir d’achat, l’inflation, chômage structurel et… le spectre de pénuries de produits alimentaires de base, à cause de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Le pays est fortement dépendant des importations pour sa consommation de céréales, dont les prix flambent sur le marché international. Le tourisme, source principal de revenus, a été impacté durement par les attentats terroristes ayant ciblé le musée du Bardo, un bus de la garde républicaine, l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, l’ile de Djerba… Le coup de grâce a été donné par la pandémie au coronavirus.
Les temps sont éprouvants. La Tunisie aura besoin d’aides financières extérieures pour combler un tant soit peu le déficit de sa trésorerie. En décembre 2021, elle a reçu un prêt de l’ordre de 300 millions de dollars de l’Algérie. A l’issue de la visite d’une délégation du FMI (Fond monétaire internationale à la fin du mois de mars dernier, le pays est en mesure, selon la ministre des Finances Sihem Boughdiri, de signer un accord avec le Fonds, lui permettant de lever « des ressources extérieures qui ne seront pas inférieures aux 12 milliards de dinars nécessaires au budget ». Cet accord est assujetti logiquement à des réformes structurelles que devra consentir la Tunisie.
S.Biskri