La relation US-Iran est à son point nodal: entre accord global ou limité
Le 4 mai 2025, le président Trump a déclaré lors d’une interview accordée à l’émission « Meet the Press » sur NBC qu’il n’accepterait un accord nucléaire avec l’Iran que s’il incluait le « démantèlement complet » du programme nucléaire de Téhéran. Cependant, une remarque plus controversée, reprise lors de la même interview, ne concernait pas le démantèlement total, mais plutôt sa vision : « C’est un accord très simple. Je veux que l’Iran réussisse véritablement. La seule chose qu’il ne peut pas avoir, c’est l’arme nucléaire… Je veux tellement qu’il réussisse… Je ne veux tout simplement pas qu’il ait l’arme nucléaire. »
Selon nombe d’observateurs, pour plusieurs pays du Moyen-Orient, les menaces perçues par l’Iran vont au-delà de ses capacités nucléaires. Il existe au moins deux autres préoccupations majeures : le programme de missiles balistiques de l’Iran et l’influence régionale de l’Iran par le biais de groupes armés mandataires (proxy), qui opèrent en Irak, au Liban, au Yémen et, dans une moindre mesure (depuis décembre 2024) en Syrie, favorisant la cooptation d’institutions souveraines. Entre 2013 et 2015, l’Iran a réussi à retarder les négociations en évitant les discussions ou les engagements liés à son programme de missiles balistiques. À l’approche de l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis, l’administration Obama a subi des pressions pour parvenir à un accord, malgré les défauts des termes de l’accord. Les dirigeants iraniens ont salué l’accord, qui n’a pas abordé les questions régionales clés (prolifération des missiles et activités par procuration) et a imposé des restrictions relativement clémentes au programme nucléaire iranien. Entre-temps, la plupart des sanctions ont été levées, ce qui a procuré à l’Iran d’importants revenus.
En termes d’analyse, depuis son retrait du Plan d’Action Global Commun (PAGC) en 2018, le président Trump a systématiquement qualifié cet accord de «mauvais». Durant sa campagne, il a promis d’en négocier un meilleur. Plus récemment, les déclarations du Président Trump et de son négociateur principal, l’envoyé spécial Steve Witkoff, ont jeté le doute sur les perspectives de succès d’un accord. Présentement, différents observateurs avertis, indiquent que les négociations en cours entre les États-Unis et l’Iran se concentrent principalement sur le programme nucléaire iranien. Si la prolifération des missiles et les réseaux interposés régionaux n’ont été que marginalement évoqués, l’Iran a réussi à diluer ces questions dans des négociations nucléaires plus larges. Plusieurs sources à Washington, D.C., confirment que la «ligne rouge» du Président Trump reste le démantèlement de l’infrastructure nucléaire iranienne, pour laquelle il semble prêt à offrir un allègement des sanctions et certaines incitations nucléaires civiles. Il n’y a pas de conditions explicites concernant le programme de missiles balistiques de l’Iran ou son réseau de mandataires armés. Les inquiétudes de l’entourage de Trump concernant son empressement à précipiter à un accord limité à l’aspect nucléaire sans être renforcé par les deux points clés. La plupart des groupes de réflexion craignent de plus en plus que l’Iran tente de reproduire le caractère évasif du JCPOA ou de bloquer les négociations, espérant que l’élan de Trump – tant au niveau international que national – diminuera avec le temps. Beaucoup attribuent ces attitudes à l’inexpérience diplomatique perçue de l’envoyé spécial et à l’incapacité de l’administration Trump II à comprendre pleinement que l’Iran est principalement motivé par des objectifs stratégiques à long terme plutôt que par des gains à court terme. A l’approche des mid-terms, les observateurs avertis craignent de plus en plus que le président Trump ne saisisse la moindre occasion de conclure un accord – quels que soient son contenu et ses failles –, ce qui risquerait de raviver l’instabilité régionale. Cette inquiétude est aggravée par des messages contradictoires et des déclarations en retrait (par exemple, les commentaires de Witkoff concernant les activités nucléaires de l’Iran), ainsi que par des divergences de vues au sein de l’administration américaine sur la manière d’aborder l’Iran. Ces turbulences rappellent l’expérience de 2015, lorsque l’Iran a exploité des ouvertures diplomatiques pour se livrer à des activités subversives et déstabiliser la région, tandis que le traité ne répondait pas au problème central qui est: la posture intrusive de l’Iran dans la région. Selon nombre d’observateurs, le contexte actuel offre la possibilité de mettre le curseur sur les capacités subversives de l’Iran, qui est sans doute à son point le plus faible depuis la Révolution islamique de 1979. Ce déclin est en grande partie dû aux récentes frappes militaires soutenues ciblant les infrastructures militaires iraniennes et au changement de régime en Syrie notamment.
En somme, la relation US-Iran est à son point nodal. L’avenir de la recomposition de la cartographie géostratégique régionale dépendra du fait que l’accord soit global ou limité uniquement à la question nucléaire.
12.5.2025 / Dr. Arslan Chikhaoui, Expert en Relations internationales et membre du Comité d’Experts « Track-II » du système des Nations Unies (UNSCR-1540)