Entretien
Mme Amel Abdellatif, Directrice Générale des Impôts – Ministère des Finances
Toujours plus près du citoyen
Parmi les réformes inscrites dans le programme de Monsieur le président Abdelmadjid Tebboune, celles portant sur le système fiscal et le fonctionnement des services de l’administration fiscale, qui constituent des services vitaux de l’Etat, d’où la nécessité de rapprocher ces derniers des citoyens en les mettant au cœur de leurs préoccupations et en répondant à leurs attentes. La révision du système fiscal, la réorganisation et la numérisation de l’administration fiscale, les mesures de facilitation et bien d’autres nouveautés ont été introduites dans le cadre de la réforme fiscale que la première responsable de la DGI, Mme Amel Abdellatif, a expliqué lors de l’entretien qu’elle a accordé à La Patrie News.
Propos recueillis par Tahar Mansour
« Depuis l’année 2020, la DGI s’est engagée dans un processus de réformes et de renouveau dans son fonctionnement, en exécution des directives de Monsieur le président de la république. Il s’agit de passer à l’ère du numérique pour moderniser les services fiscaux, assurer une transparence dans le circuit de l’information et bâtir une relation de confiance avec les entreprises et les citoyens contribuables. Tout a démarré de l’organisation des assises nationales sur la réforme fiscale dans un contexte particulièrement difficile, durant le mois de juillet 2020, puisque nous étions encore en plein COVID mais nous avions pu réunir toutes les conditions nécessaires à la réussite de l’évènement. La question de l’impôt suscitant beaucoup de débat et de controverses au sein de notre société, il était nécessaire de faire participer différents acteurs : des représentants d’entreprises, des professionnels, des professeurs émérites des universités, des experts comptables, des personnalités du monde politique (sénateurs, députés), des représentants d’associations et unions professionnelles, de hauts cadres de départements ministériels…etc. Cette démarche participative, ayant suscité un riche débat, nous avait permis de mesurer les insuffisances et les besoins et attentes des citoyens-contribuables et des entreprises.
C’est ainsi que le chantier des réformes a été lancé à partir des orientations des pouvoirs publics et des recommandations découlant de ces assises, pour un système fiscal efficient. Plusieurs mesures ont été introduites, à cet effet, dans le cadre des différentes lois de finances intervenues depuis 2020 jusqu’à la loi de finances pour 2023, dans l’objectif d’assurer une répartition équitable de la charge fiscale entre opérateurs économiques, particuliers et ménages, chacun suivant ses capacités contributives et d’accélérer la relance économique, notamment par l’encouragement de l’investissement productif», a expliqué Mme Amel Abdellatif, la Directrice Générale des Impôts.
Renforcer le pouvoir d’achat, encourager l’investissement productif et relancer la croissance économique
Afin de renforcer et d’améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, plusieurs mesures ont été arrêtées dans le cadre de la réforme du système fiscal algérien, à l’instar de la révision de l’IRG (Impôt sur le Revenu Global).
En effet, en application des instructions de Monsieur le président de la république il a été institué suivant la loi de finances complémentaire pour 2020, une exonération des salaires dont le montant est inférieur ou égale à 30.000DA, avec la révision des abattements prévus, d’une part, pour les salaires ne dépassant pas 35.000DA et d’autre part, pour les pensions de retraites et celles des personnes à besoins spécifiques, qui n’excèdent pas 40.000DA. Par ailleurs, une révision du barème IRG a été prévue, pour tous les revenus qui y sont soumis, à l’effet de réduire la pression fiscale. Ce barème n’avait pas été modifié depuis 2008 jusqu’à la loi de finances pour 2022, où il a été procédé à la révision des taux marginaux et des différentes tranches.
D’autre part, les dernières lois de finances ont prévu plusieurs mesures incitatives pour l’investissement et pour encourager les secteurs productifs de biens et de services. « Nous pouvons citer, à titre d’exemple, l’exonération des sociétés de production de la Taxe sur l’Activité Professionnelle (TAP), l’institution d’un taux réduit en matière d’impôt sur le bénéfice des société (IBS) de 10% au lieu de 19% lorsque ces sociétés procèdent au réinvestissement de leurs bénéfices, l’exonération des opérations d’exportation en matière de TAP, d’IBS et d’IRG, l’application du taux de l’IFU sur la marge au lieu du chiffre d’affaires pour les opérations de ventes portant sur les produits et marchandises dont les prix et les marges sont règlementés, l’exonérations en matière de TVA au profit des activités touristiques, l’application du taux réduit de la TVA en faveur des industries de recyclage et des activités aquacoles, …etc », explique notre interlocutrice.
Elle cite encore les différentes mesures pour encourager la création des PME et des startups, les différentes exonérations de taxes et impôts pour le secteur de l’agriculture (dattes, céréales, légumes secs, …) ainsi que pour les activités d’élevage et celles portant sur les incitations en matière de finance islamique : « Toutes ces mesures ont été introduites pour relancer l’activité économique », poursuit-elle.
D’autres mesures ont été, également, mises en œuvre en matière de procédures fiscales : « Il était devenu indispensable de simplifier les procédures fiscales et de renforcer les garanties offertes aux contribuables pour consolider la justice fiscale », a précisé Mme Abdellatif.
Les réformes fiscales engagées ont ciblé, en premier lieu, les impôts directs à l’instar des impôts sur le bénéfice et sur le revenu, à l’effet de réduire la charge fiscale concentrée sur une catégorie de contribuable, ce qui a nécessité des ajustements pour assurer une équité fiscale, réduire la pression fiscale sur les ménages, les moyens et bas revenus et améliorer le rendement des autres segments de la fiscalité.
Des mesures ont été, ainsi, introduites pour mettre en place un système fiscal plus simple et lisible, amenant à un consentement à l’impôt.
Accompagnement des Startups
« Depuis 2020, diverses mesures ont été prévues en direction des startups pour encourager leur création et pour assurer leur accompagnement. Dès qu’ils obtiennent le label, les startups et les incubateurs bénéficient des avantages, aussi bien durant la période de réalisation que durant la période d’exploitation. Ainsi, les entreprises disposant du label « start-up » bénéficient de l’exonération de la TVA sur les équipements acquis, entrant directement dans la réalisation de leur projet d’investissement et d’une exonération en matière de TAP et en matière d’IBS, d’IRG ou d’IFU, pour une durée de quatre (04) années à compter de l’entrée en exploitation. Les mêmes mesures incitatives bénéficient aux incubateurs, sauf que la durée d’exonération pour ces derniers est de deux ans », explique la directrice générale des impôts.
Centres Des Impôts (CDI) et Centres de Proximité des Impôts (CPI)
Dans le cadre de la réorganisation des services de l’administration fiscale, un vaste programme de modernisation de l’administration fiscale a été lancé depuis quelques années avec pour le volet organisationnel, la création de la Direction des Grandes Entreprises, de 59 Centres des Impôts (CDI) et de 244 Centres de proximités des Impôts (CPI): « La DGE, opérationnelle depuis 2006, est chargée de la gestion des entreprises à grands comptes, les CDI dont 43 ont été réceptionnés à ce jour couvrent les petites et moyennes entreprises ainsi que les professionnels relevant du régime du réel et les CPI avec un nombre de 139 réceptionnés, assurent la gestion de toutes les autres catégories de contribuables ne relevant pas de la DGE et des CDI, dont celle soumise au régime de l’impôt forfaitaire unique (IFU).» précise Mme Abdellatif.
Ces structures ont été mises en place pour assurer au contribuable un seul interlocuteur. En effet, chacune d’elles regroupe l’ensemble des fonctionnalités de l’impôt (gestion de l’assiette, recouvrement, contrôle fiscal, contentieux…), ce qui permet de réduire les déplacements du citoyen puisqu’il disposera de tous les services au niveau d’une structure. Il est important de préciser que ces structures ont été conçues dans une perspective de gestion moderne basée sur la dématérialisation des procédures, par la mise en place d’un système d’information. « A terme, le système d’information devra couvrir tous les CDI et CPI et le contribuable n’aura plus à se déplacer, il pourra exécuter toutes les formalités à partir de chez lui et ne sera plus limité aux horaires d’ouverture et de fermeture des serves fiscaux », rappelle notre interlocutrice.
Numérisation totale
Poursuivant son développement en matière de numérisation des services des impôts, Mme Amel Abdellatif précise que la simplification des procédures et l’amélioration des services rendus aux contribuables passent nécessairement par le développement du numérique. Elle annonce, à ce titre, que le Système d’information Jibayatic qui est un système intégré, est déployé au fur et à mesure de la réception des CDI et des CPI et de la préparation de ces sites en équipement et en fibre optique. « Afin de gérer efficacement ces centres, il est nécessaire de déployer le système d’information ‘Jibayatic’ ». Il couvre actuellement la DGE, 27 CDI et 8 CPI. Ce système d’information permettra, à terme, de gérer l’ensemble des informations relatives au dossier fiscal d’un contribuable (création, déclaration, calcul et paiement d’impôts, contrôle fiscal, …).
« Une fois que nous aurons déployé jibayatic sur l’ensemble du territoire national, il sera possible, à partir du siège de la DGI, d’assurer une agrégation des données et d’obtenir tous types d’information relative aux contribuables, au niveau de déclaration, au niveau de recouvrement, …etc. La DGI pourra disposer d’un tableau de bord en temps réel, lui permettant d’élaborer des prévisions en temps utile et en toutes matières », précise encore la Directrice générale des Impôts.
En attendant de finaliser le déploiement du SI-Jibayatic, l’administration fiscale a mis en service un portail électronique appelé ‘’Moussahamatic’’ au profit des contribuables ne relevant pas de structures dotées de Jibayatic, afin de leur assurer des services en ligne en matière de déclaration et de paiement de différents impôts et taxes, en utilisant la carte CIB, jusqu’à concurrence de 10 millions de dinars. En outre, la DGI est en train d’élargir le portail ‘Moussahamatic’ afin d’englober d’autres impôts et taxes : « La DGI est mobilisée pour numériser tous ses services et permettre, ainsi, au citoyen contribuable d’en bénéficier le plus facilement possible, sans avoir à se déplacer, comme pour l’obtention de son numéro d’identification fiscale (NIF) ou l’authentification du NIF d’un client, étant signalé que cette authentification se fait gratuitement sur le site de la DGI, afin d’offrir à chaque opérateur un moyen de contrôle et de protection contre toute tentative de faux et d’usage de faux. La DGI veille, à partir de son site web et sa page Facebook et Tweeter, à mettre à la disposition des citoyens et opérateurs toute information utile, permettant d’assurer plus de transparence et une normalisation des procédures », a-t-elle continué.
Une meilleure inclusion fiscale
« Pour assurer une meilleure mobilisation des ressources, il est nécessaire d’élargir l’assiette. Pour y parvenir, des campagnes de sensibilisation sont programmées, pour regagner la confiance des citoyens et des opérateurs économiques, en mettant en avant la nécessité de contribuer au financement des dépenses publiques dans différents domaines, dans l’intérêt de chaque citoyen », explique encore notre interlocutrice.
Elle souligne, d’autre part, que pour une meilleure inclusion fiscale, la numérisation des services de l’administration fiscale est un impératif et l’échange d’informations avec les autres institutions de manière instantanée conduira à une inclusion financière et fiscale.
Mme Abdellatif fait remarquer que : « Bien que des exonérations et révisions à la baisse pour certains impôts et taxes aient été accordées à de nombreuses entreprises avec la loi de finances pour 2022, les recettes fiscales ordinaires recouvrées par les services fiscaux ont connu, au 30 septembre 2022, une augmentation de près de 5% par rapport à la même période de l’année 2021, et ce grâce à la reprise de l’activité et à l’élargissement de l’assiette fiscale ».
Impôts indirects, timbre et droits d’enregistrement
Dans le cadre de la réforme fiscale, une révision des différents codes fiscaux a été entamée à commencer par celui traitant des impôts directs avec les différentes modifications intervenues, graduellement, suivant les lois de finances de 2021 et 2022. S’agissant des autres segments de la fiscalité comme les taxes sur le chiffre d’affaires (TCA), les impôts indirects, les droits de timbre et les droits d’enregistrement, ceux-ci sont en cours de révision. Cette révision des codes est effectuée dans la perspective de fusionner le code des TCA avec celui des indirects et le code des droits d’enregistrement avec celui du timbre, en apportant les modifications nécessaires, permettant de simplifier le système fiscal et d’assurer la lisibilité des dispositions fiscales. Aussi, il est envisagé d’associer les acteurs concernés par chaque matière. : « Certaines dispositions n’ont pas été révisées depuis les années soixante-dix », annonce la directrice générale des impôts.
Il est donc devenu nécessaire de réviser ces textes pour les adapter au climat actuel des affaires et répondre aux besoins sociaux économiques.
Améliorer la qualité de service
Avant de clore l’entretien qu’elle a accordé à La Patrie News, Mme Amel Abdellatif, directrice générale des impôts, a assuré que l’institution qu’elle dirige ne ménage aucun effort pour améliorer la qualité des services fournis au citoyen : « Nous avons développé et amélioré nos canaux de communication en distanciel à partir d’un espace de contact dédié de notre site web et de notre page Facebook qui permet de prendre connaissance des préoccupations des citoyens en matière fiscale et d’y répondre dans les meilleurs délais, en veillant à améliorer la qualité du service fourni. Pour ceux qui souhaitent se déplacer, nos services sont tenus d’assurer la réception, de répondre aux préoccupations et d’accompagner les contribuables dans l’accomplissement de leurs formalités. La DGI a également favorisé la vulgarisation de l’information à partir des médias (radio, chaines télévisées et presse écrite) pour les campagnes informationnelles périodiques.
Les citoyens ne doivent plus hésiter à se rapprocher de nos services, l’administration fiscale est à leur l’écoute et s’engage à être au service du public et à accompagner les contribuables dans toutes leurs démarches administratives en matière fiscale », a-t-elle affirmé.