L’Arabie saoudite et la Révolution algérienne
Une longue histoire peu connue
La protestation officielle du gouvernement saoudien contre le déploiement, en décembre 2017, d’une banderole jugée attentatoire dans un stade de football à Aïn Melila, suivie des excuses présentées par le Premier ministre Ahmed Ouyahia ont été l’occasion pour ce dernier d’évoquer et de saluer chaleureusement le soutien multiforme et généreux qu’avait apporté le royaume d’Arabie saoudite à la Révolution du 1er novembre 1954.
Si l’apport de l’Arabie saoudite à l’insurrection du peuple algérien contre le colonialisme est le moins médiatisé ou le moins connu de toutes les contributions des pays amis et frères, la faute n’incombe pas seulement aux médias, mais surtout aux historiens algériens qui se sont très peu intéressés à cet aspect des relations entre ces deux pays, certes géographiquement éloignés l’un de l’autre, mais culturellement et historiquement très liés.
Comment et dans quelles proportions les Saoudiens ont aidé la lutte du peuple algérien pour le recouvrement de leur souveraineté ?
Lorsque le peuple algérien s’est soulevé le 1er novembre 1954, le royaume d’Arabie saoudite était l’un des premiers pays à avoir pris l’initiative, deux mois seulement après le déclenchement de la Révolution, pour faire de cette question un enjeu international sur lequel le monde ne pouvait fermer les yeux. Ainsi, le roi Fayçal s’est démené pour chercher des soutiens afin d’imposer la question algérienne dans les forums internationaux, et notamment au niveau du Conseil de sécurité, avant de l’exposer devant l’Assemblée générale des Nations unies qui a fini, avec le soutien grandissant des pays amis et frères, par l’adopter. Il l’a fait par une lettre déposée le 5 janvier 1955.
C’est, donc, grâce aux efforts d’un homme comme le prince Fayçal, que la révolution algérienne est passée dans le monde du statut de «rébellion» à une lutte d’un peuple opprimé revendiquant sa liberté et sa dignité.
L’aide saoudienne à la lutte algérienne était à la fois diplomatique et financière. Selon un témoignage de Cheikh Tewfik El-Madani, ancien membre des Oulémas, désigné au CNRA, puis ministre du GPRA, le roi d’Arabie saoudite s’est montré dès le début engagé à soutenir financièrement le combat libérateur des Algériens. Il écrit : «Nous nous sommes rendus [la délégation du Front de libération nationale] à Riyadh. L’accueil était chaleureux et l’hospitalité agréable. Nous avons rencontré le roi Saoud ben Abdulaziz et m’a écouté très attentivement. Il nous a dit : «J’ai chargé pour vous vous le ministre des Finances, Cheikh Mohammed Sorour Al-Sabban, et j’étudierai avec lui toutes les possibilités ; soyez confiants que nous faisons ce que Dieu et la conscience nous dictent de faire. »
Ce ministre saoudien a, lui-même témoigné sur cette histoire. Il dit : «Le roi a décidé d’ouvrir une souscription avec un montant de un milliards de francs, dont 150 millions destinés au GPRA, et s’est engagé à le verser directement à la délégation du FLN, comme demandé, à son compte à Damas.» Le ministre a ajouté qu’il a assuré aux membres de la délégation algérienne qu’à chaque fois qu’ils voulaient des armes, de l’argent ou un appui politique, ils n’allaient qu’à prendre directement attache avec le roi par l’intermédiaire d’un émissaire ou d’un message.
Les mêmes témoignages rapportent aussi que ce roi magnanime, Saoud ben Abdulaziz, a dit à Cheikh Tewfik El-Madani, au moment de lui remettre l’enveloppe d’argent : «Vous, vous payez l’impôt du sang, nous, nous payons l’impôt en argent, que Dieu nous aide tous ! »
Les dirigeants saoudiens ont fait d’autres gestes en faveur de l’Algérie combattante qui honorent leurs auteurs, et qui méritent aussi d’être mentionnés et connus du public algérien. Parmi ces gestes, on cite le discours radiodiffusé du roi dans lequel il annonce solennellement la rupture des relations diplomatiques avec l’Etat français jusqu’à ce que l’Algérie recouvre son indépendance, et affirmant que son pays maintiendra son soutien indéfectible à la Révolution algérienne.
On peut également citer l’institution d’une journée, le 15 du mois Chaabane, pour la collecte de fonds en faveur de la lutte du peuple algérien.
Peu d’Algériens savent que le pèlerinage de l’année 1957 a été organisé en Arabie saoudite sous le slogan « Algérie » dans le but de sensibiliser les peuples du monde sur la question algérienne.
Cette aide saoudienne n’a pas été interrompue un jour depuis la formation du premier gouvernement provisoire. Même au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, l’Arabie saoudite a, d’après toujours Tewfik El-Madani dans ses Mémoires, contribué avec un milliard de francs pour l’édification du pays. Le roi Saoud a fait cette annonce lors d’une rencontre à la Ligue arabe : « Comme j’ai été le premier à contribuer pour le triomphe de la révolution algérienne, je serai aussi le premier à le faire aujourd’hui, espérant que tous les frères m’emboiteront le pas.»
In Memoria