Enseignement supérieur : la révolution tranquille
Pour l’observateur de la scène relative à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique, il lui a été loisible de constater qu’une certaine stabilité et une remarquable ‘tranquillité’ ont constitué les faits marquants d’un peu plus d’une année qui vient de s’écouler. En effet, même si des voix dissonantes se sont élevées quelque temps, elles se sont tues et les choses sont rentrées dans l’ordre, les enseignants, les étudiants et le staff administratif ne s’occupant plus que de leurs missions respectives pour arriver à dépasser la période critique induite par la pandémie de covid19.
« Nous avons mis en œuvre une stratégie lors de mon installation, qui s’appuie sur la prise en charge de trois grands défis, celui de la qualité de la formation, de la recherche et de la gouvernance, ensuite vient le défi de l’ouverture de l’université sur le secteur socioéconomique en lien avec l’employabilité et, enfin, le troisième grand défi a trait à l’ouverture vers l’international et la visibilité des actions du secteur », nous a confiés Pr Abdelbaki Benziane, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique lors de la rencontre qu’il a bien voulu nous accorder ce matin.
C’est donc à partir de ces trois grands défis que la stratégie de ce secteur névralgique a été arrêtée et, en parallèle, un dispositif d’urgence à très court terme a été mis en place qui devait permettre de gérer la clôture de l’année universitaire 2019/2020 et le lancement de l’année universitaire 2020/2021 dans les conditions extrêmes relatives à la pandémie de covid19 qui a eu un grand impact sur la vie de toute la planète dans tous les secteurs. « Nous avons mis en place un dispositif exceptionnel, en-dehors de notre stratégie car nous ne voulions pas être dominés par la pandémie et oublier les missions du secteur », a précisé le ministre de l’enseignement supérieur.
Pandémie et mesures prises
Le dilemme était grand et les défis difficiles à relever car le secteur se devait, en même temps, gérer une situation de crise sanitaire très dangereuse qui frappait de plein fouet ce secteur synonyme de grands rassemblements dans des endroits clos et continuer la mise en œuvre d’une stratégie globale qui devait remettre le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique sur les rails du développementmultidirectionnel qui en était attendu. « Il fallait donc clôturer l’année universitaire 2019/2020 qui était à l’arrêt depuis le 19 mars 2020 et engager la nouvelle année qui était tributaire de la clôture de l’année précédente. La reprise, arrêtée au 23 aout 2020, après un confinementcontraignant, constituait pour nous une contrainte très importante sur le plan psychologique ainsi que sur le plan organisationnel car nous devions déplacer des étudiants d’une wilaya à une autre, alors que la circulation inter-wilaya était très limitée. Il fallait au ministère de l’enseignement supérieur gérer l’inter-wilaya et mettre à la disposition des étudiants les bus de transport universitaire pour les mener de l’université à leur lieu de résidence dans d’autres wilayas, ce qui a nécessité l’obtention d’autorisations des hautes autorités de l’Etat, et c’est le Président de la république qui a donné son accord, ce qui nous a permis de transporter plus de 100 000 étudiants », a expliqué Pr Benziane.
Cette action, même si elle n’incombait pas directement au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a été prise en charge afin de permettre à tous ces étudiants de ne rien perdre des cours dispensés dans les universités où ils sont inscrits, même si elles ne se trouvent pas dans leurs wilayas de résidence, un autre point positif à l’actif de ce ministère.
Enseignement à distance
Pour pallier à l’impossibilité, durant la période de confinement et même après, de rejoindre les universités et permettre aux étudiants d’avoir accès à leurs cours à temps, le ministère a généralisé l’enseignement à distance, même dans certains établissements qui étaient un peu en retard dans la mise en place des plateformes numériques. « Nous n’avions pas d’autres possibilités que d’opter pour le téléenseignement et nous avons alors demandé aux enseignants de mettre leurs cours en PDF en ligne à travers les plateformes mises en place dans les universités », déclare notre interlocuteur. De cette manière, les étudiants n’étant pas autorisés à accéder aux campus pour cause de pandémie, ont pu au moins télécharger les cours en PDF, une opération réussie à près de 90% et qui a duré d’avril à juin 2020.
L’interactivité entre enseignants et étudiants a été l’autre volet à prendre en compte par le ministère puisque l’étudiant qui avait accès aux cours, n’avait aucune relation avec l’enseignant, sauf dans quelques établissements où l’enseignement à distance avait connu une application plus rapide et plus complète.
L’évaluation opérée au mois de juillet 2020 permit de constater que l’interactivité enseignant-enseigné faisait défaut et qu’il fallait quand même reprendre le présentiel dans certains domaines qui n’étaient pas très bien pris en charge par téléenseignement.
Reprise des cours présentiels le 23 aout 2020
Suite à ce constat, décision a été prise pour la reprise de certains cours en présentiel à partir du 23 aout 2020 et permettre ainsi à l’étudiant de clôturer l’année universitaire prévue à la fin du mois de novembre. C’est ainsi que le problème du manque d’interactivité entre l’étudiant et l’enseignant a pu être réglé, surtout dans les matières essentielles car : « c’est dans les matières essentielles que les étudiants ont rencontré des difficultés en ne pouvant entrer en contact avec leurs enseignants », précise aussi le ministre. Un protocole sanitaire a donc été mis en œuvre qui prenait en compte le nombre très important d’étudiants (1 600 000) et : « nous avons introduit le système de vagues, ce qui évitait d’avoir tous les étudiants au même moment et diminuait ainsi les risques de contamination et cela, selon les établissements et les spécificités de chaque région », explique Pr Benziane. En outre, et c’est une première dans ce secteur, les établissements universitaires avaient l’autonomie de gérer ce système selon la situation pandémique de la région où ils se trouvent, donnant plus de flexibilité à l’opération. Les cités universitaires obéissaient aux mêmes protocoles sanitaires et au même système de vagues.
Préparer la rentrée suivante
Grâce à ces mesures prises dans des circonstances assez exceptionnelles, le ministère se préparait aussi à mettre en place les conditions idoines pour la rentrée universitaire 2020/2021 avec un baccalauréat qui a permis à 280 000 nouveaux bacheliers de rejoindre l’université.
Un système d’enseignement hybride
Après la clôture de l’année 2019/2020, une seconde évaluation a été réalisée qui a permis de choisir un système hybride, en présentiel et à distance, le présentiel étant prévu obligatoirement pour les matières essentielles : « toutes les matières essentielles étaient assurées en présentiel et nous avons mis en place un enseignement à distance pour les modules accessoires », rappelle le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Une autre évaluation est engagée pour l’année universitaire actuelle « nous avons mis en place une plateforme à travers laquelle les enseignants et les étudiants donneront leur avis sur le système choisi et comment ils ont vécu l’année universitaire 2020/2021pour que nous puissions nous projeter sur l’année prochaine sur de nouvelles bases », a-t-il encore expliqué.
Inscriptions en ligne
Se mettant en droite ligne dans la volonté de l’Etat de généraliser la numérisation des actions administratives et financières, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a mis en place une plateforme pour les inscriptions des nouveaux bacheliers en ligne et a terminé l’opération par une convention signée avec Algérie Poste pour ce qui est du versement des frais d’inscription. Outre la généralisation de la numérisation, cette opération a concrétisé une autre action concernant la prévention contre la contamination par le covid19.
Valoriser et relancer la recherche scientifique
Afin de redonner à la recherche scientifique ses lettres de noblesse et faciliter l’accès des équipements et des laboratoires, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Pr AbdelbakiBenziane, a engagé une dynamique se basant sur le triptyque ‘Optimisation, Rationalisation, Mutualisation’. « L’Etat a beaucoup investi dans les équipements de recherches et dans les infrastructures et nous avons réalisé un recensement général des infrastructures et un autre pour les équipements. Nous avons introduit toutes ces informations dans une plateforme nationale qui regroupe tous les équipements de recherches disponibles en Algérie et leur emplacement géographique », précise le ministre. Ainsi, et grâce à ce travail, tout chercheur désirant entamer ses travaux peut avoir une idée précise sur les équipements disponibles et sur leurs lieux d’implantation. « J’ai été agréablement surpris de trouver des équipements dans des établissements universitaires au Sud du pays qui sont les seuls existant en Afrique », affirme notre interlocuteur. Grâce à ces équipements, beaucoup d’analyses et de recherches qui étaient confiées à des bureaux et laboratoires étrangers peuvent être faits en Algérie, permettant de grands bénéfices en devises à notre pays, tout en optimisant l’équipement existant et en valorisant la ressource humaine hautement qualifiée qui existe en Algérie. « Soyons donc plus organisés, plus intelligents pour pouvoir réunir toutes les conditions de réussites de nos chercheurs, c’est pour cela que ma démarche est inscrite sur trois volets : l’optimisation, la rationalisation et la mutualisation », dévoile encore Pr Abdelbaki Benziane. Les étudiants ne sont pas en reste dans cette dynamique puisque le ministère de tutelle a engagé des réflexions sur leur mobilité pour effectuer des recherches et des manipulations sur des équipements qui se trouvent dans tout établissement à travers le territoire national et auquel ils pourront avoir accès avec même une prise en charge du ministère de tutelle.
Grâce à ces actions entreprises depuis deux années maintenant, le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique connait une amélioration constante dans la prise en charge des enseignants et des étudiants et entame une mue salvatrice qui le remet dans le giron international pour pouvoir traiter d’égal à égal avec les institutions de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans les autres pays.
Les réflexions engagées, les mesures prises, la recherche des opportunités, la valorisation des potentiels humains et la révision des règlements et lois sont là pour aider ce secteur névralgique à se positionner dans la dimension nationale et internationale qui est la sienne et qui en fera le levier du développement socioéconomique de l’Algérie.
Tahar Mansour