Document/ « Régime juridique applicable à l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire du Sahara Occidental »
Par Pr. Hamza Hadj Cherif*
Tout d’abord, j’aimerai remercier le Groupe de Soutien de Genève pour le Sahara Occidental pour m’avoir invité à participer à cette visioconférence qui aborde la thématique de la violation du droit de souveraineté permanente du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles.
Mon intervention portera sur une brève présentation du « Régime juridique applicable à l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire du Sahara Occidental » ; Un régime qui découle directement du statut juridique de ce territoire.
La détermination du régime applicable à l’exploitation des ressources naturelles doit reposer sur toutes les branches du droit international applicables au cas du Sahara occidental, notamment :
– Le droit des Nations Unies relatif à la décolonisation ;
– Le jus ad bellum (c’est-à-dire le droit de faire la guerre) ; et
– Le jus in bello (c’est-à-dire le droit des conflits armés).
I- le Sahara Occidental en tant que territoire non autonome
Concernant le droit des Nations Unies relatif à la décolonisation, le Sahara Occidental est considéré comme « un territoire non autonome » depuis 1963.
Il en découle que le peuple du Sahara Occidental possède :
1- un droit à l’autodétermination conformément à la Résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 ; et
2- un droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles conformément à la Résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962.
Le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles est également reconnu au peuple sahraoui en vertu de l’article premier du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi qu’en vertu de l’article 21 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Les implications de la mise en œuvre du droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles dans un territoire non autonome peuvent être déduites de l’avis juridique qu’avait rendu en 2002 le Conseiller juridique de l’ONU Hans Corell.
Selon les conclusions de cet avis juridique, les activités d’exploitation des ressources naturelles dans un territoire non autonome doivent être menées dans l’intérêt de son peuple et conformément à ses souhaits.
Il y a lieu de souligner que le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles est largement reconnu comme un droit opposable erga omnes et une norme impérative jus cogens.
L’implication des Etats tiers dans l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire du Sahara Occidental peut être qualifiée comme une violation de l’obligation de ne pas prêter aide et assistance dans la commission du fait internationalement illicite, consacrée par le droit international coutumier.
Il y a lieu de relever que les conclusions de l’avis juridique de M. Hans Corellsont souvent déformées par certains membres de la communauté internationale dans le but de justifier leur implication dans l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire du Sahara Occidental.
Les déformations portent essentiellement sur trois éléments :
1- Le recours à la notion de « puissance administrante de facto » qui n’existe pas en droit international;
2- L’utilisation de l’expression « population du Sahara Occidental » au lieu du « peuple du Sahara Occidental »;
3- L’exclusion de la condition de mener les activités d’exploitation en conformité avec les « souhaits » du peuple du Sahara Occidental.
II- Le Sahara Occidental comme territoire occupé suite à un emploi illégal de la force
S’agissant de l’application du jus ad bellum au cas du Sahara Occidental, il y a lieu de souligner que l’utilisation de la force armée par le Maroc à partir du 27 novembre 1975 pour occuper le Sahara occidental est en violation avec l’article 2 4 de la Charte des Nations Unies qui interdit aux États de recourir à l’emploi de la force d’une manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
La présence continue du Maroc au Sahara occidental constitue donc une situation créée par la violation de deux normes impératives, à savoir : le non-recours à la force et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Face à cette situation, les Etats tiers sont tenus par l’obligation de non-reconnaissance consacrée par le droit international coutumier.
Il en découle que les États tiers ont l’obligation de n’entretenir avec le Maroc aucun rapport économique relatif au Sahara Occidental ni, notamment, aucune activité d’exploration, d’exploitation ou d’achat des ressources naturelles de ce territoire.
III- Le Sahara Occidental comme un territoire sous occupation
Le Sahara occidental est considéré, en vertu du jus in bello, comme un territoire sous régime d’occupation.
Par conséquent, toute exploitation des ressources naturelles par la puissance occupante est considérée comme pillage au sens de l’article 47 du règlement de La Haye de 1907 et de l’article 33 de la quatrième Convention de Genève de 1949.
Les activités d’exploration des ressources naturelles peuvent être qualifiées, quant à elles, comme une tentative de pillage au sens du droit pénal international.
Il y a lieu de souligner que les normes du droit international humanitaire, comme la norme interdisant le pillage, sont largement reconnues par la doctrine et la jurisprudence comme des normes impératives (jus cogens).
Ainsi, toute implication des Etats tiers dans le pillage des ressources naturelles du Sahara Occidental constitue une violation de l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance dans la commission du fait internationalement illicite.
De même, toute relation commerciale portant sur les ressources naturelles du territoire du Sahara Occidental constitue une violation de la part des Etats concernés de l’obligation de ne pas reconnaitre et de ne pas prêter aide et assistance à une situation créée par une violation grave de la norme impérative portant sur l’interdiction du pillage.
Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le Maroc s’est engagé dès 1976 dans l’un des plus importants projets de colonisation de peuplement dans le monde, en violation del’article 49 de la quatrième Convention de Genève.
Par conséquent, toute implication directe ou indirecte des Etats tiers dans l’exploitation ou le commerce des ressources naturelles du Sahara Occidental peut être qualifiée comme une violation de l’obligation de ne pas reconnaître et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation créée par la violation de la norme impérative interdisant la colonisation de peuplement.
Pour résumer les normes applicables à l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire du Sahara Occidental, on peut affirmer que :
Concernant le Maroc :
Ce dernier n’a pas la qualité de puissance administrante du Sahara Occidental et il n’a aucun titre légal pour mener des activités d’exploration ou d’exploitation des ressources naturelles dans ce territoire.
Les activités d’exploitation des ressources naturelles menées par la puissance occupante violent le droit de souveraineté permanente du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles ainsi que la norme impérative interdisant le pillage.
Concernant les Etats tiers :
Toute implication directe dans l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental constitue :
1- une violation de l’obligation de ne pas prêter une aide et une assistance à une violation grave de deux normes impératives du droit international, à savoir : la norme interdisant le pillage et le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ;
2- une violation de l’obligation de ne pas reconnaître et de ne pas prêter une aide et une assistance à une situation créée par une violation grave de trois normes impératives du droit international, à savoir le non- recours à la force, le droit à l’autodétermination et la prohibition de la colonisation de peuplement.
De même, toute implication indirecte dans l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental, à l’instar des échanges commerciaux, constitue une violation de l’obligation de ne pas reconnaître et de ne pas prêter une aide et une assistance à une situation créée par une violation grave de cinq normes impératives du droit international, à savoir :
1- le non- recours à la force ;
2- le droit à l’autodétermination ;
3- le droit de souveraineté permanente sur les ressources naturelles ;
4- le pillage des ressources naturelles dans les territoires occupés ; et
5- la prohibition de la colonisation de peuplement.
S’agissant des entreprises :
Il y a lieu de signaler que les États tiers sont tenus par l’obligation de faire respecterle régime applicable à l’exploitation des ressources naturelles par les entreprises relevant de leurs juridictions.
De même, l’évolution du droit international a fait que les normes consacrées par les instruments des droits de l’homme et du droit international humanitaires ont aujourd’hui opposables aux entreprises sous peine de poursuites pénales ou civiles.
L’implication des Etats tiers et entreprises étrangères dans l’aide aux violations des normes du droit international humanitaire comme le pillage des ressources naturelles et la colonisation de peuplement, peuvent également engager la responsabilité pénale individuelle pour crimes de guerre.
Les obligations des entreprises en matière d’observation du régime applicable à l’exploitation des ressources naturelles au Sahara Occidental sont confortées aussi par les normes de la Responsabilité Sociétale.
Avant de conclure mon intervention, j’aimerai relever qu’à l’heure actuelle aucune activité d’exploration ou d’exploitation des ressources naturelles n’a été menée au Sahara Occidental en conformité avec les souhaits du peuple sahraoui, que ce soit pour la pêche, le phosphate, le pétrole ou en ce qui concerne d’autres richesses et ressources naturelles.
Cette situation peut être expliquée par le fait que le système juridique international n’offre pas de mécanismes efficaces qui peuvent contribuer à la protection des droits du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles.
C’est pourquoi, le Front Polisario, en sa qualité de mouvement de libération national, la République arabe sahraouie démocratique, en sa qualité d’Etat membre fondateur de l’Union Africaine, ainsi que les ONG et les défenseurs des droits de l’homme et des peuples, doivent poursuivre et multiplier leurs efforts et démarches auprès des organisations internationales et des mécanismes des droits de l’homme ainsi qu’auprès des juridictions internes et internationales.
L’action forte de ces derniers, est, présentement, le meilleur recours pour mettre fin au pillage des ressources naturelles au Sahara Occidental.
Hamza Hadj Cherif* Chercheur en droit international public