Essais nucléaires français en Algérie: Un crime impuni… 61 ans après
Le 13 février 1960 à 07h04, la première bombe nucléaire française dénommée «Gerboise bleue» est mise à feu sur le site nucléaire de Reggane.
D’une puissance de 70 kilotonnes, soit trois ou quatre fois plus puissante que celle larguée par les Américains sur Hiroshima, la bombe a eu des retombées radioactives plus longues que prévu.
Un rapport annuel du Commissariat français à l’énergie atomique (CEA) de 1960 révèle l’existence d’une zone contaminée de 150 km de long environ.
Après «Gerboise bleue», trois autres essais nucléaires atmosphériques ont été effectués à Reggane entre avril 1960 et avril 1961:
-« Gerboise blanche», le 1er avril 1960
-« Gerboise rouge», le 27 décembre 1960
-« Gerboise verte», le 25 avril 1961
Au total, 17 essais nucléaires aériens et souterrains ont été effectués par la France, entre Février 1960 et Février 1967, dans la région de Reggane et dans les cavités du massif du Hoggar.
Soixante est un ans après, effets induits par les abominables explosions nucléaires continuent de faire des ravages parmi la population de la région, causant des pathologies jusque là méconnues, aujourd’hui perceptibles aussi bien sur la santé humaine, l’environnement, la faune et la flore.
Un enquête de terrain réalisée sur la radioactivité sur des personnes dans la région de Reggane, révèlent en effet, que ces essais ont eu de lourdes répercussions psychologiques, dont l’angoisse, un des troubles psychologiques faisant encore des ravages parmi la population locale.
«Dans ses explosions, plusieurs fois plus puissantes qu’à Hiroshima, qui n’ont épargné ni les animaux, ni la nature, la France s’est servie d’Algériens comme cobayes», dénonce l’historien Mohamed El Korso.
Pour ce spécialiste, les explosions nucléaires coloniales à Reggane, et ailleurs plus tard, «n’est qu’un épisode de la longue série de crimes commis contre le peuple algérien dans le cadre de la stratégie d’extermination du colonisateur français, et ce depuis son arrivée en Algérie en 1830».
Une tragédie….
Le Secrétaire général de l’Association Taourirt des victimes des essais nucléaires dans la région de l’Ahaggar, Boubaker Ibbeh affirme, pour sa part, dans une déclaration à la chaîne III de la Radio nationale que «les effets de ce crime contre l’humanité, commis par la France coloniale, sont encore visibles à ce jour parmi la population et les faits et les preuves attestent de l’horreur de la tragédie et de l’ampleur de l’enfer nucléaire engendré».
« Les effets de la radioactivé, confirmés par les scientifiques et les experts, dans les régions de Reggane (Adrar) et In-Ecker (Tamanrasset) n’ont pas épargné le mont Taourirt, en plus de la population, de la flore et de la faune «, a fait observer M. Ibbeh.
Pour lui, «il ne s’agit pas de simples explosions nucléaires, mais de massacres relevant du crime contre l’humanité comme en témoignent les impacts sur environnement et les conséquences sanitaires désastreuses, d’où l’impératif d’une enquête internationale». Il évoque ces gens « qui meurent en silence des suites des pathologies héritées de génération à génération, comme différents types de cancer, des malformations congénitales et des maladies chroniques».
Dans la région de l’Ahaggar, nombreux sont les habitants présentant différents types de cancer et des malformations congénitales résultant de la radioactivité. Aujourd’hui, ils crient leur détresse et réclament justice pour ceux « en sursis» de mort.
À cette occasion, le responsable de l’Association Taourirt des victimes des essais nucléaires dans l’Ahaggar a réitéré son appel à la reconnaissance de ces crimes par l’Etat français.
Le Dr Mohamed El Korso plaide, de son côté en faveur de la récupération des archives liées aux explosions nucléaires « pour mesurer les répercussions de ce crime contre l’humanité aux plans sanitaire et environnemental ».
« La France doit, dans le cadre d’un mécanisme de coopération bilatérale, restituer les archives liées aux explosions nucléaires menées dans le Sahara algérien, pendant la période coloniale, afin de permettre l’identification des lieux d’enfouissement des déchets nucléaires et la délimitation des zones contaminées pour éviter de nouvelles victimes», a-t-il déclaré à l’APS.
A quand l’indemnisation ?
Par ailleurs, l’historien Mohamed El Korso plaide pour une révision du décret exécutif français du 13 juin 2010 fixant les modalités de mise en œuvre de la loi Morin relative aux conditions et modalités d’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Qualifiant cette loi d’«évasive» et d’«injuste» à l’égard des victimes algériennes, il appelle la France à tenir ses engagements d’indemniser les victimes, dont la plupart sont décédées, soulignant «que les séquelles radioactives persistent à travers les générations».
De par ses conditions «rédhibitoires», cette loi exclut les victimes algériennes, notamment lorsqu’il s’agit de prouver «la présence spatiale et temporelle» ainsi que le type de pathologie conséquente à ses essais, précise encore le chercheur.
L’historien évoque, à ce propos, la recrudescence, dans ces régions, de plusieurs types de cancer, notamment la leucémie et le cancer de la peau, l’apparition d’anomalies congénitales et l’enregistrement de problèmes d’infertilité à large échelle.
Dj. Am