Eclairage
Sahara Occidental : Cruelle hésitation
Par Mohamed Abdoun
Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, est en tournée en Afrique. Anne Soy, de la BBC, en a profité pour lui poser quelques questions. Le cachet officiel dont pourrait se targuer cet entretien réside dans le fait qu’il a été mis en ligne dans le site officiel du département d’Etat US.
La question principale qui nous intéresse et qui requiert pleinement notre attention a trait à la déclaration de Trump concernant la reconnaissance par Washington de la pseudo-marocanité du Sahara Occidental en échange de la normalisation par Rabat de ses relations avec Tel-Aviv, le tout dans le cadre de la mise en application du tristement célèbre deal du siècle.
Or, et pour faire court, Blinken s’est renforcé, pour ne pas dire enfoncé, dans le « choix éditorial » du président américain Jo Biden. Celui-ci a en effet entrepris de détricoter à doses homéopathiques cette déclaration. Dernier exemple en date, le refus du sénat US de débloquer les fonds nécessaires à l’ouverture d’un consulat américain dans la ville occupée de Dakhla.
Il n’en demeure pas moins que cette tendance positive et encourageante en soi, est loin d’être suffisante. Cela est d’autant plus vrai que le conflit armé a repris de plus belle depuis le 13 novembre 2020, date de rupture unilatérale du cessez-le-feu de 1991 par les FAR (forces armées royales).
A la question de savoir si l’administration Biden allait « inverser » cette décision, Blinken a préféré, comme l’avait fait à plusieurs occasions son porte-parole, Ned Price, répondre que la diplomatie américaine se concentrait dorénavant sur le processus onusien, soutenant ainsi, a-t-il déclaré, les efforts de l’Envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura dont la mission a officiellement débuté le 1er novembre.
Le secrétaire d’Etat a ainsi refusé d’affirmer si cette reconnaissance, très favorable au Maroc, allait être révisée ou pas. Ci-après l’échange de Blinken avec la journaliste de la BBC tel que retranscrit ce 19 novembre par le Département d’Etat :
Anne Soy (BBC Africa) : Une région dont on parle rarement, le Sahara occidental. Et nous avons vu, vers la fin de l’administration Trump, la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur cette région contestée. Est-ce quelque chose que vous allez inverser ?
Antony Blinken : Nous sommes maintenant très concentrés sur le soutien des efforts de l’envoyé de l’ONU, Staffan de Mistura, et d’un processus dirigé par l’ONU pour trouver une solution durable et digne. C’est l’objet de nos efforts.
Soy : Mais allez-vous revenir sur cette décision ?
Blinken : Nous nous concentrons sur le – sur ce processus de l’ONU, en aidant à le faire avancer. Nous parlons à toutes les parties concernées. Et en ce moment, l’accent devrait être mis sur ce que l’ONU fait, encore une fois, pour trouver une solution durable et digne.
Soy : Les États-Unis sont le seul pays au monde à reconnaître la pleine souveraineté du Maroc sur cette région. Allez-vous inverser cette position –
Blinken : Encore une fois, notre objectif…
Soy : …Et donner une chance à l’effort dont vous parlez, un éventuel référendum ? Allez-vous inverser la position ?
Blinken : Nous avons été très engagés avec toutes les parties. Et comme je l’ai dit, notre objectif en ce moment, d’autant plus que nous avons maintenant un envoyé de l’ONU après beaucoup de temps sans en avoir, est de nous assurer que ce processus peut avancer. C’est là que nous nous concentrons. C’est là que va notre soutien
Fin de citation. Mais hélas, pas la fin de la guerre dans la région. Non plus de l’occupation marocaine.
S’en remettre au seul bon vouloir de l’ONU, dans l’état actuel des choses et des rapports de force en présence, risque d’être particulièrement contre-productif, comme le prouve la dernière résolution du conseil de sécurité sur le Sahara Occidental.
Il est par ailleurs hors de question pour les Sahraouis de subir le joug colonial marocain durant les quarante prochaines années. Ne reste dès lors que l’intensification de la lutte armée.
Tout ce qui est pris par la force ne sera jamais rendu que par la force. Le hic, c’est que l’armée d’occupation marocaine recourt de plus en plus souvent aux armes non-conventionnelles, recourant de plus en plus souvent au modus operandi de l’armée sioniste. Pis encore, ces actes de terrorisme d’Etat ne semblent offusquer ni indigner personne.
In fine, le « comfort » moral US (histoire de s’adjuger une célèbre et bienfaisante formule rimbaldienne, qui les pousse à botter en touche, risque un jour de déranger Washington dans son autisme volontaire.
Il ne sert à rien d’aller à contresens de l’histoire. Ni d’entraver la volonté d’émancipation des peuples.