Inégalités sociales au Maroc : Toujours de mal en pis…
Les inégalités sociales se sont aggravées au Maroc durant la dernière décennie notamment pendant la pandémie de la Covid-19, réduisant en peau de chagrin la confiance des Marocains. Ces derniers protestent de plus en plus contre ces inégalités qui “pèsent significativement sur la cohésion sociale, comme le montrent les “mouvements sociaux observés” ces dernières années.
En effet, au Maroc, des millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté alors que d’immenses richesses sont concentrées dans les mains de quelques minorités. Un constat appuyé par le dernier rapport Oxfam sur les inégalités dans le monde et qui affirme que «le Maroc est le pays le plus inégalitaire du Nord de l’Afrique et parmi la moitié des pays les plus inégalitaires de la planète».
Selon certaines sources médiatiques, en 2018, trois milliardaires marocains détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. L’augmentation de leur fortune en un an représente autant que la consommation de 375.000 Marocains parmi les plus pauvres sur la même période. Il est possible que ces chiffres aient connu un changement avec la crise Covid, mais une chose est sûre, c’est qu’ils n’en ont pas changé en faveur des démunis.
Un constat soulevé également par le SG du parti de l’Istiqlal, qui a déclaré, que les catégories sociales ayant le plus bénéficié des années de croissance «sont les plus aisées», pendant que les classes moyennes et les plus démunies ont vu leur situation se dégrader, «avec un ralentissement du rythme de progression de leurs revenus et une baisse très nette de leur pouvoir d’achat, dont la conséquence directe est la baisse de la consommation des ménages».
D’après la presse marocaine, le Maroc compte, selon les statistiques officielles, près de 2 millions de personne vivant dans des bidonvilles, soit plus de 420.000 familles, ce qui représente 5.6% des ménages marocains.
– Ces bidonvilles sont concentrés majoritairement dans les régions de Casablanca (42%) et de Rabat (22%). L’Arrondissement réputé huppé d’Anfa à Casablanca abrite le plus grand nombre de bidonvilles dans le pays, regroupant 36 bidonvilles abritant plus de 5600ménages.
– La problématique des bidonvilles au Maroc est intimement liée aux inégalités qui existent entre les citoyens de ce pays, qui affiche le taux le plus fort d’inégalité en Afrique du nord, dont les répercussions préjudiciables peuvent s’analyser à travers les indicateurs suivants :
· Baisse du niveau de scolarisation, avec un système éducatif largement défaillant ;
· Un taux d’analphabétisation estimé à près de 30% de la population, et qui touche plus de 8 millions de personne âgées de 10 ans et plus ;
· Détérioration du marché du travail, avec un chômage élevé des jeunes (42% des 15-24 ans) et la part prépondérante de l’informel et de l’emploi précaire (80% des emplois sont précaires);
· Dégradation du système de santé, dans lequel le Maroc consacre peu de moyens, contraignant ses citoyens à payer cher leurs dépenses de santé.
– Pour illustrer ces inégalités, le rapport de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), largement relayé par la presse marocaine, a évoqué les dépenses publiques destinées au cycle de l’enseignement secondaire et supérieur qui profitent davantage aux couches sociales aisées, soulignant que « 29% des personnes scolarisées dans ce cycle appartiennent aux 20% des ménages les plus aisés contre 10% pour les 20% les moins aisés».
Autre facteur handicap : l’accès aux soins de santé. Selon les statistiques officielles, le taux de mortalité infantile s’établit à 33,9 pour 1000 naissances vivantes pour les enfants issus des ménages pauvres contre seulement 18,7 pour 1000 naissances vivantes issues de ménages aisés.
Troisième facteur qui intervient en aval des deux premiers est l’accès à l’emploi. Les premières cibles de ces inégalités sont les femmes. Selon les chiffres du Haut-Commissariat au Plan, les femmes restent plus touchées par le chômage que les hommes, avec des taux de chômage respectifs de 15,6%, contre 11,1% au T2-2019 et de 11,3% (contre 7,2%).
– En réalité, les chiffres communiqués officiellement sont loin de refléter la situation dramatique que les autorités officielles prennent le soin de dissimuler comme ils le font d’ailleurs pour plusieurs aspects de la vie socio-économique, voire politique.
– En tout état de cause, depuis les attentats-suicides de 2003 à Casablanca perpétrés par des jeunes issus des bidonvilles, ces quartiers sont devenus, aux yeux des autorités marocaines, une menace, voire une bombe sociale à retardement et les espaces qui les abritent passent pour être des «territoires à éradiquer absolument».
– Le plan «villes sans bidonvilles», lancé par le roi Mohamed VI en 2004, est intervenu au lendemain de ces attentats. A cette date, le pays recensait 270.000 familles concernées par le relogement, mais ce nombre est paradoxalement passé à 453.906 familles à fin 2020, répartis dans 85 villes marocaines.
– Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis, n’ont pas pu venir à bout de ce fléau, sachant que l’objectif initial était d’éradiquer totalement les bidonvilles à l’horizon 2010.
– Malgré le nombre considérable de projets lancés plus tard par le Maroc, et en dépit du soutien apporté par l’ONU-Habitat au Maroc, l’éradication des bidonvilles n’a pas pu avoir lieu. La démultiplication du nombre des familles concernées et le manque de ressources publiques pour financer des projets de logements sociaux, sont autant de facteurs qui contribuent à l’aggravation de la situation.
– Il est à signaler également que la constitution marocaine ne prévoit pas de droit particulier au logement, si ce n’est une simple référence à l’égal accès des citoyens au logement. Les autorités, incapable d’éradiquer ce fléau, sont alors contraintes de faire preuve de complaisance en évitant d’évacuer ces populations concernées, qui refusent de quitter les lieux.
– Enfin l’ampleur de ce fléau et sa persistance risquent d’engendrer des foyers de tensions sociales, que les autorités marocaines auront du mal à contenir, tant elles sont confrontées à de multiples autres revendications d’ordre socio-économique, auxquelles s’ajoutent les effets multiformes de la pandémie de Coronavirus.
R.N.