Décryptage
Chronique d’un virage annoncé
L’envoyé personnel du SG de l’ONU, Staffan de Mistura, est sur le point de jeter l’éponge. Sa démission était somme toute attendue. Des poids lourds diplomatiques à l’image de James Baker, ancien Secrétaire d’Etat américain qui avait précédé Staffan de Mistura à ce poste, se sont en effet heurtés aux tergiversations et provocations marocaines. Le Maroc, assuré de son impunité, n’a jamais hésité à mettre des bâtons dans les roues des diplomates qui se sont succédé à ce poste hautement volatile. Force est de relever cette foi-ci que le Makhzen a franchi le Rubicon dans son immonde comportement avec Staffan de Mistura. Nous avions fait partie des rares médias à avoir longuement et fortement mis l’accent sur le fait que cet envoyé personnel d’Antonio Guterres ait été empêché de se rendre dans les territoires occupés lors de sa tournée, première et dernière du genre, du mois de janvier passé. Ce tacite interdit rendait impossible la poursuite et/ou l’accomplissement de la mission de Staffan de Mistura. A fortiori que celle-ci est intervenue sur fond de reprise du conflit armé depuis le 13 novembre 2021, date de rupture unilatérale par le Maroc du cessez-le-feu conclu en 1991 sous les auspices de l’ONU et de l’ex-OUA. Ce qui a très fortement compromis les relations de Staffan de Mistura avec les autorités marocaines, c’est que ce diplomate a été destinataire de nombreuses demandes d’audience de la part de comités et d’associations militant en faveur de l’indépendance de leur pays. L’envoyé personnel du SG de l’ONU donne ainsi l’air d’avoir commencé d’être sensibilisé par rapport à cette cause, dont l’approche manichéenne est d’une clarté que personne ne saurait raisonnablement contester. Au reste, ce n’est guère un hasard si tous les diplomates qui ont précédé Staffan de Mistura à ce poste ont fini par se ranger du côté de la cause sahraouie. En diplomates chevronnés et adroits, ils l’ont fait avec brio, en contrant les manœuvres dilatoires du Maroc, et en contre-attaquant par des propositions visant à rapprocher le peuple sahraoui de la tenue d’un référendum d’autodétermination. C’est du reste le Maroc qui, à chaque fois, cherche et obtient la tête de ces envoyés personnels, à défaut d’avoir renoncé à les acheter ou à les faire chanter. Cette intenable situation, qui perdure depuis près d’un demi-siècle, doit cesser enfin. Il y va de la crédibilité-même des Nations-Unies. De fait, l’actuel statut-quo arrange les affaires de la force occupante, et d’elle seule. Désigner un nouvel envoyé personnel, quelle qu’en soit la stature, n’y changerait absolument rien. L’ONU, via son conseil de sécurité, doit impérativement songer à des résolutions contraignantes à l’endroit de Rabat. Il faut également étendre les prérogatives de la MINURSO au respect des droits de l’Homme. Rien d’autre ne saurait faire bouger les choses en faveur de la légalité internationale et du règlement de l’épineuse question du Sahara Occidental.
El Ghayeb Lamine