Entretien
Amirouche, chanteur kabyle engagé, à La Patrie News : « J’ai été menacé de mort par des gardes du corps de Ferhat M’Henni ! »
La comparaison est osée, mais des plus inquiétantes qui soient. Le MAK, de par ses gravissimes agissements, est comparé au sanguinaire GIA des années de sang et de braise déjà vécues par l’Algérie durant les années 1990. Ici, c’est un sympathisant, et un proche de Ferhat M’Henenni, qui ose cette glaçante affirmation-comparaison. Notre interlocuteur, chanteur kabyle engagé depuis 1983, accuse également le fondateur du MAK de vouloir déclencher une guerre civile en Algérie. Traqué et harcelé de toutes parts, notre interlocuteur, déjà menacé de mort par des « gorilles » de Ferhat M’Henni, craint sérieusement pour sa vie. L’alliance établie avec les islamistes sanguinaires de Rashad n’a sans doute rien arrangé aux choses.
Entretien réalisé par Abdenour Khelifa et Mohamed Abdoun
La Patrie News : Vous êtes présenté comme militant influent, voire numéro deux du MAK. Qu’est-ce qui vous a poussé à claquer la porte de ce mouvement et à en dénoncer les agissements par la suite ?
Le chanteur Amirouche : Tout d’abord, je tiens à rectifier certaines choses, et à replacer les données dans leur contexte précis. En effet, je n’ai jamais été militant influent du MAK. Je n’ai été que sympathisant de ce mouvement.
A ce titre, il m’arrivait de rencontrer assez régulièrement certains de ses membres et de ses dirigeants. Voilà tout. Je n’ai jamais adhéré à ce mouvement pour garder mon autonomie et ma liberté de penser en tant qu’artiste.
C’est en voyant le comportement de certains militants, franchement pas correct, pour ne pas dire autre chose, que j’ai pris la décision de m’éloigner de ce mouvement et d’en dénoncer publiquement les agissements. Me concernant, personnellement, je suis menacé de mort. Ma vie est devenue très difficile à cause de ces menaces depuis fin 2019.
Des activistes du MAK recevraient des financements occultes, provenant notamment du MOSSAD et des services secrets marocains pour acquérir des armes et les acheminer vers l’Algérie aux fins d’y implanter des maquis. Quelle est la part de vérité dans ces bribes d’informations que nous avons pu récolter de différentes sources jugées crédibles et sûres ?
Dans ce domaine précis, il y a beaucoup de propagande et de manipulation médiatique, franchement pas intéressantes à entendre. Comme je l’ai déjà précisé, en ma qualité de sympathisant, je n’avais aucun moyen d’avoir accès à ce type d’informations sensibles auxquelles vous faites référence. Je l’ai toujours dis, et je le réaffirme ici. Je n’ai jamais été un militant pour savoir, le cas échéant, avec qui le MAK négociait.
Est-ce que le MAK a partie liée avec l’odieux assassinat de Djamel Bensmaïl ? cet assassinat était-il prémédité, et quel en était l’objectif ?
Ah, nous y voilà ! L’assassinat de Djamel Bensmaïl paix à son âme. Qu’est-ce-que je peux bien vous dire à ce sujet… ce que je peux en dire, c’est que ce meurtre n’est pas le fruit du hasard il est sous-tendu par des calculs. Ni spontané non plus.
Il est lié à un calcul politicien d’une partie ou d’une autre. J’en suis absolument convaincu. Il me semble toutefois qu’il ne m’apparient pas de disserter sur cette question sensible.
Des enquêteurs planchent sur le sujet. Laissons-les travailler sereinement. On a un service compétent, qui peut s’en charger efficacement. Nous avons des limiers, des juges et des procureurs qui font leur travail. En attendant, je ne peux accuser personne. Attendons que la justice rende son verdict.
Quels types de rapports existent entre le MAK et Rachad ?
Il y a de cela quelques mois déjà, j’ai constaté un changement radical et très inquiétant dans le discours militant et propagandiste des « Makistes », membres du mouvement indépendantiste kabyle.
Ce n’est plus du tout le même discours qu’avant. J’ai compris. Et j’ai dénoncé ce revirement dans plusieurs de mes « lives ». J’ai même exprimé ironiquement mes félicitations pour cette nouvelle et très bonne relation.
Par la suite, j’ai même pris connaissance de Mourad D’Hina, le président de Rachad, soutenant le MAK. A partir de là, j’ai compris que des accords sont établis entre Rachad et le MAK, et que leurs relations sont même assez profondes.
Comment avez-vous régi à la visite de Ferhat M’Henni dans les territoires occupés palestiniens, sachant que cette question représente une ligne rouge pour tout le peuple algérien ?
La visite de Ferhat M’Henni au parlement israélien est pour moi injuste et indigne. Un homme politique stable et équilibré mentalement ne ferait jamais une si grossière bêtise.
On sait très bien que ce sujet est extrêmement sensible. Le peuple algérien est particulièrement pointilleux sur cette question. La défense de la Kabylie et de son peuple ne passe certainement pas par ce genre de gravissimes provocations. Une pareille visite est une indélébile honte.
C’est la réaction et le commentaire que celle-ci m’inspire. Ces provocations ne se sont pas arrêtées là.
Le chef du MAK est venu manifester en France place de la République, attisant autant qu’il peut la haine et le ressentiment des Algériens. Le projet de Ferhat M’Henni est de provoquer une guerre civile en Algérie.
Avez-vous vraiment été menacé par des membres de la garde prétorienne de Ferhat M’henni ainsi que par son fils?
Tout d’abord, je n’ai jamais été menacé par le fils de Ferhat M’Henni. Je fais ce témoignage par respect pour la vérité et rétablissement des faits historiques. Je n’aime pas mentir, en effet. Pour moi, les menaces ont commencé juste après mon kidnapping en Algérie un certain 14 juin.
Grâce à une très grande mobilisation populaire, j’ai fini par être libéré par mes ravisseurs sain et sauf. Si je suis toujours en vie, c’est grâce à cette très grande mobilisation citoyenne. Je tiens donc absolument à rendre un vibrant hommage à tous ces citoyens qui se sont mobilisés pour me venir en aide, exiger ma libération, et me sauver la vie en cette période particulièrement critique et difficile pour moi.
J’ai d’ailleurs quitté précipitamment l’Algérie à peine cinq jours après mon enlèvement et ma libération par mes ravisseurs. Je me suis installé en France après un séjour au Canada. Mais, je me suis rendu compte que l’attitude des « Makistes » avait changé à mon égard depuis mon enlèvement.
J’ai donc pris la ferme décision de m’éloigne discrètement du MAK, et de ne plus fréquenter ses membres. Depuis, j’ai commencé à subir un nombre considérable d’attaques ignobles et ignominieuses, parmi lesquelles ils prétendaient que j’aurais personnellement insulté le Rebelle Lounes Matoub. J’ai gardé mon calme et tenté de répondre sereinement à toutes les calomnies qui me visaient.
J’ai par exemple répondu que le regretté Lounes Matoub est un grand frère, et qu’il restera toujours dans mon cœur. C’est une pratique coutumière chez Ferhat M’Henni pour dénigrer tous ceux qui osent le contredire tout simplement. Ce qui s’est passé par la suite dépasse tout simplement l’entendement.
Mes détracteurs ou mes ennemis ont patiemment attendu que je me déplace en Belgique pour y effectuer une visite privée pour rencontrer des citoyens. J’ai échangé à cette occasion avec l’homme politique Ahmed Bouakaz.
On a parlé de tout et e de rien. De l’Algérie, bien sûr. Quelqu’un nous a pris en photo. Celle-ci a été publiée et largement diffusée.
Depuis ce moment, le MAK a signé mon arrêt de mort. J’ai dénoncé et montré les photos dans de précédentes vidéos des individus mandatés par Ferhat M’Henni pour m’attaquer et me lyncher. On m’a accusé d’être un lâche et un vendu. D’avoir aussi été récupéré par Ahmed Bouakaz contre un chèque de 5.000 euros. J’ai gardé en photo ce chèque fantomatique.
Depuis, les menaces de mort se sont multipliées contre moi, y compris de la part des gardes du corps de Ferhat M’Henni. Ils me suivent partout et me harcèlent. Ma vie est devenue un véritable enfer. Tout ça parce que j’ai osé dire la vérité.
Briser la loi de l’omerta. Je n’ai rien fait d’autre qu’appeler à l’union du peuple algérien libre et démocratique, et scandé « vive le peuple amazigh, à l’échelle nationale et non pas régionale».
Ces slogans et cette prise de position ne leur plait pas. Désormais, je suis victime d’un acharnement très grave. Désormais, je vis caché. En clandestinité. Comme durant les années 90, quand le GIA nous menaçait et que la mort nous guettait tous. C’est absolument dramatique.
Nous savons que l’écrasante majorité des militants du MAK sont sincères dans leur démarche, mais sont hélas trompés et désinformés par leur « chef ». Quels messages vous voudriez leur faire passer pour qu’ils reviennent et prennent conscience de leur erreur ?
Le message que je souhaite transmettre à mes frères algériens, tous mes frères algériens, est qu’ils doivent arrêter de polémiquer, et laisser la justice et les enquêteurs travailler sereinement pour faire toute la lumière sur l’assassinat de notre frère Djamel Bensmaïl ainsi que sur ces incendies qui ont ravagé une bonne partie de la Kabylie.
Je tiens aussi à rendre hommage à toutes les victimes de ces terribles incendies qui ont quand même fait pas loin de 200 morts, ce qui est énorme comme chiffre, sans compter les blessés, et les éventuels disparus.
Ce qui se passe dans notre pays est très malheureux. Nous sommes tenus d’être tous solidaires entre nous, hommes et femmes.