La galère de deux amis avec Algérie Poste
Ils sont deux amis, récemment retraités, qui perçoivent leurs retraites le 15 de chaque mois, puisque le dernier chiffre de leur CCP est 0 pour les deux, ce qui les rattache un peu plus. Ils se sont réveillés ce jeudi 15 avril 2021, troisième jour du Ramadhan, plus tôt que d’habitude, et se sont dirigés vers le bureau de poste habituel pour retirer leur dû.
Des échos leur étaient parvenus concernant une grève entamée la veille du Ramadhan par les fonctionnaires d’Algérie Poste mais ils n’y ont pas fait beaucoup attention. Une grève la veille ou le premier jour du Ramadhan, c’était peu probable dans leur esprit imbus des valeurs de l’Islam et de la sacralité du mois de Ramadhan : « ce sont quand même des musulmans et ils savent qu’ils vont beaucoup nous nuire en faisant grève », se sont-ils dit.
Avant d’arriver à la poste, ils ont rencontré d’autres retraités qui revenaient l’air abattu et la mine défaite. Ils questionnèrent l’un deux qui confirma la grève et la non-perception de sa maigre retraite. Une douche glacée enveloppa leurs épaules déjà meurtries par des dizaines d’années de dur labeur et ils s’arrêtèrent sur place, entamant un conciliabule pour savoir comment faire.
« Et si on louait les services d’un taxi clandestin, c’est un ami qui ne prendra pas beaucoup et nous cotiserons à nous deux », proposa l’un d’eux. Comme tous les deux possédaient des cartes Eddahabia, ils décidèrent de tenter leurs chances aussi bien auprès de bureaux de poste qui n’auraient pas suivi le mot d’ordre de grève qu’auprès des banques qui possèdent des GAB.
Et commence la Galère ! L’autre bureau de poste de la ville, ceux des localités voisines, à 5 km, puis à 7 km et encore 7 km, rien, tout est en grève, le personnel et les bâtisses.
Ils se rabattirent sur les GAB des banques mais là encore, ils sont tous en panne ou non mis en marche. Ne pouvant pas faire marche arrière, nos deux compères se rendirent dans un autre village à une vingtaine de kilomètres de chez eux. De loin, ils virent le clignotement du GAB comme s’il leur faisait des clins d’œil pour les inviter à y aller, en plus il n’y avait personne qui attendait.
Un profond soupir de soulagement gonfla leurs poitrines et ils s’éjectèrent littéralement de la voiture pour éviter d’être devancés, mais il y avait déjà quelqu’un qui avait introduit sa carte mais qui lui a été rejetée : PAS D’ARGENT dans le GAB !!!
Un coup d’œil vers le bureau de poste leur permit de constater qu’il était ouvert et qu’il y avait des agents derrière les guichets et presque personne pour retirer de l’argent. L’espoir renait mais il est vite réfréné par la raison et la dure réalité : « nous ne faisons pas grève mais il n y a PAS D’ARGENT », répondit une préposée.
Le clandestin commença à s’impatienter, se demandant sans doute à combien il allait faire monter la facture et tout le monde se mit d’accord pour se rendre dans une autre ville, à quelques 7 km de là, pour tenter la dernière chance. Ils ne prirent même pas la peine de se diriger vers le bureau de poste et entamèrent une recherche systématique des banques.
Au niveau de la première, c’est un quidam qui était assis à même le sol qui leur annonça que les gens ont retiré de l’argent depuis la matinée mais, actuellement « l’appareil avale les cartes qui sont placées dans la fente ». Plusieurs autres banques furent visitées mais il n’y avait PAS D’ARGENT.
Soudain, ils se retrouvèrent devant une banque qui avait installé deux GAB juste à l’entrée, l’un dédié à la clientèle de la banque et l’autre aux… autres !!! Un client de la banque retira la somme qu’il voulait à partir du GAB qui leur était réservé et nos deux amis, ne se contenant plus de joie, se dirigèrent vers l’autre qui était quand même en marche. Introduction de la carte et rejet : PAS D’ARGENT !
C’est le grand désespoir et ils se mirent à penser à la manière de payer le taxi clandestin dont la mine s’était renfrognée. Soudain, l’agent de sécurité de la banque leur dit, presque en catimini, que, juste à côté, à l’entrée d’un centre commercial, il y avait un distributeur de billets mobile, appartenant à une banque privée étrangère (Arabe).
Leurs jambes faillirent se dérober sous eux et ils pénétrèrent dans l’enceinte commerciale. Effectivement, il y avait un DAB et ô bonheur et surprise, il était en marché et il n’y avait que deux personnes, un vieillard et une jeune fille, qui retiraient de l’argent. Leurs visages reprirent un semblant de couleur et ils attendirent sagement, une appréhension diffuse les habitant quand même. Cinq minutes plus tard, leurs visages sont devenus radieux, leurs dos s’étaient remis droit, leurs yeux pétillaient et l’assurance de quelqu’un qui existe reprit son droit dans leur comportement.
Dès qu’ils furent dans la voiture, ils réglèrent le taxieur clandestin et lui laissèrent même un petit pourboire.
Cette histoire est bien réelle malheureusement, elle s’est déroulée ce jeudi 3 Ramadhan 1442.
Questions à 10000 DA dans un CCP : Pourquoi la quasi-totalité des banques n’ont pas mis en marche leurs GAB pour réduire dans une large mesure le malheur des clients d’Algérie Poste ? Et cette banque qui pratique l’apartheid financier, deux GAB côte-à-côte, l’un contenant de l’argent et l’autre non, les clients d’Algérie Poste ne sont-ils pas des algériens aussi ? Déjà qu’ils sont pris en otage par des fonctionnaires qui réclament leurs droits, certes, mais en lésant les autres, pourquoi ne pas essayer de les aider ?
La dernière question à ZERO DINAR : A quand la fin de cette gabegie ?
Tahar Mansour