L’Arabie Saoudite et la Révolution algérienne
1955 : le prince Fayçal demande l’inscription de la question algérienne aux débats de l’ONU
Cette vérité est si peu connue des Algériens : l’Arabie saoudite fut le premier pays à avoir introduit une demande officielle d’inscrire la question algérienne à la 10e Assemblée générale des Nations unies, prévue le 11 septembre 1955. La demande a été faite par le prince héritier Fayçal Ben Abdulaziz, le 1er mai 1955. Chose qui fut faite, enclenchant ainsi un long et laborieux combat diplomatiques menée par les dirigeants du FLN pour faire entendre leur voix dans le monde.
Dix mois après le déclenchement de l’insurrection armée, la communauté internationale, représentée notamment par les Nations unies, a pris l’initiative de discuter, pour la première fois, de la question algérienne qui lui était soumise par le royaume d’Arabie saoudite, alors que les enjeux politiques et géostratégiques étaient encore, pour nombre d’observateurs et d’acteurs internationaux, difficiles à cerner, en raison de l’embargo médiatique que l’occupant français avait imposé sur la situation en Algérie et les vraies revendications du peuple algérien. A l’époque, les médias internationaux, intoxiqués par la propagande coloniale française, réduisaient le soulèvement armé sous la bannière du Front de libération nationale à des «actes de banditisme». A telle enseigne que même des pays amis de l’Algérie et du peuple algérien, comme la Chine, étaient encore à cette époque mal informés sur la réalité algérienne, contrairement aux pays de la région arabe qui, comme l’Arabie saoudite, avaient l’avantage d’être en contact avec les nationalistes algériens.
Le retentissement de la voix de l’Algérie combattante dans le monde donnait écho à deux événements majeurs et très proches de la lutte algérienne : l’offensive historique du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois, à travers laquelle le FLN marquait son engagement irréversible pour la libération du pays, et la participation d’une délégation du FLN à la conférence des pays non-alignés d’avril 1955, qui marquait la naissance de la diplomatie de l’Algérie combattante.
En effet, cette première percée diplomatique de la Révolution fut le couronnement d’une longue bataille qui avait pris forme à la conférence de Bandung, où 14 pays afro-asiatiques ont adressé, au mois de juillet de la même année, soit trois mois plus tard, une lettre au secrétaire général de l’ONU lui demandant d’inscrire la « question algérienne » à l’ordre du jour de la Xe session de l’Assemblée générale. Elle est venue appuyer la demande saoudienne émise début mai de la même année. Mais il fallait encore se batailler contre les Français à l’ONU sur les procédures d’inscription. La demande d’inscription, conformément au règlement intérieur de l’AG, a été accompagnée d’un mémoire auquel le FLN aurait largement contribué. Ce mémorandum réclamait l’indépendance de l’Algérie en s’appuyant sur plusieurs principes, notamment celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En parallèle, la France et ses alliés ont défendu avec acharnement la thèse suivant laquelle l’ONU n’était pas habilitée à statuer sur tout ce qui a trait à l’Algérie, en posant comme postulat l’appartenance de l’Algérie au territoire français
Affirmant que « l’Algérie est française », la France a donc rejeté la compétence des Nations unies. Pour elle, tout ce qui concerne l’Algérie relève de sa souveraineté. Le bureau de l’Assemblée générale où siégeaient sept pays (Pays-Bas, Norvège, Colombie, Royaume-Uni, Chine, USA, Belgique), en majorité acquis à la thèse française de l’incompétence, a recommandé à l’AG de rejeter la demande d’inscription. Mais les membres de l’AG ne l’entendaient pas de cette oreille : ils ont rejeté cette recommandation par 28 voix contre 27 et 5 abstentions.
Si cette première incursion diplomatique de la révolution algérienne au sein de la plus haute instance internationale n’a pas été un succès, dans la mesure où l’Assemblée générale s’est dit incompétente pour examiner « la question algérienne », ses dirigeants vont redoubler d’efforts pour confronter de nouveau l’occupant sur le terrain de la diplomatie. Résultat de ce travail intense et méthodique, la question algérienne sera une nouvelle fois inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies une année plus tard. Avec plus de chance et de succès.
In Memoria