Entretien
L’influenceuse « dz_women » : « L’absence de régulation et de suivi a encouragé arnaques et dépassements »
Par Mohamed Abdoun
Du haut de ses 11.000 abonnés à son compte appelé dz_women, elle qui dit qu’au-dessous de 5000 « followers », il est inutile de s’aventurer dans la « cour des grands. Celle des influenceurs connus, qui gagnent beaucoup d’agent, ont pignon sur… internet et imposent leur « loi » ou leur diktat aux « annonceurs », c’est-à-dire ceux qui ont des produits à céder au populo. Notre interlocutrice, jeune fille coquette et soignée, flanquée d’un hidjab moderne, nous explique qu’en fait de « cour des grands, mieux vaut parler plutôt de jungle où tous les coups sont permis. Elle explique qu’un compte Instagram regroupant quelques milliers de suiveurs, même fantômes, peut rapporter la entre 100 et 80 milles dinars, ce qui n’est pas peu dire. Dans cette jungle, où tous les coups sont permis, les règles ne sont jamais claires. Les annonceurs, désirant placer leurs produits, choisissent les influenceurs les plus en vue. L’appétit venant en mangeant, ces derniers, astreint à des cahiers des charges précis, tels qu’un nombre relativement important de « storys » par semaine, ou des diffusions de celles-ci à des heures précises. Cette dernière est habituellement 18 heures, contrairement au prime-time des chaines télévisuelles classiques, pour lesquelles ce créneau horaire s’insère ordinairement entre 19 et 21 heures, ces influenceurs, donc, se mettent à « fourguer » tout et n’importe quoi à leurs suiveurs. Ce phénomène de la pub internet mobile est du reste basé sur deux natures séculaires et indétrônables chez l’être humain. Il ya le « matuvusme » et le « voyeurisme » d’un côté, et la cupidité qui anime inconsciemment chacun d’entre nous. L’affaire futur-gate, analyse notre interlocutrice « est certainement née de ces deux aspects croisés ». A l’entendre, et sans la moindre possibilité de vérifier des dires, ni même de les quantifier, des sommes faramineuses circulent quasiment au noir, et passent de main en main sans le moindre document ou pièce comptable. Pour s’en faire une idée sommaire, notre interlocutrice nous apprend que la facturation d’une story dune ou deux minutes à peine est facturée en moyenne à 300.000 DA. De quoi donner le tournis à quelque intellectuel qui a consacré la moitié de a vie à d’austère études histoire de reprendre une célèbre formule baudelairienne. Le plus grave et plus inquiétant dans ce constant, c’est que ce phénomène nouveau prend une telle ampleur qu’il a induit la genèse de nouveaux et véritable corps de métiers. Notre interlocutrice, qui connait bien ce monde et y surfe tel un poisson dans l’eau, nous apprend que le grand rush a eu lieu aux environs de 2013. A présent, toutes les bonnes places sont prises.
Nettoyer les écuries d’Augias…
Le hic, c’est qu’elles ne sont pas toujours revenues aux plus méritants, ni aux plus compétents. Ce phénomène a également produit de spectaculaires reclassements sociaux. C’est le cas de Daddah et Hicham cook. La première, qui publiait des recettes quelconques à partir de sa cuisine mireuse dans un sordide appartement à l’est d’Alger, vient de déménager vers une belle et grosse résidence, animant aussi en parallèle une émission TV culinaire. Le second, qui cuisinait chez sa mère sur une vielle Tabouna déglinguée, et qui travaillait comme cuisinier dans une gargote, est aujourd’hui patron d’un grand restaurant. Normal que ces fulgurantes réussites donnent le tournis, et de mauvaises pensées aux jeunes loups nouvellement débarqués dans ce domaine où l’on évolue en pleine lumière du jour. Un peu à l’image du classique métier de journaliste. Notre interlocutrice nous taquine l’air de rien en disant que seul son vieux père achète encore par habitude un journal-papier pour y consommer de l’info vieille et périmée. Elle ajoute que les plus gros annonceurs, qui sont en général des producteurs de gâteaux, de boissons et de biscuits, déduisent les paiements de leurs pubs internet sur les « charges ». Impossible à quantifier donc. Et encore moins à imposer. L’initiative lumineuse de Nassim Diafat, ministre délégué auprès du Premier ministre en charge des PME, consistant à accorder des registres de commerce aux influenceurs, est hélas demeurée au stade de projet ambitieux et intéressant, mais hélas sans consistance véritable. Cela nous amène à bifurquer brièvement sur cette mafia laissée en embuscade par la « issaba » tapie à divers échelons décisionnels », ayant pour mission de saborder discrètement toutes les initiatives liées au redressement national, et à freiner l’œuvre maitresse du président Tebboune, d’édification de l’Algérie nouvelle. « dz_women, dont l’action virtuelle vise à mettre un peu de beurre sur ses épinards, hé oui, la vie devient par trop cher, et un travail d’appoint mi-temps en devient nécessaire. Elle a commencé tout doucement en s’engouffrant dans une petite lucarne laissée par les premiers arrivés et premiers servis lot. Le concept consiste à acheter, à l’aide ses propres deniers un lot de produits de beauté. « Je les teste personnellement avant d’en promouvoir la vente dans des vidéos et des storys ». Mensonges et fausses pub y sont donc proscrits. Grâce aux réseaux sociaux et le bouche-à-oreille, l’oiseau fait modestement son nid. Elle dit entretenir une relation de confiance avec a plupart de ses 11.000 followers. Son trésor, ou son capital, y réside. Elle n’en est pas peu fière d’ailleurs. Elle paie de sa poche des cours de perfectionnement dans divers domaines, tel que les prises de vue ou la gestion d’une chaine Youtube. Nous sommes bien loin de ce scandale en train de prendre des allures phénoménales dont les « héros » sont des « parvenus » sans le moindre bagage intellectuel et/ moral. Avec sa grande maitrise de ce monde fait de mensonges et de fausses paillettes, notre interlocutrice conclut sur une note particulièrement inquiétant. Pour elle, en effet, effet, ce gigantesque tapage médiatique, cette très mauvaise pub faite aux suspects, demeure quand même de la… pub. De l’excellente publicité même. Ils s’en sortent (presque) toujours et retombent sur leurs pattes à l’aide d’entourloupes dont ils ont seuls le secret. Preuve en est que leurs comptes sur les réseaux sociaux ont tout simplement explosé. Cela nous ramène au sempiternel phénomène du « voyeurisme ». Cette affaire devrait en revanche servir d’alerte sérieuse pour donner un sérieux coup de pied dans cette fourmilière et nettoyer ainsi les écuries d’Augias.
M.A.