Défendre Ammar Belhimer, c’est défendre la compétence professionnelle et l’intégrité morale !
Avec notre ami et frère Ammar Belhimer, nous n’avons certainement pas la même appréciation sur le cas Khaled Drareni. Mais nous ne pouvons imaginer que cela puisse constituer un quelconque empêchement à la manifestation publique de notre entière et pleine solidarité avec lui au moment où il subit la calomnie et la diffamation.
Au-delà de sa compétence, reconnue et sollicitée donc même au niveau international —merci pour l’information ! —, il est une qualité qui ne sera jamais démentie chez lui, c’est son honnêteté, son intégrité maladive. Il habite toujours le même appartement et partage sa voiture avec son fils.
Qu’il sache qu’au Soir d’Algérie, et quoi qu’il nous en coûte, nous n’abandonnons jamais les braves. Nous ne mangeons pas de ce pain-là ! Et il le sait très bien puisqu’il faisait partie de nos chroniqueurs émérites. Durant une vingtaine d’années, nous avons partagé le pain noir à cause de nos positions patriotiques et progressistes. Faut-il rappeler cette longue interruption de la publicité étatique, décidée en haut lieu et appliquée par l’Anep, qui a sanctionné notre journal et qui a duré près d’une dizaine d’années? Faut-il compter les procès et les peines ? Les interdictions d’imprimer pour différentes raisons, etc.
Que Ammar Belhimer trouve ici toute notre sympathie et notre soutien total pour le travail en profondeur qu’il effectue pour changer le monde pourri d’une presse aux ordres dont les rares titres qui peuvent se targuer d’être réellement indépendants connaissent très bien le prix à payer pour maintenir vivantes la liberté de dire et la liberté de penser qui sont indissociables.
J’ai connu Ammar dans un camp de volontariat. Il commandait une brigade de volontaires de la Révolution agraire du côté de Cherchell où j’effectuais un reportage. Sa photo, avec la tête couverte d’un chapeau de paille traditionnel, avait orné la Une d’El Moudjahid le jour de parution de mon reportage. Depuis, une amitié sincère nous lie. En rejoignant, au milieu des années 70, ce titre prestigieux, Ammar est devenu l’un des journalistes les plus brillants de sa génération. Il restera longtemps dans la presse avant de rejoindre le Mouvement des journalistes libres après la révolte juvénile d’Octobre 1988. Il s’engagea profondément pour les réformes de Hamrouche et fut parmi les éléments fondateurs du quotidien El Watan avant de le quitter. Professeur à l’Université de droit d’Alger et auteur de plusieurs ouvrages sur des thèmes divers liés à sa spécialité, il est apprécié ici et à l’international. À ce titre, il était sollicité pour animer des conférences au niveau de plusieurs institutions, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.
Tout le monde sait que ces éminents experts sont recherchés lors des colloques, symposiums et autres où leur présence rehausse la qualité des travaux. Et lui faire le procès d’avoir honorablement représenté son pays — même s’il n’était pas en mission officielle mais personnelle ; comme lui reprocher d’avoir bénéficié de billets de transport pour se rendre à ces regroupements, part d’une vision que nous n’arrivons toujours pas à expliquer.
La critique du ministre de la Communication pouvait se limiter au cas de Khaled Drareni et elle aurait été compréhensible. Mais Ali Bensaâd a utilisé cette cause pour porter atteinte à l’honorabilité de notre frère Ammar. Bensaâd, qui a connu une longue traversée du désert et goûté aux supplices de la chasse aux sorcières, sait mieux que quiconque ce que coûtent ces excès dans la calomnie et les profondes blessures que laissent ces poignards plantés dans le dos. Ali a toujours trouvé ici le soutien qui lui manquait ailleurs.
Nous l’avons défendu et toujours considéré comme un ami. Sa dernière sortie sur Ammar nous laisse pantois et nous oblige à crier haut et fort notre solidarité avec notre frère victime d’une machination qui a commencé sur les réseaux sociaux avant d’être portée par des plumes reconnues et c’est dommage que Ali Bensaâd soit parmi elles… Par les temps qui courent, il est plus facile et plus porteur au niveau des réseaux sociaux de jouer le rôle du défenseur de la veuve et de l’orphelin et de tomber tous les jours sur le pouvoir. On ne cherche jamais à comprendre la motivation de ceux qui se sont joints à la nouvelle équipe gouvernementale. Ce n’est ni pour le prestige ni pour l’argent.
La tâche est difficile, semée d’embûches de différentes sortes, cernée de périls, contrariée par des ennemis qui sabotent, cassent les poteaux, brûlent les forêts, coupent l’eau, raréfient l’argent, créent le mécontentement social, mentent, calomnient…
Il y a l’héritage du pouvoir de Bouteflika qui est très, très lourd mais il y a aussi ces bombes éparses laissées volontairement ou involontairement par la direction intérimaire qui a gouverné l’Algérie après le 2 avril et jusqu’au 12 décembre 2019. Le nouveau pouvoir doit agir sur un double front : se débarrasser des restes encombrants d’avant le Hirak et supprimer les obstacles dressés après ce sursaut populaire. Il s’avère, à la lumière des derniers événements, que les hommes placés à certains postes sensibles après le départ de Bouteflika sont parfois du même acabit — et peut-être même pires pour certains — que les membres déchus et jugés.
Quand on écrit pour ne pas être seulement applaudi, quand c’est la conscience qui dicte à la plume, on ne peut avoir peur d’être critiqué, parfois insulté, souvent taxé de journaliste à la solde du nouveau pouvoir et tant d’autres joyeusetés. Une pratique de près de 50 années de journalisme nous a appris que c’est la fidélité aux principes et le respect des hommes qui en valent la peine qui donnent un sens à ce métier. Pas les pirouettes au gré des vents contraires…, ni le confort de l’opposant éternel !
Maâmar Farah / in le soir d’Algérie