Le P-DG de l’ANEP conditionne l’octroi de la publicité par le strict respect de 15 critères objectifs»
Le Président-directeur général de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP), Larbi
Ounoughi, a annoncé l’adoption de « 15 critères objectifs » dans la distribution de la publicité publique, au titre de la phase de transition, en attendant la promulgation de la loi sur la publicité. Larbi Ounoughi a révélé à ce titre que quelque 40 milliards de dinars de publicité ont été distribués, ces quatre dernières années, à un nombre restreint de publications sans qu’elles ne disposent, pour certaines, d’aucune audience. La nomination de Larbi Ounoughi à la tête de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) est le prélude à une large réforme du secteur. Le gouvernement réaffirme ainsi sa volonté de réformer le secteur publicitaire. Dans la foulée de cette nomination, Ammar Belhimer, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, annonce « la préparation d’une loi sur la publicité ainsi que la mise en place d’un cadre juridique pour assainir le secteur et le mettre sur une nouvelle voie empreinte de transparence ». Il était temps. Aussitôt installé (le 6 avril dernier) dans ses nouvelles fonctions, le nouveau patron de
l’ANEP résume la mission qui lui a été confiée : l’assainissement du secteur des « forces illégales » en coordination avec la famille de la presse.
« l’ANEP était un « nid de corruption » et un repaire de la « Issaba »
Intervenant sur le plateau d’El Hayat TV, Larbi Ounoughi n’a pas mâché ses mots en qualifiant tout bonnement la situation actuelle de l’ANEP de « catastrophique », et d’ intenable » dressant un réquisitoire accablant sur la gestion de la manne publicitaire publique par d’anciens responsables, dont certains font aujourd’hui l’objet d’enquêtes de la gendarmerie et de l’IGF (Inspection générale des finances). Pis encore, le même responsable n’a pas hésité à qualifier l’ANEP de « nid de corruption » et de repaire de la « Issaba ». Á ses dires, l’ANEP est comme une « casemate » livrée à des forces non médiatiques qui ont imposé des pratiques malsaines de corruption, de concussion, de népotisme et de favoritisme. L’ANEP est ainsi devenue une véritable « caverne pour le pillage systématique ». Chiffres à l’appui, Larbi Ounoughi a révélé à ce titre que quelque 40 milliards de dinars de publicité ont été distribués, ces quatre dernières années, à un nombre restreint de publications sans qu’elles ne disposent, pour certaines, d’aucune audience. Á titre d’exemple, il a indiqué que le journal Ennahar, dont le propriétaire Anis Rahmani est en prison, a bénéficié de 113 milliards de centimes, alors que le Temps d’Algérie, appartenant à Ali Haddad, lui aussi en détention, s’est vu octroyé la bagatelle de 54 milliards de centimes. Cela, en sachant que leurs employés, quand ils ont la chance d’être déclarés, sont mal et irrégulièrement rémunérés. Aussi, le même responsable a cité des hebdomadaires qui paraissent trois fois par semaine, la détention de deux journaux ou plus portant le même nom ou encore des journaux qui bénéficient de la publicité mais ne sont pas tirés ni ne parviennent au lecteur. Le PDG de l’ANEP a fustigé la méthode de gestion de l’agence sous l’ancien système, lors de ces dernières années, une période exploitée «comme moyen d’enrichissement illicite par des forces non médiatiques qui ont contribué à la publication de 40 journaux n’ayant aucun lien avec le domaine de l’information» et «ceux qui ont transféré illégalement les fonds de la publicité à l’étranger». Selon lui, l’erreur dans la gestion de la publicité réside en « l’absence de paramètres et de normes exactes pour sa distribution et cela depuis la création de l’ANEP même ». « Cette ère est révolue.
Fini le temps des gabegies !
La situation est en passe de changer et les coups de téléphone ou toute autre forme de chantage pour obtenir un quota de publicité pour tel ou tel ne seront plus tolérés», avertis Larbi Ounoughi précisant que l’agence qu’il préside est une entreprise économique et qu’elle relève d’un bien commun, donc l’argent qu’elle gère appartient au Trésor public. « Notre rôle est justement de veiller à ce que cet argent revienne aux entreprises qui remplissent les conditions conformes à la loi », a-t-il ajouté. Fini le temps des gabegies La publicité publique, gérée et distribuée par l’ANEP, représente 65 % du marché publicitaire global national, et contribue ainsi fortement à ce que les titres de la presse écrite, publique et privée, sauvegardent leurs équilibres financiers. Bien que la loi de l’offre et de la demande soit un critère indispensable dans la distribution de la publicité publique, la situation actuelle de l’ANEP requiert d’abord un assainissement du secteur, après des années de corruption ayant favorisé la dilapidation des deniers publics par des « forces externes à l’information et des clans politiques », a avoué, dans un entretien à El Khabar, le ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement, Ammar Belhimer. « Cette corruption et ces violations doivent cesser. Les services de la Gendarmerie nationale et de l’inspection générale des finances mènent des enquêtes au sujet de ces violations», a-t-il
soutenu.
15 critères aussi objectifs qu’incontournables
Pour ce faire, Larbi Ounoughi, a annoncé l’adoption de «15 critères objectifs» dans la distribution de la publicité publique, au titre de la phase de transition, en attendant la promulgation de la loi sur la publicité. « Au titre de la phase de transition et dans l’attente de la promulgation d’une loi sur la publicité, nous avons adopté 15 critères objectifs dans la distribution des pages de publicité publique sur les journaux par souci de transparence et de justice pour garantir une presse forte », a relevé à ce propos le P-DG de l’ANEP. Il s’agit, de «la définition du nombre de tirage et des chiffres de vente» pour chaque titre de presse, et du respect des règles de professionnalisme, en assurant que la gestion soit confiée à des professionnels de la presse. Il est également question d'autres critères, selon Larbi Ounoughi, à savoir: ne pas faire l’objet de poursuite judiciaire pour des affaires de corruption comme l’évasion fiscale, qui constituerait un paradoxe juridique, soulignant que «l’Etat est en droit de protéger sa publicité publique qui est un dénier public». «Etre titulaire d’un registre de commerce et l’inscription au fichier des impôts comptent parmi les conditions d’accès d’un quotidien à la publicité », a-t-il fait savoir. Le P-DG de l’ANEP a rappelé que l’appui apporté par l’Etat à la presse est multiforme dont la subvention du prix du papier, l’appui consacré aux sièges des titres de la presse, en sus de l’aide indirecte de plus de 40 milliards de dinars comme recettes de la publicité durant les quatre dernières années (au profit de la presse écrite-papier) ajoutant qu’il n’existe pas de différence de traitement entre presse publique et privée. « Nous adoptons le principe de presse nationale» », a-t-il assuré, notant que « l’assainissement de l’ANEP se poursuit en tant qu’engagement pour l’édification d’une presse nationale forte» et précisant que les perspectives futures de l’entreprise «est d’être parmi les 20 meilleures entreprises commerciales et économiques sur la scène nationale». Évoquant « la situation catastrophique » dans laquelle se trouve actuellement la presse nationale, Larbi Ounoughi affirme qu’elle résulte de «dérapages commis par des parties qui n’avaient aucun lien avec le secteur».
« Nous allons assainir la profession des intrus»
Larbi Ounoughi dénonce ainsi des «forces non journalistiques» qui ont fait leur intrusion durant les années passées dans le secteur et qui ont porté préjudice à la profession. «Le non- respect du code de l’information fait qu’il y a eu des intrus dans la profession. » Cette intrusion a conduit à de graves dérapages et impacté le travail des professionnels de la presse. « Nous allons assainir la profession des intrus. La presse doit être exercée par des journalistes », a asséné Larbi Ounoughi Il assure que dix ateliers de travail pour la refonte du secteur ont été identifiés. Deux d’entre eux ont été déjà lancés. Il s’agit de celui relatif à la presse électronique et celui concernant l’accompagnement des organisations syndicales du secteur. Un vieux routier Le choix porté sur la nomination de Larbi Ounoughi à la tête d’un organisme aussi « sensible » que l’ANEP notamment en cette conjoncture économique difficile n’est pas fortuit. Connu pour sa gestion rigoureuse et sa rectitude morale, le nouveau patron de l’ANEP assure avoir une volonté de fer pour donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Journaliste et ancien directeur de quotidiens arabophones, donc assez averti des travers du marché de la publicité en Algérie et de sa faune;obligés, Larbi Ounoughi a tenu à rappeler que «la pub ira au plus méritant». Larbi Ounoughi, 63 ans, est un vieux routier de la presse. Selon les quelques informations recoupées ici et là, il a commencé à user ses crayons au quotidien arabophone An Nasr en 1985. Il s’illustrera avec la nouvelle vague du quotidien de l’Est très vite, ce qui lui vaudra d’être nommé directeur de rédaction de l’hebdomadaire arabophone, El Aurès. Á cette époque, la fin des années 1980, An Nasr était dirigé par Cherif Annane. Ce dernier adoptera une thérapie de choc qui consistait à multiplier les périodiques pour chaque région de l’Est. El Aurès, El Anab, El Hidhab, El Fadjr, un quotidien du soir, El Hadef week-end, et bien d’autres, ce qui boostera la société An Nasr d’un journal régional étatique moribond en un «bon petit canard» qui arrivait à se vendre. Et très bien. Larbi Ounoughi, devenu rédacteur en chef, sera nommé à la tête d’An Nasr quelques années plus tard, en 1999 exactement. L’histoire retiendra que An Nasr est le seul journal étatique qui est arrivé à un tirage frisant les 70 000 exemplaires, avec un taux d’invendus négligeable. Ounoughi créera aussi une société de distribution pour s’éloigner des distributeurs malhonnêtes qui ont été la cause de la disparition de plusieurs journaux. Pendant 16 ans, et jusqu’en 2015, le journal An Nasr seraparmi le gotha des journaux algériens, en général, et premier, sans conteste, au sein des éditions publiques. Hamid Grine, ministre de la Communication à l’époque, voulant sûrement calquer l’expérience de Ounoughi à An Nasr, le désignera à la tête du journal étatique El Massa, en décembre 2015, espérant que l’ex-DP d’An Nasr pourra «contaminer» sa fougue à son
nouveau journal et le remettre au diapason des publications performantes. Larbi Ounoughi se retrouvera prisonnier des nouveaux réflexes de prébende qui caractérisaient le secteur. Il se plaindra ouvertement au ministère de tutelle, ne comprenant pas qu’un journal public, au service d’une cause nationale, ne puisse pas bénéficier d’une publicité… étatique. Las, déçu par les chemins de traverses que prenait la pub étatique et qui poussaient la plupart des journaux étatiques dans le fossé, il demandera à Hamid Grine d’accepter son dossier de mise à la retraite. Ce qui fut fait, et Ounoughi regagnera, peinard, son domicile à Khroub, commune de Constantine. Mais il était dit que Larbi Ounoughi serait tiré de sa paisible retraite par les bouleversements politiques que traverse le pays depuis février 2019. Il sera contacté par Ammar Belhimer, un autre vieux briscard de la presse, pour occuper le poste de conseiller au sein du ministère de la Communication auquel il venait d’être nommé dans le Gouvernement Djerad. Mais le président de la République a vu en Larbi Ounoughi le «sauveur» de l’ANEP, qui aura comme dure tâche, au préalable, de débusquer les «tricheurs» du secteur et surtout de donner un nouveau souffle… d’équité à l’Agence nationale de la publicité. Le sort de beaucoup de journaux en dépend.
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Farid HOUALI