L’envoyé spécial français pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, propose aux deux camps politiques libanais de trouver une « troisième voie » pour élire un président, faute de quoi le pays, plongé dans la crise politique, sera menacé dans son « existence même ».
Face au « déni de réalité » des responsables libanais, cinq pays alliés du Liban, la France, les Etats-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Egypte, perdent patience et menacent de revoir leur soutien financier à Beyrouth, met aussi en garde l’émissaire d’Emmanuel Macron.
Pour lui, la situation est sans appel : « Le pronostic vital de l’Etat libanais lui-même est engagé. Il y va de la survie du Liban », alerte-t-il dans un entretien accordé à l’Agence France-Presse, trois mois après le début de sa mission.
Avec la faillite économique du pays, accompagnée d’une inflation « de plus de 200 % » et d’un chômage endémique, « les responsables politiques sont dans un déni qui les amène à poursuivre des jeux tactiques aux dépens de l’intérêt du pays », accuse-t-il.
Depuis la fin du mandat du président Michel Aoun, le 31 octobre 2022, les deux camps en présence, le puissant Hezbollah pro-iranien et ses alliés d’un côté, leurs adversaires de l’autre, s’acharnent à vouloir faire élire leur candidat au Parlement alors qu’aucun des deux n’y détient la majorité.
« Ni l’un ni l’autre ne peut l’emporter. Aucune des deux solutions ne peut marcher », martèle l’envoyé spécial, au retour d’un troisième voyage à Beyrouth. Le Hezbollah soutient l’ancien ministre Sleiman Frangié, proche de Damas, et ses adversaires, Jihad Azour, un responsable du Fonds monétaire international (FMI).
« Il importe que les acteurs politiques mettent fin à cette crise insupportable pour les Libanais et essayent de trouver une solution de compromis à travers une troisième voie », insiste l’envoyé spécial. Parmi les solutions possibles, le nom du chef d’état-major de l’armée, Joseph Aoun, a commencé, parmi d’autres, à circuler.
En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir, la présidence du Liban est réservée à un chrétien maronite. L’émissaire se refuse de son côté à avancer un nom, relevant qu’il n’est qu’un « médiateur » et qu’il revient aux Libanais d’identifier ce compromis, qu’il juge pour sa part possible.
« J’ai fait une consultation qui montre que les priorités des acteurs peuvent faire facilement l’objet d’un consensus », assure-t-il. A l’issue de son deuxième déplacement à Beyrouth en juillet, il les avait invités à présenter les priorités et les compétences requises, selon eux, pour le futur chef de l’Etat.
Face à « l’impasse totale » dans laquelle se trouve le Liban, Jean-Yves Le Drian propose une « phase de concertation très courte » suivie d’une réunion immédiate du Parlement, « à la manière d’un conclave », pour élire un président.
L’émissaire rejoint ainsi l’initiative du président du Parlement, Nabih Berri, allié du Hezbollah, déjà rejetée par plusieurs composantes de l’opposition au parti pro-iranien. Il compte se rendre de nouveau au Liban « dans les prochaines semaines » pour engager cette séquence, qui devrait selon lui durer « en gros une semaine ».
R.I.