La moralisation de la société
La moralisation de la politique et de l’économie étant au centre des préoccupations des plus hautes autorités du pays, il en résultera nécessairement un modèle économique original, adapté à la réalité du pays, et dont l’objet est une meilleure répartition des richesses pour plus de justice sociale. Ce sont là les fondements de l’Algérie nouvelle, du vivre ensemble.
Car les biens communs ne doivent pas servir des intérêts particuliers mais le bien collectif. Cependant la moralisation ne saurait se limiter uniquement au politique et à l’économique. Le social doit également être de la partie. En d’autres termes, il s’agira également de moraliser la société civile, car la citoyenneté n’implique pas seulement des droits mais aussi (surtout, devrions-nous dire) des devoirs.
Par exemple la création de l’allocation chômage pour les personnes sans emplois est à saluer, toutefois il ne faudrait pas que ceux-ci se complaisent dans l’assistanat. C’est pourquoi cette allocation devrait être assortie de conditions : soit une formation au choix mais obligatoire (au bout d’un certain d’inactivité ?) ou des “travaux d’utilité publique” dans d’autres wilayas afin de faire voyager nos jeunes et qu’ils découvrent d’autres régions du pays.
Quant aux immondices jonchant les trottoirs des villes, les plages et les forêts, ce spectacle consternant renvoie l’image d’un peuple malpropre et peu éduqué. Il serait grand temps que notre pays, qui se projette puissance de premier plan, lance une campagne massive de sensibilisation sur cette tare de la société et que nos autorités envisagent peut-être de verbaliser lourdement les contrevenants, comme cela se fait dans les pays avancés.
En effet, ce comportement, très peu islamique pour une nation se disant musulmane (nadhafa min el iman), nuit à la liberté d’autrui, cet autre, ce voisin, ce passant qui souhaite vivre et évoluer dans un environnement propre ; cela aussi est un droit, son droit. Sans doute aussi devrait-on porter toute la considération à ces travailleurs de la propreté, dont le métier doit être tenu en haute estime.
Et cette culture civique doit être inculquée dès le plus jeune âge. Car outre les nuisances à la salubrité publique, ces agissements peuvent avoir des conséquences dramatiques. Les incendies qui ont provoqué de véritables désastres écologiques et endeuillé plusieurs familles ont été causés, pour partie, par des bouteilles d’alcool laissées dans des endroits boiseux.
Le marché noir, notamment de devises, constitue également un autre facteur de risque pour la nation, car comment pourrait-on connaître l’emploi de ces énormes sommes échappant à tout contrôle ? Qu’est-ce qui nous garantirait, par exemple, que celles-ci n’alimentent pas au bout du compte des réseaux mafieux ou encore terroristes ?
En ce qui concerne les administrations, un grand nombre de citoyens se plaint de pratiques se traduisant par des passe-droit et de la corruption. Il en va ainsi de la justice, où des dossiers (ruineux pour le justiciable) traînent sciemment des années car des avocats, pis encore, des juges ont été soudoyés.
L’autre pierre d’achoppement dans certains services publics est peut-être le problème de vocation (ou de gratitude). Sinon comment expliquer que des médecins refusent d’exercer leur “service obligatoire” dans le sud ? Nos citoyens dans ces régions n’ont-ils pas droit aux soins au même titre que ceux des grandes villes du nord ? Ici également, certains essaient de se soustraire à leurs devoirs (on mettra là de côté le serment d’Hyppocrate), alors que leurs études, parmi les plus coûteuses du cursus universitaire, ont été pris en charge entièrement par l’État. N’est-il pas dès lors naturel de “rembourser”, en quelque sorte, sa dette ? Et est-il moral de privilégier la recherche du profit immédiat en refusant d’exercer purement et simplement ce “service national” ? Veut-on donc tendre vers le système étasunien, où tout un pan de la société ne peut pas se soigner, où des patients sont jetés hors des hôpitaux car ils n’ont pas les moyens de s’y soigner ?
Notre intention n’est nullement d’incriminer ou faire le procès de toutes ces catégories sociales. Nous rejetons toute catégorisation et toute généralisation et nous connaissons des professionnels consciencieux et dévoués. Notre objectif est uniquement d’impliquer toutes nos élites, nos médias ou encore l’éducation nationale pour se pencher sur ces sujets épineux et d’engager des réflexions pour remédier à ces “dysfonctionnements” de la société .
Car ceux-ci peuvent être instrumentalisés pour mettre à bas notre modèle social, constituant l’exception algérienne et enviée, quoi qu’en dise, par beaucoup. En effet, lorsqu’on veut abattre son chien on dit qu’il a la rage. Ainsi, pour les services publiques, ou encore les entreprises publiques, on dit d’abord qu’elles sont inefficaces, budgétivores, que les salariés ont des privilèges, qu’ils sont paresseux, etc.
Et donc la solution serait de privatiser.
Et si de surcroît, il y a des grèves, des perturbations dans les services, c’est du pain béni, cela donne du grain à moudre à certains groupes de pression.
On a pu l’observer en France, par exemple, où les médias, détenus par des oligarques, ont lancé leur machine à propagande. Et force est de constater que cela marche sur l’opinion publique.
Le civisme est donc un chantier de grande ampleur et de longue haleine, mais également d’extrême importance au regard des implications sociétales qu’il induit.
Nul ne peut nier que notre pays a été généreusement nanti, mais cela ne nous autorise pas à nous comporter en enfants gâtés-pourris. Bien au contraire, il est de notre devoir le plus absolu de nous montrer dignes des libéralités dont Dieu nous a gratifiés. Et afin que celles-ci ne se métamorphosent pas en malédiction, la moralité doit être conjuguée à tous les niveaux de la société algérienne, du sommet des entreprises privées et des institutions étatiques au simple citoyen.