Humeur/ Entre songes et mensonges
Oserais-je, ma foi, faire un aveu qui m’en coûte ? Je guette scrupuleusement, et avec impatience, les sorties médiatisais de Omar Hilal.
Comment je n’ai pas souvent l’occasion de décompresser, j’assimile cet hurluberlu à une sorte d’amuseur publique. Un véritable saltimbanque des temps modernes. Ne lui manque que l’accoutrement qui devrait accompagner ses tours, qui méritent rires aux éclats, et fortes acclamations.
Pourquoi ? Car, au fil des années et de ses sketchs, j’ai fini par acquérir la ferme conviction qu’il ne le fait pas exprès. Ses limites artistiques ou diplomatiques ne vont pas au-delà.
A moins qu’il n’abuse de cannabis dont les dirigeants marocains civils et militaires font outrageusement commerce. M’est avis que les places doivent se négocier très cher à chaque fois que le Omar Hilal doit donner un spectacle. Son théâtre de prédilection, ce sont les travées de l’ONU, où il fait office d’ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès des Nations-Unies.
C’est, par exemple, lui qui a brandi un portrait grossièrement « photoshopé » de Soltana Kheya, brandissant Un Kalach et s’entrainant avec ses frères d’armes du Polisario. L’égérie de la cause sahraouie n’a jamais participé à la lutte armée de l’APLS, quand bien même elle en partage le principe et la légitimité. Pourquoi mentir et se couvrir de ridicule dans ce cas, alors qu’une simple demande polie aurait suffi.
C’est aussi lui qui a fait circuler une motion de soutien au MAK, mouvement terroriste et séparatiste que la Kabylie patriote et rebelle abhorre par-dessus tout. Son drôle de parallèle avec le Polisario, qui me prouve en effet que ses joints sont mortellement dosés et calibrés. Le Polisario est le représentant unique et légitime du peuple sahraoui. L’ONU et les justices européenne et africaine en conviennent.
Si le Maroc prétend défendre le contraire, qu’il cesse alors d’entraver le processus légal d’organisation d’un référendum d’autodétermination. Sa dernière trouvaille, pour retarder cette échéance inéluctable et perpétue cette politique de fait accompli est qu’il « conditionne à nouveau la poursuite du processus politique au Sahara occidental par la présence de l’Algérie ».
À l’en croire, en effet, « ce différend sera réglé lorsque l’Algérie reprendra sa place à la table ronde, conformément à la résolution 2654, et ce dans le plein respect de l’intégrité territoriale du Royaume », a exigé Omar Hilale lors du séminaire annuel du Comité onusien des 24 (C24), tenu à Bali, en Indonésie.
Dur de ne pas pouffer de rire devant de pareilles sornettes. Rabat impose son plan d’autonomie et son « intégrité territoriale » comme préalable à toute reprise de dialogue. Celui-ci prend dès lors fin avant même d’avoir commencé.
La formule des tables rondes, initiée par Horst Köhler, prédécesseur de Staffan de Mistura au poste d’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental est jugée stérile et contre-productive.
Elle sert avant tout à gagner du temps, pendant que le pillage des ressources naturelles de ces territoires à décoloniser poursuit son cours depuis la marche verte de 1975. Omar Hilal, qui joue à l’idiot de service, feint d’ignorer que les choses sont d’une clarté absolue.
Pour le Polisario, il n’est plus question de cessez-le feu depuis que Rabat a violé unilatéralement celui de 1991.
Dorénavant, tout éventuel dialogue doit achopper obligatoirement sur la définition d’un agenda clair et précis concernant les modalités pratiques de tenue d’un référendum d’autodétermination.
Omar Hilal, bien sûr, peut être admis à donner ses spectacles durant les entractes liés à ces négociations. Cela lui donnerait l’illusion qu’il sert encore à quelque chose. Avec ou sans nez rouge…
Mohamed Abdoun