France : Les services de renseignement redoutent des manifestations généralisées
Finalement, ce n’est pas l’Algérie qui risque « l’effondrement » comme prédit par l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, qui dans une tribune parue dans le quotidien français Le Figaro avait brandit le spectre « d’un proche avenir catastrophique pour l’Algérie et pour la France qu’elle entraînera dans le sillage de son effondrement».
Dans une note du renseignement territorial (français) du 6 janvier, que BFMTV a pu consulter, les policiers font part de leurs préoccupations.
L’addition des revendications actuelles leur fait craindre en effet, «la colère du corps social, qui pourrait se mobiliser largement dans le prolongement des annonces du gouvernement.»
Une accumulation de griefs qui est détaillée dans cette note. «La hausse des prix de l’énergie pénalise de nombreuses activités, dont la rentabilité est aujourd’hui menacée», écrivent les policiers, estimant que «l’année 2023 s’annonce difficile, avec de fortes revendications salariales dans le public comme dans le privé.»
«Si la population ne se mobilise pas en nombre pour l’instant, la poursuite de la dégradation du pouvoir d’achat, couplée à des réformes mal perçues, pourrait conduire à une nouvelle mobilisation citoyenne d’ampleur», prévient le renseignement.
Dans un premier temps, cette note indique que des grèves de longue durée sont à prévoir en plus des très probables manifestations qui devraient être annoncées dès la fin du discours de la Première ministre.
«Au-delà des traditionnels cortèges de voie publique, le mouvement pourrait se traduire par des grèves de longue durée dans plusieurs secteurs clés de l’économie (…) à l’image des actions engagées par la CGT à l’automne dernier dans les raffineries», lit-on.
En outre, la situation des «petits artisans», dont celle des boulangers qui est évoquée depuis plusieurs jours en haut-lieu en raison de l’explosion de leurs factures d’électricité, est également mise en exergue.
«Le désarroi de nombreux professionnels, particulièrement les petits artisans de l’alimentaire, est désormais palpable. (…) Des initiatives de corporations, pourtant peu habituées à se mobiliser et agissant sous forme de collectifs, voient désormais le jour, avec par exemple une manifestation des artisans boulangers prévue à Paris le 23 janvier.»
A l’antenne de BFMTV la semaine passée, Corinne Butard, gérante de trois boulangeries, avait confirmé qu’elle allait défiler ce jour-là alors qu’elle-même n’avait jamais manifesté de sa vie.
Dans la suite du document, le renseignement territorial se montre également préoccupé par des mouvements qui pourraient se retrouver hors cadre syndicat, comme ce fut le cas fin 2022 lors des grèves dans les raffineries, dont certaines ont eu lieu contre l’avis des intersyndicales.
«Plusieurs mouvements ont été initiés par des collectifs de travailleurs, en dehors de tout cadre syndical. Ce mode de défense des intérêts professionnels semble de plus en plus plébiscité par les salariés, au détriment des traditionnelles actions engagées par les syndicats», précise-t-on.
Ces modes de mobilisations, «moins structurés, suscitent une certaine inquiétude tant dans les entreprises que dans le monde syndical,» et induisent «des modes d’actions nécessairement disruptifs et imprévisibles», avec «parfois des actions planifiées en quelques heures à l’aide des réseaux sociaux».
En conséquence, les policiers pensent que ces modes d’action pourraient entraîner «une certaine surenchère revendicative» des syndicats, de crainte d’être «dépassés par leur base».
En dernier lieu, la note du renseignement rappelle que la hausse des prix de l’énergie, revendication initiale des Gilets jaunes, et l’inflation, «semblent remotiver [ces derniers] et les opposants au pass sanitaire, qui entendent multiplier les actions de visibilité.»
Ces derniers mois, leurs rassemblements n’ont pas eu grand succès, mais «l’échec de mobilisations significatives des Gilets jaunes ne doit pas occulter la montée d’une grogne au sein des territoires, liée à une dégradation du pouvoir d’achat.»
Pour rappel, samedi dernier, quelque 4700 personnes se sont mobilisées en France à leur appel, dont 2000 à Paris, pour dénoncer la politique d’Emmanuel Macron et la future réforme des retraites.