Edito
La montagne qui accouche d’une souris
Par Mohamed Abdoun
Non mais, décidemment, il n’y a rien à faire. Vous aurez beau chasser le naturel, il revient toujours au galop. La France « macronienne » ne déroge pas à cette immuable maxime. Ce mardi, à 17 heures tapante, l’historien Benjamin Stora a remis au président Macron un rapport sur la colonisation française en Algérie.
Qualifié de « volumineux », il ne contient pourtant que 150 pages. Presque autant que le nombre d’années de présence hexagonale en Algérie. Point d’excuses en revanche. Les innombrables crimes coloniaux commis en Algérie sont pourtant connus et reconnus par tous.
En leur temps, ils avaient même bénéficié d’une couverture politique dispensée par les plus hautes autorités de ce pays, à commencer par De Gaulle et Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur à l’époque des faits, devenu président de la République française par la suite.
D’aucuns, tablant sur la jeunesse de Macron, et ses « courageuses » mais politiciennes déclarations, qualifiant le colonialisme français de « crime contre l’humanité, avaient cru à tort qu’il arriverait à s’émanciper de toutes ces pesanteurs qui empêchent, toujours et encore, l’ensemble des dirigeants et leaders politiques français de regarder en face leur sombre histoire.
Mais, ce fut là, peine perdue. En décrétant tout de go qu’il n’était pas question pour lui de présenter des excuses, Macron clôt le débat avant de l’avoir entamé. Pis encore. Ce disant, il se surprend à succomber au chant des sirènes paternalistes, qui ne cultivent que mépris à l’endroit des peuples anciennement colonisés.
La « race aryenne », supérieure à toute les autres, ne saurait s’accommoder d’une quelconque repentance. Bouffie d’arrogance, et de suffisance mal placée, ces anciens partisans de « l’Algérie française et du paradis perdu », ces Borgeau des temps modernes nous promettent des « gestes symboliques », sic ! Histoire de nous faire taire.
Même les harkis, lâchement abandonnés en 1962, et parqués dans des camps de concentration jusqu’en 1976, auront droit au chapitre chez Macron et les siens au mois de septembre prochain. Partant, ils n’agissent pas autrement que leurs ancêtres, pour qui les autres peuplades, corvéables et colonisables à souhait.
Ces « peuplades primitives », auxquelles j’ai l’insigne honneur d’appartenir, seraient formées d’individus tellement simplets que l’on peut les acheter et les corrompre avec des babioles, des « gestes symboliques ».
La France qui a condamné Papon, ancien préfet de Paris sous Vichy, pour la déportation de quelques juifs ne le fera jamais pour Aussaresses après ses aveux sur l’assassinat de Ben M’Hidi, les tortures, les corvées de bois, les déportations, les viols, les vols, les massacres collectifs, les « enfumades », le napalm, les villages rasés…
Après la défaite humiliante de l’armée coloniale française à Diên Biên Phu, nous avons vaincu cette dernière sur les plans militaire, diplomatique, médiatique et géostratégique. Ses héritiers, cultivant une rancune par trop tenace, sont tellement aveuglés et imbus de suffisance, qu’ils ne se rendent même pas comte que nous autres, grands vainqueurs de « la guerre d’Algérie », n’avons que faire de leurs excuses.
En revanche, leur attitude hautaine et suffisante les trahit bien plus que de raison : leurs crimes passés se conjuguent toujours au présent. Notre stoïcisme condescendant, et vaguement amusé face à l’attitude de Macron sera sans doute notre meilleure réponse.
M.A.