DGSE : Chronique d’une rente mémorielle usurpée
Le magazine Challenge vient de réserver un dossier très fouillé aux services de renseignements extérieurs français, la DGSE, ou la boite, comme l’appellent les initiés de ce milieu très fermé. Ce qui motive cet intérêt pour un service dont le maitre-mot est la discrétion, c’est qu’en apparence la DGSE donne l’air d’être gravement défaillante concernant l’ensemble des dossiers qui intéressent au plus haut point l’Hexagone. En apparence, mais en apparence seulement, la DGSE n’avait pas vu venir le conflit ukrainien quand la CIA, le Mossad et le MI6, le voyaient venir depuis des mois. Et c’est le chef du renseignement français qui en a pâti, alors que la défaillance est sans doute venue de la DGSE. La « boite » n’a pas non plus prévu le coup de Jarnac américain concernant le projet de fourniture de sous-marins français à l’Australie. Les plus importantes défaillances, si l’on excepte l’assassinat de Kadhafi et l’ouverture de la boite de Pandore qui en avait résulté, sont liées aux coups d’Etat commis au Mali et en Guinée. Même la mort subite et inattendue d’Idriss Déby Itnou ne semble pas avoir été anticipée. La France perd pied dans sa traditionnelle arrière-cour africaine. Après avoir été « chassée » de RCA (République Centre Africaine), la France prépare ses bagages pour quitter définitivement le Mali. Son influence en Libye, et même en Syrie, n’existe pratiquement plus. Du coup, même le siège de la France en tant que membre permanent du conseil de sécurité. On se souvient d’ailleurs qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France gaulliste y était en quelque sorte entrée par effraction. En apparence, mais en apparence encore, car les apparences sont souvent trompeuses dans le monde très fermé du renseignement, la DGSE donne l’air de ne plus être que l’ombre d’elle-même. Pourtant, la « boite » jouit encore de tous les égards de la part de l’Elysée, ne se justifie pas, et ne rend compte à personne. Son budget, qui a littéralement triplé en quelques années à peine, est passé à près de 800 millions d’euros. Ses effectifs aussi, passent à plus de 7000 agents. Macron, très friand des notes jaunes de la DGSE, va même doter les renseignements extérieurs français d’un nouveau siège ultramoderne, pour la modique somme d’un milliard d’euros. Primes à la médiocrité ou à l’échec ? Ce constat ahurissant soulève bon nombre d’interrogations en cette période de crise, d’austérité et de redéfinition des priorité en matière de défense, aussi bien pour la France que pour l’OTAN dans son ensemble. Le dossier de Challenge de répond à aucune question légitime que pourrait se poser n’importe quel lecteur avisé. Même en matière de lutte antiterroriste au Sahel, où le renseignement prime sur l’action militaire, les résultats sont plus que discutables. Ainsi, si la DGSE continue d’être considérée comme étant un des meilleurs services de renseignements au monde, c’est que des données logiques et évidentes doivent échapper à notre déduction. A moins qu’elle ne doive son prestige usurpé à une forme de « rente mémorielle » légués par Jean Moulin et ses braves réseaux de la résistance.
El Ghayeb Lamine