Dr Abderahmane Djamel Lotfi Benbahmed, ministre de l’Industrie pharmaceutique à la Patrie-news
« L’Industrie pharmaceutique est un levier de croissance »
Dans cette interview, le ministre de l’Industrie pharmaceutique s’est longuement étalé sur les réalisations de son secteur, depuis deux ans : la réforme règlementaire, les organismes de contrôle des importations, exportations et stocks, l’augmentation de la production nationale en valeur et en volumes et son corollaire la réduction de la facture d’importation… Il a parlé aussi du potentiel de l’exportation, et de l’avenir de l’industrie pharmaceutique, qui se projette sur la fabrication des produits d’oncologie, des insulines et de la matière première.
Interview réalisée par Soulef Biskri
La Patrie news : Le projet de loi sur l’investissement, est examiné actuellement par la chambre basse du Parlement. Il classe l’Industrie pharmaceutique dans la case des secteurs prioritaires pour l’investissement. Quel est le plan d’action de votre département pour promouvoir cet axe ?
Dr Lotfi Benbahmed : L’industrie pharmaceutique a été définie, dans la loi de finances pour 2020, comme un secteur stratégique. Il y a eu, dans le sillage, la création du ministère de l’Industrie pharmaceutique, le 23 juin 2020. Dans la vision du président de la République, l’Algérie devait parvenir à une autosuffisance en produits pharmaceutiques à hauteur de 70% par la production nationale pour assoir et assurer sa souveraineté sanitaire (engagement N45). L’objectif a été atteint en 2022. Effectivement, il était important que l’industrie pharmaceutique ne soit pas uniquement un secteur budgétivore, mais un levier de croissance pour le pays. L’Algérie a consacré, et continue à le faire, de grosses dépenses pour prendre en charge sa population au plan sanitaire. Cette politique sociale nous permet aussi de construire un tissu industriel et une infrastructure économique, qui créent des emplois et de la valeur ajoutée, et qui permettent de diversifier les ressources financières pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures. A présent, l’industrie pharmaceutique est considérée comme secteur prioritaire par la valeur ajoutée qu’elle créé, ainsi que de part son organisation et la maitrise du marché par une régulation étudiée.
Le développement de la production nationale a conduit à une réduction de la facture de l’importation. Aujourd’hui, sur une nomenclature de 4500 produits de ville (vente en pharmacies d’officines, ndlr) et 1000 produits hospitaliers, respectivement 205 et 500 produits sont encore importés.
La production nationale a largement dépassé le taux de 70% en volume et 75% en valeur, conformément au programme du Monsieur le président de la République. Pour y parvenir, nous avons mis en place une véritable réforme réglementaire. Près de 60 décrets et arrêtés ont été publiés en moins de 2 ans. Ils assurent, aujourd’hui, la traçabilité du produit pharmaceutique, sa qualité, son accessibilité et sa disponibilité.
Nous avons mis en place une plateforme numérique, où sont consignés les programmes d’importations et les états de stocks des produits pharmaceutiques, aussi bien chez les importateurs, les producteurs et les distributeurs. Ils nous sont communiqués hebdomadairement via la plateforme numérique, c’est un instrument et un outil de prise décision pour l’Observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques que nous avons créé. Il est composé de représentants du ministère de la Défense nationale, du ministère du Commerce, de celui de la Santé et celui du Travail, ainsi que de la DGSN, de la Gendarmerie nationale, et bien sûr tous les acteurs de la chaine du médicament, c’est-à-dire les opérateurs, les importateurs, les fabricants, les pharmaciens d’officines, les distributeurs et même les prescripteurs.
Nous avons associé les associations de malades et des consommateurs, qui vivent les problèmes de disponibilité. Grâce à cet observatoire, nous avons passé la pandémie (au coronavirus, ndlr) dans les meilleures conditions. La pandémie a réaffirmé notre conviction : aujourd’hui tous les pays ont compris que la souveraineté sanitaire et pharmaceutique était fondamentale, parce-que qu’importe la disponibilité de moyens financiers, l’accès aux médicaments était bloqué. Les pays ont fermé leurs frontières et n’autorisaient pas l’exportation de leurs produits pharmaceutiques, réservés à leurs populations.
Nous nous sommes appuyés sur la production locale. Nous avons produit nos propres masques, des antibiotiques et de l’ensemble des médicaments, inscrits au protocole thérapeutique Covid, élaboré par le Comité scientifique. Si nous n’avions pas augmenté notre production d’oxygène médical, nous n’aurions jamais pu faire face à la pandémie. De 120 000 l/jour, nous sommes passés à 700 000 l/jour (production nationale, ndlr). A la fin du mois de juin, nous inaugurerons une nouvelle unité de production d’oxygène médical. Helios, une filiale de Sonatrach, sera la plus grande usine en Algérie avec une capacité de production de l’ordre de 160 000 l/jour.
La mise en œuvre d’une politique intégrée, cohérente sur les plan économiquement et règlementairement, a permis d’assurer la qualité, la disponibilité et l’accessibilité des produits pharmaceutiques et de passer l’écueil de la pandémie. La meilleure preuve a été la fabrication du vaccin anticovid ; dans les délais impartis, en septembre 2021. Nous sommes trois pays africains à avoir pu produire ce vaccin : l’Algérie, l’Egypte et l’Afrique du sud. Ce qui nous amène à appréhender, avec plus de sérénité, les épisodes épidémiques qui pourraient survenir. La plateforme vaccinale, mise en place par Saidal avec les chinois, s’étoffera et se développera pour la production d’autres vaccins.
Pour nous, il ne s’agit pas seulement de prendre en charge nos populations par des programmes d’importation, puisque dans les moments difficiles, nous ne pouvions même pas importer. Il faut les produire soi-même. Il restera certes quelques produits, qui ne peuvent pas être fabriqués localement, car il n’y a que deux ou trois unités dans le monde, qui produisent quelques milliers de boites. Mais l’Algérie est l’un des rares pays ou l’intégration, l’autonomie et la souveraineté sanitaire ont été assurées.
En matière de production, quels seront les segments priorisés ? Les médicaments chers ou ceux les plus utilisés ?
Aujourd’hui, nous avons 193 unités de production. 150 fabriquent des produits pharmaceutiques et 43 des dispositifs médicaux. Toutes les formes sèches et les formes injectables destinés au traitement des maladies chroniques sont couvertes. Pour certains produits, il y a jusqu’à 15 génériques. Les capacités de productions sont au-delà des besoins de consommation locale. Ce sont les produits que nous exportons.
Pour les formes sèches chimiques classiques, l’Algérie est largement excédentaire. Certaines usines fonctionnent à 20 ou 30% de leurs capacités. Elles doivent absolument se projeter sur l’exportation pour être rentables. Ce n’est pas un objectif, mais une nécessité.
Après avoir satisfait les besoins de la population sur ces produits, nous allons passer vers des produits à plus forte valeur ajoutée, issus de technologies différentes, des biosimilaires, d’oncologie et de l’insuline.
Huit nouvelles entreprises spécialisées dans l’oncologie, implantées à l’est, l’ouest et le centre du pays vont entrer en exploitation, avant le 5 juillet prochain, à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance. A horizon 2023, d’autres usines seront inaugurées, afin que nous soyons autonomes sur ces produits, qui nous ont manqué parfois, car ils étaient indisponibles sur le marché international.
Par ailleurs, nous annonçons qu’à la fin du mois de juin, une unité de production d’un opérateur national fabriquera de l’insuline au full process. Elle a été auditée et validée par les instances internationales et des multinationales, qui façonneront leurs insulines sur ses lignes de production. Elle produira des insulines, déjà vendues en Inde et en Europe, certifié par l’EMA (Agence européenne des médicaments, ndlr) et la FDA (L’américaine Food and Drug Administration, ndlr).
Le développement de la production nationale est tributaire de l’augmentation du taux d’intégration. L’autorisation d’enregistrement, qui a une durée de validité de cinq ans, n’est pas renouvelée uniquement en fonction du prix le plus intéressant, mais sur le meilleur taux d’intégration et le taux d’exportation. Le but est de lutter contre toute forme de surfacturation, de créer de la valeur ajoutée et de bénéficier de plus de ressources financières et fiscales.
Pour répondre à votre question, notre plan d’action a permis de couvrir 70% des besoins en produits pharmaceutiques par la production nationale. Nous allons vers la fabrication des médicaments d’oncologie et l’insuline. C’était important de casser ce plafond de verre. Nous produisons trop de médicaments chimiques, et pas assez ou pas du tout les autres. Nous avons aussi cette volonté d’aller vers l’export avec l’ensemble des producteurs du pays. La nouvelle loi sur l’investissement, qui captera des investissements, offre des outils à l’Algérie pour devenir un hub industriel pour l’Afrique, et même pour l’Europe et le Moyen-Orient.
Chaque semaine, je reçois une à deux entreprises d’envergure internationale, qui veulent investir en Algérie pour l’export, parce que nous avons créé un cadre règlementaire, qui leur donne une visibilité et dans lequel ils peuvent s’intégrer. Nous pouvons nous projeter sur un développement consolidé, serein, sur des bases règlementaires et en défendant les intérêts de notre pays. Nous ne souhaitons pas rééditer ce qui a été fait dans certains secteurs, soit des industries CKD-SKD sans aucune valeur ajoutée, qui servaient juste à expatrier de l’argent à travers des investissements alibis.
Le département ministériel que vous dirigez a fixé des objectifs précis pour l’exportation. Le Salon Djazair Helthcare de Dakar a constitué une opportunité aux opérateurs algériens pour pénétrer les marchés de l’Afrique de l’ouest. Quels sont les acquis et les perspectives ?
Dès qu’une industrie pharmaceutique couvre les besoins internes, elle se projette automatiquement sur l’exportation. C’est une nécessité. L’exportation est un des axes importants de notre plan d’action. L’Industrie pharmaceutique doit être un levier de croissance pour notre pays et un segment de diversification de notre économie nationale. Dakar est le premier Salon algérien spécialisée à l’étranger. Nous l’avions organisé car nous avons la puissance nécessaire. Sur les 193 producteurs nationaux, 70, sont prêts à exporter leurs produits, ils nous ont suivis dans ce rendez-vous, que nous avons préparé, en amont. C’est d’ailleurs ce qui a permis à six opérateurs de signer des contrats. Les premières livraisons ont commencé vers le Sénégal et les pays avoisinants. Dakar est un port, dans une sous-région qui en est dépourvue. Ce qui rend le Sénégal un pays pivot. Par ailleurs un accord a été signé entre notre ministère et le ministère de la santé sénégalais. Il nous permet d’accélérer les procédures d’enregistrement des produits algériens, mais aussi à développer le contrôle de qualité au Sénégal.
Nous ne voulons pas uniquement conquérir des marchés, mais aussi installer des filiales de groupe pharmaceutiques en Joint-venture au Sénégal, via des projets qui se concrétisent dans ce sens-là. Djazair Healthecare sera suivi par d’autres évènements. Nous avons un programme, et des pays cibles en Afrique et au Moyen-Orient. Nous comptons organiser trois évènements comme celui de Dakar, d’ici la fin de l’année, en coopération avec le ministère des Affaires étrangères et avec la société Tasdir, qui organise ces évènements à l’étranger.
L’Algérie compte exporter aussi des dispositifs médicaux, qui exigent une règlementation plus souple. Ces évènements constituent des vecteurs pour l’Industrie parapharmaceutique pour pouvoir faire connaitre les produits et conclure des contrats.
Le président de la République a donné des instructions pour l’ouverture d’une ligne maritime sur Dakar, pour pouvoir mettre en place une logistique et des établissements bancaires nous ont accompagnés pour soutenir les opérations l’exportation. C’est une politique intégrée, car même si l’évènement est dédié à l’industrie pharmaceutique, il profite à l’économie nationale. Nous avançons de manière structurée et organisée. Tout ce que nous mettons en place doit avoir une dimension opérationnelle, vérifiable par des chiffres et par des éléments concrets. Notre objectif est de devenir une puissance exportatrice.
Je le rappelle pour nos concitoyens et pour les lecteurs de la Patrie news, que la politique de l’exportation n’est pas menée au détriment de notre population. Nous exportons plus de 2000 produits sur lesquels nous sommes excédentaires.
Dans le triptyque production nationale, importation, exportation, comment trouver les bons équilibres financiers et la sécurité sanitaire ?
La solution est dans la transparence, la régulation et la numérisation. Nous avons une plateforme numérique, qui nous donne une visibilité molécule par molécule, semaine après semaine. Sur les 2100 médicaments essentiels, qui sont monitorés par l’Observatoire de veille sur la disponibilité des produits pharmaceutiques, nous pouvons, à tout moment, déterminer le niveau des stocks chez le producteur, et chez l’importateur quand ils ne sont pas produits localement. Si le produit n’existe pas en quantités suffisantes et ne couvre pas les besoins du marché local, nous n’autorisons pas son exportation. Idem pour l’importation, qui est interdite si le médicament est produit en quantités suffisantes. Ce sont des vases communicants.
Nous connaissons les besoins du marché et les niveaux de consommation. Nous avons des programmes de production, des programmes d’importation pour les produits qui ne sont pas fabriqués localement ou qui ne le sont pas en quantités suffisantes. Les instructions de Mr le Président de la République sont très claires : nous protégeons la production nationale, mais jamais au détriment de la population.
La problématique se pose autrement : un certain nombre de malades et de prescripteurs ne veulent utiliser que des médicaments importés. Parfois, on parle de 200 produits en ruptures, alors qu’ils sont fabriqués localement par 4 ou 5 laboratoires nationaux, avec exactement la même qualité. L’Agence nationale des produits pharmaceutiques assure le contrôle documentaire, mais aussi le contrôle physico-chimique biologique toutes les matières composant un produit. La qualité et l’efficacité sont assurées et contrôlées, car très souvent Les producteurs nationaux achètent la matière première chez les mêmes fournisseurs que les multinationales.
Il faut rassurer nos concitoyens : Un produit, vendu en Algérie, répond aux mêmes normes et à la même règlementation appliquée à l’international.
Ne faut-il pas organiser des campagnes d’informations et d’explication sur les différences entre une DCI (dénomination commune internationale) et un nom commerciale, entre un princeps et un générique ?
C’est le travail que fait tous les jours les pharmaciens d’officine. C’est eux qui sont en face des malades et procèdent à la substitution, car ils lisent les ordonnances par DCI et donnent le produit disponible. A partir du 25 juin, il y aura des journées portes ouvertes sur l’industrie pharmaceutiques, pas seulement pour les journalistes, les médecins et les pharmaciens, mais aussi pour les élus locaux. Chaque mois, toutes les unités organiseront des portes ouvertes pour que les gens voient que l’air, la surface et la pression dans les salles sont contrôlés. Quand il s’agit d’injectables, c’est la stérilité absolue. Les usines sont comme des centrales nucléaires. Les gens seront rassurés sur la qualité des produits pharmaceutiques. Sincèrement, nous n’arrêterons pas une production qui fonctionne parce que certains ne veulent pas changer d’habitudes de consommation. Pour vous dire, la plupart des multinationales fabriquent leurs gammes en Algérie.
L’Industrie pharmaceutique est à forte valeur ajoutée. Elle contribue aux impôts, à créer des emplois. Souvent, on achète en tonnes et on vend au milligramme. Beaucoup de pays s’enrichissaient par millions de dollars sur le dos de l’Algérie. Devrions-nous continuer à laisser les milliers de pharmaciens et de médecins que nous formons, s’exiler à l’étranger ? Grâce à l’industrie pharmaceutique, ils s’intègreront dans le secteur économique national, avec des salaires corrects, avec un plan de carrière et un avenir.
Le président de la République a donné des instructions au ministère de l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique pour se rapprocher de l’Industrie pharmaceutique, d’où la création de la Faculté de pharmacie d’Alger, avec un département de pharmacie industrielle. Ainsi les étudiants nouvellement formés trouveront du travail immédiatement.
Le ministère de l’Industrie pharmaceutique a été particulièrement prolifique en textes règlementaires. Est-ce que le cadre juridique est finalisé ?
Nous avons réalisé les fondations et les piliers de la maison. Il reste des textes à affiner au gré de l’évolution du marché. Mais les textes fondamentaux sont entrés en vigueur. Ils ont trait à la création de l’Agence Nationale des Produits Pharmaceutique ANPP; l’enregistrement des produits pharmaceutiques ; l’homologation des dispositifs médicaux, aux statuts des établissements pharmaceutiques ; aux bonnes pratiques de fabrication et de distribution ; aux cahiers de charge à l’importation ; aux cahiers de charge à la distribution…
Une fois les textes publiés les établissements pharmaceutiques disposaient d’un délai règlementaire d’une année pour se mettre en conformité avec les nouveaux statuts et ainsi pour pouvoir renouveler leurs agréments. Nous sommes passés ainsi de 850 à environ 300 « grossistes ». Plus de 500 n’ont pas cherché à renouveler leurs autorisations. Ils alimentaient probablement le circuit informel ou de trafic de psychotropes. Nous avons aussi assuré la traçabilité, la responsabilité pharmaceutique. Nous savons exactement qui a l’agrément et les niveaux des stocks. Les inspecteurs vérifient, à tout moment, si les déclarations, communiquées hebdomadairement, sont justes.
A vrai dire, les perturbations de disponibilité de certains produits pharmaceutiques surviennent dans tous les pays, à cause de la multiplicité des intervenants. Grâce à notre industrie pharmaceutique, les perturbations sont limitées. Nous corrigeons les problèmes locaux. Par exemple, si un opérateur ne respecte pas ses engagements, nous le rappelons à l’ordre. Si le produit est fabriqué localement et le problème se pose à la distribution à travers des pratiques de spéculation ou de rétention de stock, nous ordonnons la fermeture. Pendant la pandémie, des opérateurs n’ont pas respecté la consigne de réquisition. Ils ont profité de la situation pour faire de la vente concomitante. Nous avons sanctions les auteurs de l’infraction.
L’Algérie veut abriter le siège de l’Agence africaine du médicament. Où en sont les démarches ?
L’Agence africaine du médicament a été créée par un traité, signé par 22 pays sur 55 jusqu’à présent. Il y a eu appel à candidature des pays qui veulent abriter son siège. L’Algérie a exprimé son intention de déposer sa candidature bien avant la signature du Traité. Le Président de la République a donné des instructions pour que ce ne soit pas juste un effet d’annonce, mais un projet concret avec les conditions matérielles très favorables. L’intérêt d’abriter le siège de cette Agence internationale est multiple. C’est d’abord être sûr que ses décisions seront justes, qu’elle soit opérationnelle, c’est tirer l’industrie pharmaceutique vers le haut. Vous avez tous les experts internationaux, de la FDA, de l’EMA… viendront en Algérie et constateront que notre industrie pharmaceutique est puissante puis nous avons une légitimité des atouts que les autres pays candidats ne possède pas forcement. Nous avons, la plus vieille faculté de pharmacie d’Afrique, un grand tissu industriel, des ressources humaines ; le plus grand pays du continent… Nous avons la fibre africaine. Nous ne considérons pas les autres pays comme des marchés. Nous croyons véritablement au développement de notre continent. Notre vision et notre principe sont immuable : nous souhaitons que l’Algérie consomme algérien, de même nous souhaitons que l’Afrique consomme africain. Nous ne voulons pas que cette Agence serve d’instrument, à certains pays, pour asseoir une domination ou pour faire perdurer une dépendance. Il faut qu’elle soit un levier pour l’industrie pharmaceutique africaine comme nous l’avons fait chez nous. L’Afrique est un continent qui abrite 1,6 milliards d’habitants. Pourtant, elle ne consomme que 3% de médicaments dans le monde. Aujourd’hui, l’Afrique constitue un marché immense et un potentiel très important. Si l’Algérie parvient à abriter le siège de l’Agence africaine du médicament, elle deviendrait un relais de toutes les énergies qui existent dans le monde, dans le cadre du multilatéralisme. C’est le sens de mon plaidoyer à Addis-Abeba, où je suis parti défendre notre candidature, retenue avec deux autres pour être soumise au Comité exécutif des ministres des affaires étrangères, qui se réunira à Lusaka à la mi-juillet pour prendre sa décision. Nous avons déposé un dossier solide.
Beaucoup d’actions ont été entreprises et des projets concrétisés en deux ans. Quels sont les chantiers à venir ?
Nous continuons à développer la fabrication des produits à forte valeur ajoutée. Nous faisons attention aussi aux dispositifs médicaux, les réactifs, les articles de conditionnement, la production de matière première aussi. C’est important de maitriser la technologie, mais surtout de ne pas dépendre de l’importation des articles de conditionnement, des excipients, de la matière première. Saidal se projette déjà et des négociations sont en cours avec des partenaires chinois et d’autres pays pour fabriquer ces matières localement. Ce n’est pas nouveau pour l’Algérie. Nous le faisions, à vrai dire dans les années 80. les antibiotiques étaient fabriqués en Algérie. On faisait de la biotechnologie à Médéa, avec des capacités suffisantes pour couvrir les besoins de l’Afrique. Ces unités ont été sabotées. Nous voulons, aujourd’hui, suivre et se repositionner sur cette voie-là, qui a été abandonnée, car on avait estimé qu’il était plus facile d’acheter de la matière première et de faire de la compression plutôt que de réaliser des cuves et faire de la production. Nous allons le faire pour les produits chimiques, et surtout pour les biotechnologies, l’avenir de l’industrie pharmaceutique c’est les biotechnologies. Il faut aujourd’hui mettre en place les bioréacteurs, les lignés cellulaire ect.. .Nous sommes en train d’accompagner trois projets. Nous travaillons aussi avec l’université pour créer des clusters. La recherche fondamentale est importante. C’est pour cela que nous accordons une part importante à la Recherche et Développement, aux essais cliniques, pour lesquelles nous avons élaboré des textes réglementaires qui sont en cours de validation. Si on veut créer une industrie pharmaceutique forte, avec une plus grande valeur ajoutée, nous devons absolument avoir notre propre Recherche et Développement.