Démonétisation : les raisons d’y aller
Levier de gestion de crises aiguës, la démonétisation s’impose-t-elle en Algérie ? Précisant que notre pays «en a mené deux», la première en avril 1964, et la seconde en avril 1982, le Dr Abdelrhami Bessaha, dans une contribution parue à El Watan, passe en revue la possibilité d’entamer une troisième opération.
A ses yeux, les motifs ne manquent pas et visent, entre autres, à «remplacer les coupures les plus courantes actuelles, à savoir celles de 100 DA (1992), 1000 DA (1993) et 2000 DA (2011 et 2020) émises donc en grande partie quand le PIB était de $50 milliards par des nouvelles dénominations plus adaptées au volume des transactions actuelles et prendre en considération l’inflation qui s’est développée au cours des dernières années».
Il est aussi question de «réduire la taille de l’informel, combattre l’économie noire, forcer la déthésaurisation, assécher le marché parallèle, lutter contre la fraude fiscale, réduire le rôle massif du cash et numériser les échanges».
Quant à la manière de s’y prendre, l’économiste au FMI, préconise une décision politique sur l’introduction de nouvelles coupures pour en premier chef «réduire le rôle massif du cash et numériser les échanges».
En accompagnant la démonétisation par des politiques macroéconomiques fortes, elle permettra par contrecoup «d’affaiblir l’économie non officielle, réduire le niveau du taux de change sur le marché parallèle et lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent».
Dans son analyse, le Dr. Bessaha relève la nécessité de «forger un engagement très fort entre les autorités politiques et monétaires».
Objectif : «prendre toutes les mesures nécessaires pour que la nouvelle monnaie soit perçue comme stable par les entreprises, le grand public et la communauté internationale».
Enchaînant, l’économiste explique qu’il s’agit de décider – dans un premier temps en privé – du timing de la conversion et, d’un éventuel plafond en termes absolus des montants à échanger.
Viendra par la suite la décision de la date d’annonce, du taux de conversion, de l’approche à prendre pour traiter les actifs financiers, les comptes résidents/non-résidents et les contrats de change existants et surtout de la date de lancement d’une stratégie de communication.
Par ailleurs, l’auteur de l’analyse appelle à inscrire la démonétisation dans une «stratégie à moyen terme de refondation de l’économie nationale et de réaménagement, si besoin est du cadre juridique existant – y compris la loi sur la monnaie et le crédit, la réglementation des banques et autres institutions financières – pour assurer sa cohérence avec les meilleures pratiques internationales».
Il faudrait également, enchaîne le Dr. Bessaha, «s’assurer si de nouveaux textes juridiques sont nécessaires pour adapter l’environnement (comptabilité, rapports financiers, etc.)»
Indiquant que la plus difficile démarche à savoir la mise en œuvre de la démonétisation est du ressort de la Banque centrale. «Ce pilotage minutieux implique de renforcer, le cas échéant, la capacité institutionnelle et technique de la banque centrale à mener cette opération à terme, y compris une stratégie pour éviter une augmentation de la contrefaçon de monnaie pendant les étapes critiques de la mise en œuvre de la réforme monétaire et une collaboration étroite avec tous les gestionnaires de système de paiement».
Yacine Bouali