En Françafrique, les coups d’Etat se suivent mais ne se ressemblent pas toujours ! Depuis 2020, il y a eu un coup d’Etat au Mali, ensuite au Burkina Faso, puis au Niger et, il y a deux jours, au Gabon. Ces quatre pays sont d’anciennes colonies françaises que la France gardait sous son giron et profitaient de leurs richesses sans vergogne. Ces dernières années, il y a eu un réveil nationaliste et les militaires des trois premiers pays ont déposé les régimes mis en place par l’Elysée, s’attirant les foudres de la France et de l’ensemble de sa classe politique, soutenue même par l’UE, communauté oblige.
Menaces d’intervention militaire au Niger
Le Niger, dernier à s’être affranchi (pas encore vraiment) de la tutelle paternaliste française, fait l’objet de grandes manœuvres d’intimidation depuis le coup d’Etat du 26 juillet dernier, aussi bien de la part de la France dont il vient de chasser l’ambassadeur qui refusait de quitter le pays, que de la part de la CEDEAO qui a mis en état d’alerte ses forces de dissuasion.
Il a fallu le poids diplomatique et l’aura de l’Algérie pour éviter une escalade militaire qui aurait plongé le pays dans le chaos et qui aurait eu des conséquences désastreuses sur l’ensemble de la région, l’Algérie ayant aussi refusé le survol de son territoire par l’aviation militaire française qui devait attaquer le Niger. En outre, les officiels et les médias parlent toujours de ‘junte au pouvoir’ quand il s’agit des putschistes au Niger.
Tentatives de déstabilisation du Mali et du Burkina Faso
Depuis les coups d’Etat des militaires au Mali et au Burkina Faso, ces deux pays font face à une montée des attaques terroristes et de terribles tentatives de déstabilisation utilisant les moyens les plus divers et les plus sophistiqués. On se souvient des mesures de rétorsion prises par la CEDEAO contre le Mali, qui ont failli l’emporter, sa situation déjà précarisé par des décennies de pillages de ses ressources naturelles et d’appauvrissement de sa population.
Le coup d’Etat au Gabon : Normal, estime-t-on !
C’est Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, qui donne le ton : « naturellement, les coups d’Etat militaires ne sont pas une solution, mais nous ne devons pas oublier qu’au Gabon, des élections entachées d’irrégularités ont eu lieu, un vote truqué pouvant être assimilé déjà à un ‘coup d’Etat Institutionnel Civil’ », a-t-il affirmé jeudi. Il avait noté auparavant que le coup d’Etat militaire au Gabon ne pouvait être comparé à ‘’la crise au Niger’’. Josep Borrell a fait ces déclarations jeudi, juste avant une réunion des ministres des affaires étrangères de l’UE où devait être discutée la manière d’aider la CEDEAO à gérer le coup d’Etat au … Niger !
Elections tronquées, dites-vous ?
Alors que la France n’en parle qu’à demi-mots, Josep Borrell annonce carrément que ce sont des élections entachées d’irrégularités, au moment où il fallait attendre au moins les résultats du recomptage et ceux d’une enquête indépendante pour être si catégorique. Ainsi, le jugement est déjà fait et l’excuse –ou la justification- du coup d’Etat est déjà là ! Les militaires, en garant de la stabilité et de la sécurité du pays sont intervenus pour mettre le holà à une situation conflictuelle qui menace de dégénérer.
Ali Bongo n’est plus l’homme qu’il faut pour les intérêts de la France
Là, la parenthèse doit être ouverte : que l’élection soit tronquée, l’occident n’en a cure, c’est surtout celui qui va être élu qui importe car il doit être acquis complètement à l’ancienne puissance occupante. Si on laisse les choses avancer sans intervenir, c’est Ali Bongo qui va être réélu, mais Ali Bongo a déjà démontré sa volonté de se tourner vers la Chine et d’autres pays, notamment ceux du Commonwealth auquel il a adhéré il y a un peu plus d’une année, le 22 juin 2022.
De plus, la présence et l’influence de la France ne sont plus ce qu’elles étaient du temps d’Omar Bongo, le père d’Ali Bongo qui a dirigé le pays de 1967 jusqu’à 2009, date de son décès. Il était très attaché à la France et le Gabon était alors considéré comme le cœur de la Françafrique. « Les relations entre les deux diplomaties ont évolué avec le temps. Sous l’ère Omar Bongo, les contacts étaient extrêmement chaleureux et rapprochés. Aujourd’hui, les deux pays sont toujours proches, mais sans plus. La France y a largement perdu son influence, estiment des spécialistes et chercheurs français en géopolitique. Ils trouvent aussi que, depuis l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir, les deux capitales (Paris et Libreville) ne sont plus aussi proches qu’auparavant, même si elles ne sont pas encore arrivées à une séparation.
S.O.S. d’Ali Bongo : en anglais plutôt qu’en français
C’est une question que se sont posée de nombreux observateurs et médias, tant de l’hexagone que d’autres pays : pourquoi Ali Bongo, au lendemain de sa destitution par l’armée, a-t-il lancé son SOS en anglais plutôt qu’en français, une langue qu’il utilise pourtant quotidiennement ! Cela laisse supposer qu’il s’adresse à des amis anglophone qu’il appelle à faire du bruit –et non à intervenir- pour le rétablir dans son poste, lui qui, rappelons-le, a intégré le Commonwealth en 2022. Et cela voudrait dire aussi qu’il sait très bien d’où vient le coup, de la France qui a préféré devancer les évènements plutôt que de les subir, c’est en tous cas ce que laissent supposer plusieurs déclarations et analyses faites par des personnalités politiques très au fait de la question.
L’opposition indésirable
Le rival le plus populaire d’Ali Bongo aux présidentielles est Albert Ondo Ossa, un ancien ministre, professeur d’université qui est ‘très près du peuple’, est-il rapporté dans nombre d’écrits le concernant. ‘Lorsqu’il était ministre, il était toujours abordable par ses voisins et amis et sa porte toujours ouverte’, peut-on lire. Il a d’ailleurs été pressenti comme candidat de l’opposition, représentant la plateforme ‘Alternance2023’, à peine une semaine avant le début de la campagne électorale et il a réussi à constituer un sérieux concurrent au président sortant, Ali Bongo, et qu’il faut donc coute que coute écarter.
Une révolution de palais, pas un coup d’Etat
« Ce n’est pas un coup d’Etat, c’est une révolution de palais. Oligui Nguema est le cousin d’Ali Bongo, derrière lui, il y a Pascaline Bongo, donc les Bongo ont trouvé le moyen de contourner, c’est l’imposture perpétuelle. Les Bongo ne perdent rien, ils se remettent en selle pour renouveler le système à travers Oligui Nguema », a affirmé Albert Ondo Ossa lors d’un entretien accordé à rfi. Ainsi, même l’opposition sait que ce n’est pas un coup d’Etat militaire mais juste une manœuvre pour éviter la perte du pouvoir par le biais d’élections ou une guerre civile qui serait préjudiciable à tout le monde.
Le nouvel homme fort du Gabon
Brice Clotaire Oligui Nguema est originaire de la même région qu’Omar Bongo et sa mère est une cousine de ce dernier. Formé au sein de l’académie royale militaire de Meknès (Maroc) et devient aide de camp du président Omar Bongo. Après l’élection d’Ali Bongo en 2009, il est nommé attaché militaire à l’ambassade du Gabon au Maroc puis au Sénégal, nomination qu’il qualifie d’exil.
En 2019, il rentre au Gabon et est nommé directeur de la DGSS (service de renseignement) dépendant de la Garde Républicaine et, en 2020, il prend le commandement de la Garde républicaine.
Après le coup d’Etat du 30 aout 2023, il est désigné président de la transition et devrait prêter serment ce lundi 4 septembre 2023.
Réactions internationales plutôt tièdes
Contrairement aux précédents coups d’Etat militaires au Mali, au Burkina Faso et il y a un peu plus d’un mois au Niger, les réactions internationales ont été plutôt tièdes pour ce qui est du Congo, ce qui conforte l’idée d’une révolution de palais destinée beaucoup plus à éviter un changement radical du système prévalent au Gabon qu’à évincer le clan Bongo qui constitue un allié irremplaçable pour la France.
T.M