France : pourquoi un Observatoire Sahel ?
« Le Ministère des Armées veut se doter d’un Observatoire Sahel », titre Ouest France, un blog dédié à la défense, dans sa rubrique Lignes de Défense.
L’information serait peut-être passée inaperçue n’était-ce la conjugaison de deux paramètres : le ministère des Armées et les très gros intérêts de la France dans la région sahélienne et, par extension, en Afrique du Nord.
Un Observatoire commandé et géré par ce ministère (des armées) signifie ni plus ni moins qu’un énième service d’espionnage spécialisé G5 Sahel et pays limitrophes, notamment l’Algérie, la Libye et le Maroc car devant fournir ‘des analyses régulières sur l’évolution de la zone sahélienne (pays G5 Sahel) et sur les pays situés aux marches de cette zone (Bénin, Togo, Cote d’Ivoire, d’un côté et Algérie, Maroc, Libye, de l’autre)’.
Quelles sont les missions de cet « Observatoire » ?
Selon le Blog, le ministère français des Armées a lancé le 22 avril courant un appel d’offres qui définit les questions à aborder par l’observatoire et qui ont trait à :
- La définition des évolutions structurelles à l’œuvre dans les domaines politique, démographique, climatique, économique, identitaire, religieux et judiciaire.
- La mise en avant des interactions entre ces différents enjeux, à un horizon de moyen terme (5-10 ans).
- La recherche et la définition des facteurs qui pourraient accélérer ou altérer les tendances actuellement observées.
Ce ne sont là, ni plus ni moins, que les attributions d’un service de barbouzes sous une autre appellation, qui collecterait pour des raisons autres que celles annoncées, tout ce qui a trait à ces pays.
Sinon, quel est l’intérêt de la création d’un pareil Observatoire, par le ministère des Armées, avec toutes les dépenses qui devront s’y attacher ? Ensuite, pourquoi la France irait-elle analyser les évolutions dans ces domaines de la vie interne de ces pays, si ce n’était pas pour protéger ses propres intérêts ?
La réponse à ces questionnements se trouve dans le paragraphe suivant, rédigé par l’auteur du Blog, et qui explique l’objectif à atteindre par cet Observatoire :
« Cet Observatoire Sahel a pour objectif de fournir une analyse globale articulant les enjeux multiples (politiques, démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, identitaires, religieux, judiciaires) à l’œuvre dans la région, sur l’ensemble de la zone – pays du G5 et pays frontaliers, notamment les pays côtiers du Golfe de Guinée (frange Sud) mais aussi l’Algérie, le Maroc et la Libye (frange Nord) ».
L’observatoire Sahel fournira donc des analyses qui serviront de base à la définition de la politique extérieure de la France vis-à-vis de ces pays, au vu de l’évolution de leurs situations internes respectives, de sorte, bien entendu à protéger les intérêts français grâce à des scénarii prospectifs pour les 10 prochaines années.
Et pour compléter le tableau, les travaux de l’Observatoire Sahel devraient permettre, toujours selon ses concepteurs, de mieux comprendre les développements politiques et sécuritaires de la région pour se préparer à y faire face, de mieux identifier les types de menaces (contre qui ?), d’évaluer les risques de débordement vers les autres pays frontaliers (en matière de changement de comportement envers la France ?).
Ces travaux devraient permettre aussi de faire un bilan des dialogues menés avec les groupes armés terroristes en termes de dialogues communautaires et religieux ainsi que les dialogues menés avec les leaders politiques, religieux et de la société civile.
Ainsi, après les récents chamboulements intervenus dans les zones d’influence de la France dans la région du Maghreb et celle du Sahel – conflit libyen en voie de règlement et le grand ami de la France Idriss Déby Itno qui allait tourner casaque et qui a été éliminé de justesse- les stratèges de l’hexagone ne voudraient peut-être plus faire face à de nouvelles surprises et se préparent pour y faire face.
Il y a encore beaucoup d’intérêts suprêmes à garantir dans cette région de l’Afrique dont la plupart des pays étaient d’anciennes colonies et que la France ne voudraient perdre pour rien au monde.
Tahar Mansour