Edito : Le temps des artifices
Par Mohamed Abdoun
Au lendemain des tragiques évènements d’octobre 1988, un tournant économique majeur avait été opéré. L’Algérie, qui avait déjà amorcé imperceptiblement de déchirantes révisions, rompait formellement avec son socialisme d’antan.
Triomphalement drapée de ses « oripeaux » tout droit venus de ce riche Occident à qui tout semblait réussir, notre pays venait de rentrer de plain-pied dans cette économie de marché, du libre marché et de la concurrence. Ce nouveau choix, qui a laissé sur le bas côté de la route des milliers d’entreprises, sacrifiées par celui qui aimait lui-même à se qualifier d’« homme des sales besognes », s’accompagnait quand même d’une consolation à tout le moins peu négligeable.
Notre rupture d’avec le socialisme dogmatique, l’économie dirigée, les plans quinquennaux et cette industrie…. Industrialisante, a fini par tordre définitivement le cou à toutes les formes de pénurie.
Finies les ventes concomitantes de la patate contre quelques kilos de navets, les chaines interminables dans les souks El Fellah pou un paquet de café, une boite ou d’Isis, les tuyaux que l’on se refilait très secrètement sur l’arrivée de tel ou tel produit fortement avec ce temps d’obsolescence mangée par les mites ou l’on devait s’inscrire à une sorte de «tombola » pour jouir de cet insigne droit de…. Jouir d’un frigo neuf, une télé, une voiture… hormis les voitures, et pour des raisons tout aussi spéciales que spécieuses, il est désormais possible d’acheter à peu près tout et n’importe quoi.
Il suffit juste d’y mettre le prix. Car, cette nouvelle orientation socio-économique n’a pas été sans une très forte érosion du pouvoir d’achat, et une extinction quasi-totale de cette classe moyenne qui, jadis, faisait la fierté de la société algérienne.
Un tantinet « abâtardie » -si tant est qu’il me soit permis de m’exprimer de la sorte- notre actuelle économie a libéré les prix, mais plafonné ceux de plusieurs produits de large consommation, car largement subventionnés grâce au trésor public et aux deniers de l’Etat.
Au lendemain des sanglantes émeutes dites de l’huile et du sucre, un large débat sur la nécessité de réformer en profondeur cette forme de subvention qui saigne à blanc nos réserves de change, encouragent la contrebande et ne profitent que peu ou proue aux foyers aux revenus modestes.
En tous cas, rien, absolument rien, ne saurait justifier une quelconque pénurie, de quelque nature qu’elle soit. S’agissant de l’huile, principalement, cette sévère absence dans les étals des supérettes, est doublement inexplicable. Impardonnable aussi. De là à y voir un complot ourdi contre l’Algérie, il n’y a qu’un pas. Or, il est aisément franchissable.
Cette pente « huileuse », et glissante à souhait, est particulièrement favorable à ce genre de conjectures. Se passer de fritures peut s’avérer « healty ». le ramadan aidant, même les poules se voient pousser des ailes. Des pénuries aux flambées, toute « fièvre acheteuse » peut bien aller se rhabiller.
Au reste, cette pandémie de coronavirus a bon dos pour justifier et excuser les errements et égarements de certains de nos responsables. Inutile, donc, de spéculer sur les nombreuses promesses faites par le ministre du Commerce.
Les spéculateurs ont pris sur lui plusieurs longueurs d’avance. Il ya là de quoi y perdre son latin. Sa bourse aussi d’ailleurs…
M.A.