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La Patrie News au cœur d’une conférence des familles de détenus de Gdeim Izik à Rabat : Les trois jours qui vont pulvériser le colonialisme marocain !
Par Mohamed Abdoun
Une visioconférence appelée à faire date s’est tenue quatre jours durant à Rabat, au cœur-même du pouvoir totalitaire marocain. Il s’agit des familles des détenus de Gdeim Izik qui reçoivent à Rabat, au cœur-même du pouvoir de Mohamed VI d’éminents juristes, avocats et militants internationaux afin d’aborder en visioconférence,de ce samedi 7 mai au mardi 10 mai 2022 ,la problématique des droits de l’Homme et de la justice au Maroc en général, et des territoires occupés sahraouis en particulier.
18 familles sur les 19 conviées ont réussi à déjouer la surveillance policière étroite dont elles font l’objet pour se rendre à Rabat et prendre part à cette visioconférence, organisée quatre jours durant depuis le cœur-même du pouvoir marocain. Les préparatifs, secrets et méticuleux, ont été menés dans une totale confidentialité. Pas facile, en effet, de tromper la vigilance des limiers d’Abdellatif Hammouchi et Yacine Mansouri, chefs des services de sécurité et de renseignements marocains. La Patrie News, via ma modeste personne, a été placée dans le secret de ces préparatifs, ce qui représente pour nous un incommensurable honneur, et une remarquable consécration.
Pour revenir à ce méga-évènement, que je suis autorisé à suivre de bout en bout, la cheffe de la délégation, la norvégienne Tone Moe a été expulsée manu-militari dès son arrivée le jeudi par les forces de sécurité de Mohamed VI, en dépit des véhémentes protestations de son ambassade. La fermeté des sbires du Makhzen tendrait à prouver que celui-ci doit peut-être se douter que quelque chose d’important était en gestation. L’action, mûrement réfléchie et planifiée, a été réglée comme du papier à musique. La Patrie News a eu l’insigne honneur d’en suivre de près, pratiquement de l’intérieur, en exclusivité le déroulement de bout en bout.
L’expulsion de la Norvégienne Tone Moe semble avoir servi de leurre aux services de sécurité marocains, qui, à aucun moment, ne se sont rendu compte qu’une opération de grande envergure se déroulait sous leur barbe. La conférence virtuelle, à laquelle nous avons été conviés, s’est donc déroulée à Rabat-même, en présence de plusieurs juristes étrangers, de près d’une vingtaine de proches de ces détenus politiques, et d’une poignée de militants de la noble cause sahraouie, qui en suivaient le déroulement depuis l’étranger.
Ouverte samedi à Rabat, cette conférence aura duré jusqu’à mardi, tard dans la nuit. Intégralement enregistrée, elle sera rendue publique et mise en ligne une fois correctement montée. On y voit en premier lieu les témoignages des proches de ces détenus. Tous, la gorge nouée par l’émotion, racontent de quelle manière leur vie a été brisée, ils n’ont plus de vie, depuis ces tragiques évènements de Gdeim Izik et le procès militaire kafkaïen de 2013.
C’est par exemple le cas cité d’Abdi sid Ahmed Moussa, père de Naâma Asfari, enlevé en 1976 déjà et disparu pendant 16 ans dans les bagnes de Hassan II, alors que Naâma n’avait que sept ans. Comme pour conjurer la pesante tristesse de ces témoignages, ceux-ci s’égrennent pendant que l’incontournable rituel du thé continue de se dérouler. Inlassablement. Et fraternellement aussi.
Grâce à la pression internationale, la Cour de Cassation avait cassé le procès militaire de 2013 et un autre procès de ces détenus d’opinion avait eu lieu en Appel à Rabat-Salé devant une Cour civile. Et ce fut le théâtre d’horrifiantes révélations sur les immondes et bestiales tortures subies par ces prisonniers. Même la condamnation onusienne de ces traitements inhumains n’obligera pas le Maroc à relâcher son étreinte, assuré qu’il est de son impunité. D’ailleurs, ce n’est pas sans raisons que beaucoup de ces témoins ont comparé l’apartheid marocain à celui que pratique l’entité sioniste en Palestine depuis la Nekba de 1947.
Le temps s’est arrêté pour ces familles depuis novembre 2010 !
Beaucoup d’intervenants pointent par exemple le fait que ces détenus, arrêtés en territoires non-autonomes du Sahara Occidental, soient embastillés dans des prisons marocaines comme Tifelt 1 et 2 en contradiction avec les Conventions de Genève. Il s’agit de véritables enfers sur terre pour ces détenus politiques. Ce choix trahit en fait la cruauté et l’inextinguible rage vengeresse de l’Administration Pénitentiaire du Makhzen. Il s’agit en fait d’interdire indirectement les visites familiales.
Les frères, sœurs, mères et fils doivent en effet parcourir des milliers de kilomètres depuis le Sahara occidental pour voir les leurs. Après le prononcé de leur verdict en 2017, des peines allant de 20 ans à perpétuité, ces prisonniers ont été dispersés vers six prisons, placés en isolement durant des années dans certains cas, et mêlés aux droits communs, ce qui représente en soi une forme de torture et de vengeance supplémentaires. Ils sont aussi mal-nourris, privés des soins les plus usuels, de promenade, d’air frais, de soleil… Beaucoup d’entre eux ont organisé des grèves de la faim. Nous en rendons compte systématiquement. Mais en attendant, leur état de santé se détériore inexorablement. Ils se consument à petit feu. Ils sont tous victimes d’un assassinat prémédité qui ne dit pas son nom.
C’est en pleurant que Zahra, la sœur d’Ahmed Sbai, raconte le calvaire de son frère. Mohamed-Ali, le frère du journaliste Mohamed-Lamine Haddi explique comment ses tortionnaires lui ont dit qu’ils attendaient juste qu’il meure, et qu’hélas, il y avait trop de Sahraouis qui risquaient de prendre sa place. Khadad Asfari, le frère de Naâma Asfari, se montre cartésien et pratique dans une mémorable intervention. Il y demande des actions concrètes, bien loin des paroles creuses et sans lendemain. C’est en effet ce qui vient d’être magistralement accompli par cette poignée de militants pleinement engagés, et formant une communauté que rien n’arrête, ni ne brise.
Elle réfléchit déjà aux actions futures et originales à mener qui empêcheront encore et toujours les chiens de garde de Mohamed VI de dormir sur leurs deux oreilles. Hamza Bani, jeunot calme et timide, raconte son enfance privée de son père, et son absence de perspectives sous le joug du colonialisme. Fataliste (en apparence), il raconte l’agonie et la mort de son adolescence. Les souffrances et le courage de sa mère esseulée, aussi. Ce calme apparent drape une sourde colère. Celle-là même qui a éclaté un certain 13 novembre 2020 avec la reprise du combat armé par le Maroc contre les sahraouis . La proposition de Régine Villemont, Présidente de l’Association française des Amis de la RASD, est de parrainer un à un chacun de ces prisonniers politiques.
Claude Mangin, épouse de Naâma Asfari, cache mal son bonheur devant ces retrouvailles, attendues et préparées laborieusement depuis cinq longues et interminables années de travail et militantismes invisibles. Pour elle, cette communauté doit rester plus que jamais soudée afin de briser les chaines qui entravent les prisonniers sahraouis et arracher l’indépendance du Sahara Occidental. Invité à mon tour à bredouiller quelques mots, je suis franchement « siphonné » par l’accueil enthousiaste et unanime qui m’est réservé. J’ai même droit à un poème improvisé sur le pouce. De quoi me rendre espoir en la race humaine. Certes, le peuple sahraoui est, par nature, sociable, bienveillant et aimable. Mais, me concernant, c’est ma nationalité qui m’accorde carrément une sorte de blanc-seing.
L’Algérie, qui n’a eu de cesse de mériter le qualificatif de « Mecque des révolutionnaires », l’est devenue dix fois plus avec l’arrivée du président Tebboune à la tête de notre Etat, avec son soutien fort et actif aux nobles causes sahraouie et palestinienne. Les renforts étrangers sont de taille. Il ya le journaliste allemand Joerg Tiedjen, Jean-Louis Choplin, Francesca Doria, Tone Soerfon Moe, Gianfranco Fattorini, Christine Massemin et tant d’autres, qui croient en l’idéal que tous les peuples doivent décider librement et souverainement de leur destin.
Ce sont les familles, invitées démocratiquement à se concerter entre elles lors d’une pause, qui ont retenu cinq revendications principales devant émaner de cette mémorable et historique conférence. Il s’agit bien sûr de rendre justice (effective) à l’ensemble de ces détenus en les libérant immédiatement et sans conditions, de permettre que les institutions internationales puissent leur rendre visite et s’enquérir des conditions de leur détention… afin de forcer la main au Maroc, tenu de se plier aux Conventions internationales qu’il a lui-même ratifiées. Il n’est pas exclu que cette action collective et hautement médiatique aille vers une grève de la faim illimitée de la part de plusieurs membres de ces familles, comme l’avait fait Claude Mangin, un mois durant , en 2018 afin de pouvoir fouler le sol marocain et rendre visite à son mari.
Cette conférence virtuelle tenue à Rabat, avec la participation de 18 familles sur les 19 conviées, s’est accompagnée de visites à de nombreuses ambassades afin de les interpeller sur la situation intenable des détenus politiques sahraouis. Les réponses ont différé d’une ambassade à une autre. Les USA, par exemple, ont demandé des exemples et des cas concrets.
La Norvège s’est montrée particulièrement attentive. Idem pour l’Afrique du Sud. Des lettres et des saisines seront d’ailleurs envoyées aux représentations diplomatiques de tous les pays au Maroc. Lors de la prochaine conférence, car il y en aura d’autres. Plus médiatiques et plus percutantes encore. La petite Bacha, fille du détenu Bobeit,a donné lecture d’un texte écrit par elle en anglais et a déballé deux plats décorés de ses mains en guise de cadeau remerciements à Tone et Claude. A cet âge, les enfants croient aux miracles, en la bonté et la beauté des choses. Ne comprennent pas que des hommes puissent faire du mal à d’autres hommes.
Son père notamment. Situation triste à en pleurer, voir des Sahraouis, privés de tout, offrir des présents symboliques à deux femmes-courages qui ne pourront pas fouler le sol marocain, ni toucher de leurs mains ces plats amoureusement ouvragés.Un sit-in des familles des iconiques détenus politiques de Gdeim Izik s’est également déroulé ce lundi 9 mai 2022 à Rabat, devant le siège de l’Administration Pénitentiaire marocaine, en plein milieu de cette historique rencontre virtuelle.
La décision a été prise la veille dimanche par les familles lors de cette visioconférence, mais il a été décidé de ne pas médiatiser cette action de protestation pour ne pas mettre sur les dents les services de sécurité et les mouches électroniques du Makhzen. Outre la libération immédiate et sans conditions de ces prisonniers, arbitrairement jugés et lourdement condamnés pour leurs opinions, ces familles exigent l’amélioration des conditions de détention des leurs, la fin des tortures physiques et morales qu’ils subissent au quotidien, leur rapprochement des lieux d’habitation de leurs proches dans les territoires occupés sahraouis afin qu’ils puissent bénéficier plus régulièrement des visites familiales.
Ces familles, qui reprochent aux autorités d’occupation marocaines d’avoir mis à profit cette pandémie de coronavirus pour isoler ces détenus politiques et les tuer à petit feu, revendiquent leur accès à des soins adéquats, ainsi qu’un bon suivi médical. Ces prisonniers politiques ont subi d’affreuses tortures afin que des aveux irrecevables leur soient extorqués. Ils ont été condamnés en 2013 et en 2017 à de très lourdes peines, de 20 ans à perpétuité, lors de procès iniques et préfabriqués, tel que qualifiés par de nombreuses ONG des droits de l’homme et médias internationaux.
Dans sa lettre d’invitation, Claude Mangin Asfari écrit ceci : « Je m’adresse à vous concernant le cas du groupe Gdeim Izik, qui est le groupe le plus important de prisonniers de conscience sahraouis du Sahara Occidental. Vous trouverez ci-joint un rapport détaillant leur cas et les derniers développements. Pour information, je joins également la dernière Communication de l’ONU sur leur cas, avec la participation de six experts de l’ONU, y compris le Rapporteur spécial de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme .
Le rapport est donné en pièce jointe et en appoint de cet article et de cette lettre. Elle y ajoute que « Ces derniers temps, nous avons vu plusieurs des prisonniers de Gdeim Izik entamer des grèves de la faim ouvertes. Comme nous le savons tous, la grève de la faim est le dernier recours pour les prisonniers de conscience, qui vivent une vie de torture quotidienne alors qu’ils sont injustement privés de leur liberté ». Ce n’est pas tout. La lettre en question précise également qu’« Actuellement, deux des prisonniers de Gdeim Izik détenus dans la prison de Kenitra, Hassan Eddah et Hussein Ezzaoui, mènent une grève de la faim ouverte depuis le 1er avril.
Leur état de santé se détériore rapidement ; on pense qu’il est lié à l’état de santé déjà grave des prisonniers après près de 12 ans de négligence médicale et de conditions de vie inhumaines, ainsi qu’aux effets de la torture et aux cicatrices des grèves de la faim passées.
Hier et aujourd’hui (12 et 13 avril), le reste du groupe Gdeim Izik, détenu dans les prisons de Kenitra, Ait Melloul, Bouzairkarn et Tifelt, a également entamé une grève de la faim limitée à 48 heures pour soutenir les deux prisonniers et protester contre leurs conditions de vie inhumaines et leur maintien en détention arbitraire ». c’est donc en réponse à ce SOS éperdu « et sur leur invitation que nous préparons un voyage à Rabat, au Maroc, pour rencontrer les familles des prisonniers de Gdeim Izik du 7 au 10 mai 2022.
Comme vous le comprenez certainement, les familles, qui vivent à El Aaiun, sont difficiles à atteindre et leur déplacement à Rabat représente une excellente occasion d’obtenir des informations cruciales sur la situation des prisonniers. En tant que délégation, nous prévoyons également de rencontrer les ambassades à Rabat, et de les informer de la situation des prisonniers ». Inutile de préciser que cette mission casse-cou à Rabat consiste assurément à aller se jeter dans la gueule du loup. Mais, hélas, c’est la seule manière de remuer les consciences et de remettre le dossier de ces détenus d’opinion sur le devant de la scène médiatico-politique.
En tous cas, pas mal de militantes et militants américain, français, norvégien, suisse et autres sont arrivés petit à petit. Leur nombre et leur nationalité sont censés les protéger contre la sauvage répression des services de sécurité marocains. D’autant que cet important groupe international compte rendre visite, les lendemains lundi et mardi, à plusieurs importantes ambassades basées au Maroc afin de les saisir officiellement de l’enfer que vit le peuple sahraoui, et de l’inacceptable illégalité des condamnations qui ont arbitrairement frappé les célèbres détenus de Gdeim Izik.
Le plus emblématique d’entre eux, Naâma Asfari, époux de Claude Mangin, se distingue pour avoir réussi à faire condamner le Maroc pour torture au niveau du Comité contre la torture de l’ONU à Genève, et qui a été condamné à une lourde peine comme tous les membres de ce groupe de militants pacifistes, à savoir une trentaine d’années, alors qu’il était déjà entre les mains des tortionnaires de Abdellatif Hammouchi 24 heures avant le déclenchement de ces tragiques évènements.
Pour rappel, au mois d’octobre 2010, des dizaines de milliers de Sahraouis, ont décidé de quitter El Ayoun, capitale du Sahara Occidental, pour installer des Campements de fortune pacifiques, à Gdeim Izik, situé à une douzaine de kilomètres de cette ville occupée.
L’objectif recherché à travers cet acte collectif et spectaculaire était d’attirer pacifiquement l’attention de l’opinion internationale sur l’occupation illégale et criminelle de leur pays, doublée du pillage éhonté de leurs inestimables richesses naturelles, qui composent présentement l’essentiel de l’inestimable richesse du roi prédateur Mohamed VI. La violente riposte du Makhzen a consisté à démanteler par la force les tentes des protestataires. 36 Sahraouis y ont trouvé la mort, en sus de 163 prisonniers, condamnés arbitrairement par la suite à de très lourdes peines . Les forces de répression marocaines avancent onze décès parmi leurs supplétifs sans qu’aucune enquête n’ait été diligentée.
Le fait d’installer une tente, même sur son toit, ou bien à la plage, est désormais interdit par les forces d’occupation marocaines. Il va sans dire que ces courageuses familles s’attendent à de terribles représailles après la tenue de cette conférence virtuelle et le départ du dernier activiste étranger présent à Rabat pour la circonstance. Mais, unanimement, ces familles se disent prêtes à tous les sacrifices pour faire entendre leur voix, et revenir occuper les devants de la scène médiatico-politique. Leur patience a des limites. Mais, hélas, pas leurs sacrifices…
M.A.