Eclairage
Chronique d’une défaite annoncée
Par Mohamed Abdoun
Les paris et choix stratégiques du Maroc, dans un monde volatile et en pleine mutation profonde, se sont avérés désastreux pour lui sur toute la ligne. Les choix expansionnistes et colonialistes de Hassan II au Sahara Occidental visaient surtout à éloigner l’armée, et se prémunir d’un énième coup d’Etat. Ce trône et ce régime monarchique ont de tout temps été particulièrement fragiles. Preuve en est que ce royaume est une pure création du général Lyautey, et qu’il demeure formellement jusqu’à ce jour un « protectorat » de l’ancien colonisateur français. Hassan II, qui portera éternellement l’infamante trahison des Arabes et de la Palestine durant la sinistre guerre dite des six jours, s’est vu forcé de se plier à la légalité internationale au moment où il commençait à perdre sa guerre contre le front Polisario, en acceptant le principe de la tenue d’un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, dans le cadre du cessez-le-feu conclu en 1991 sous les auspices de l’ONU et de l’ex-OUA. Plus tard, son fils Mohamed VI a commis sa première erreur fatale en liant la survie du Makhzen à la présence marocaine au Sahara Occidental. Or, le soutien français à sa colonisation, en tant que membre permanent du conseil de sécurité, lui devenait de plus en plus faible et incertain. Le grand rapprochement établi entre Alger et Paris y est sans doute pour beaucoup. Mais, pas que. Le Maroc-gate, précédé par le scandale Pegasus, a rendu impossible la poursuite du chantage marocain à l’émigration clandestine et à la lutte antiterroriste. La décision très attendue de la Cour de Justice Européenne finira par décréter illégale toute extension des accords maroco-européens s’ils sont étendus aux territoires sahraouis. Rabat va y perdre annuellement des dizaines de millions d’euros. Impossible pour elle dès lors de poursuivre le financement de son effort de guerre lié à sa présence militaire au Sahara Occidental. De fait, Rabat, devient un Etat voyou, pestiféré et infréquentable. Et c’est là que Mohamed VI a commis sa seconde et mortelle erreur fatale. Il a en effet joué à fond la carte de son rapprochement de Washington et de Tel-Aviv. Son deal du siècle, qui a eu pour effet immédiat de dresser son peuple contre lui, à cause de sa trahison éhontée de la cause palestinienne, ne lui a rien rapporté de ce qu’il en attendait. Les USA et l’entité sioniste n’on pas ouvert de consulats dans les territoires occupés de Dakhla et Laâyoune. Pis encore, la reconnaissance par Tweet de la part de Donald Trump de la prétendue « marocanité du Sahara Occidental », a vite fait d’être balayée et remise en cause par son successeur à la Maison Blanche, Joe Biden. Et, comme si cela ne suffisait pas, ce royaume vassal et soumis par nature, a très mal choisi le moment de changer de « maitres-protecteurs ». L’entité sioniste est de plus en plus décriée par un Occident, qui n’arrive plus à fermer les yeux sur ses crimes, son terrorisme d’Etat et son apartheid. Washington, quant à elle, est en train de perdre pied à cause de son conflit en Ukraine et son humiliant repli d’Afghanistan. L’oncle Sam n’est plus du tout le gendarme du monde. Tant s’en faut. Or, le spectaculaire rapprochement advenu entre Téhéran et Ryad a rendu plus caduques et obsolètes que jamais les calculs de Rabat. Idem pour les accords d’Abraham que Benyamin Netanyahu, lui aussi pris de court dans ses calculs, voulait étendre à l’Arabie Saoudite. Mieux, les causes sahraouie et palestinienne n’ont jamais été aussi liée du fait de ce « dal du siècle. In fine, la libération du Sahara Occidental est devenue une quête facilement atteignable à cause des erreurs successives du Makhzen d’abord, et du pouvoir de résilience incroyable du peuple sahraoui, ensuite. Quant à la question palestinienne, force m’est de relever que l’entité sioniste n’est hélas pas prête d’abdiquer. Face au choix de la résistance multiforme, qui s’impose de facto, les compromis et compromissions de l’Autorité palestinienne handicapent grandement ce combat libérateur…
M.A.