Djamaâ El Djazair : L’Éclat de la Foi là où un Cardinal Voulait l’Effacer
« vulgariser l’islam du juste milieu »
le président Abdelmadjid Tebboune.
Par Abdelkader Reguig
Un peu d’histoire pour connaître Mohammadia
A Mohammadia, sur les hauteurs d’Alger, s’élève désormais une silhouette impossible à ignorer, dominant la baie d’une majesté sereine : la Grande Mosquée Djamaâ El Djazair. Cette merveille architecturale, fierté de l’Algérie indépendante, est bien plus qu’un lieu de culte. Elle est un symbole puissant, planté sur une terre chargée d’une histoire profondément contradictoire, là même où un cardinal français prophétisa jadis la disparition du nom du Prophète Mohamed (Que la paix et le salut soient sur lui).
Lavigerie, ou l’Ambition Missionnaire Coloniale :
Pour comprendre la portée symbolique de cette mosquée, il faut revenir au quartier qui l’accueille : Mohammadia. Ce nom résonne comme une réponse historique. Car avant l’indépendance, ce lieu portait le nom de « Lavigerie », en hommage au « Cardinal Charles Martial Lavigerie ». Arrivé en Algérie en 1867 comme archevêque d’Alger, cet homme d’une énergie prodigieuse fut une figure centrale de la colonisation française. Convaincu que « la civilisation » et l’évangélisation allaient de pair, il fonda les « Pères Blancs » et les « Sœurs Blanches » (1868-1869), ordres missionnaires adoptant les coutumes locales pour mieux convertir. « Son Concile d’Alger en 1873 » orienta cette stratégie vers l’Afrique subsaharienne.
Lavigerie, fait cardinal en 1882 et Primat d’Afrique en 1884, voyait dans la colonisation française une opportunité providentielle pour étendre la foi catholique. Ses orphelinats, écoles et œuvres sociales, bien que portant une dimension charitable, s’inscrivaient pleinement dans le projet colonial visant à transformer la société algérienne. C’est dans ce contexte qu’il prononça une déclaration devenue lourde de sens pour l’avenir : il affirmait aux évangélisateurs que « le nom de Mohamed disparaîtrait à jamais ».
L’Islam, Cœur de la Résistance et de l’Identité Algérienne :
Cette vision missionnaire et colonialiste se heurta de front à une réalité profonde : l’Islam était, depuis des siècles, le socle identitaire et culturel de la population algérienne. Du VIIe au XIe siècle, il avait modelé les mentalités. Au XIXe siècle, il fut le moteur de la résistance héroïque de l’ « Émir Abd- El- Kader ». Puis, après la Première Guerre mondiale, l’ « Association des Oulémas », menée par « Abdelhamid Ben Badis », entreprit de réinventer un islam algérien défensif et « au cœur du nationalisme naissant », en faisant un élément central du patrimoine historique et culturel.
L’État colonial français avait d’ailleurs tenté de contrôler cet islam via un « droit musulman algérien » dérogatoire, une politique d’étatisation confinant au « fondamentalisme d’État » . Cette logique de contrôle, héritée du colonisateur, fut poursuivie par l’État algérien indépendant comme élément de sa légitimité . Mais surtout, « l’Islam resta le ciment des nationalistes algériens, les Moudjahidines, qui le placèrent au cœur de leur combat pour l’indépendance et de leur légitimité future ».
L’Ironie de l’Histoire et la Revanche des Symboles :
L’indépendance acquise en 1962 scella un nouveau destin. Le quartier « Lavigerie » prit alors le nom de « Mohammadia », un acte symbolique fort effaçant littéralement le nom du cardinal pour honorer celui du Prophète. Cette toponymie n’était qu’un premier signe.
Soixante ans après l’indépendance, sur cette terre même où Lavigerie avait cru voir s’éteindre la lumière de l’Islam, l’Algérie a accompli un projet pharaonique : la construction de « Djamaâ El Djazair », la troisième plus « grande mosquée du monde » après celles de La Mecque et Médine. Son minaret, le « plus haut du monde », s’élève à « 265 mètres », défiant le ciel. Cinq fois par jour, l’appel à la prière, porté par cette tour majestueuse, résonne sur Mohammadia et au-delà, clamant « Allahu Akbar »(Dieu est le plus Grand). Gloire à Allah.
Cette mosquée n’est pas seulement un exploit architectural. Avec sa salle de prière de 20 000 m² accueillant 120 000 fidèles, sa coupole imposante (50 m de diamètre, 70 m de haut), son mihrab en marbre immaculé, son école coranique, sa bibliothèque, son musée et son amphithéâtre, elle est un « centre spirituel, culturel et intellectuel rayonnant ». Elle incarne la pérennité et la vitalité de l’Islam algérien, face aux pronostics oubliés du passé colonial.
Conclusion : Un Phare sur les Ruines des Pronostics
La Grande Mosquée El Djazair, inaugurée en 2024 sous la direction du Cheikh Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini, est bien plus qu’un bâtiment. Plantée à Mohammadia, elle est un monument vivant à la résilience d’un peuple et de sa foi. Elle matérialise avec une éloquence saisissante l’échec des prophéties assimilationnistes et la revanche de l’histoire. Là où un cardinal croyait voir « disparaître à jamais » le nom du Prophète, c’est désormais son propre nom, Lavigerie, qui a été effacé de la carte, remplacé par Mohammadia, tandis que la voix de l’Islam s’élève, plus forte et plus haute que jamais, portée par le plus haut minaret du monde. Un symbole de fierté nationale et de foi retrouvée, illuminant l’Algérie du 21ème siècle. Comme le pressentait déjà l’économiste Charles Gide en 1913, ceux qui niaient l’identité profonde du peuple algérien en subirent finalement l’histoire.
Abdelkader Reguig
Président de l’Ordre des Ingénieurs Experts Arabes(ORAREXE) Genève Suisse
E-Mail: orarexe @gmail.com