L’armée française inquiète de la présence de la Russie, de la Chine et de la Turquie en Afrique
L’armée française voit du mauvais œil l’influence grandissante de la Russie, de la Chine et de la Turquie en Afrique. Le général François Lecointre, chef d’état-major des armées françaises, l’a fait savoir.
« Aujourd’hui, la présence de la Russie, de la Turquie ou de la Chine en Afrique, est inquiétante et déstabilisatrice. La Chine est dans une attitude de conquête des ressources et de prises de position pour peser sur les équilibres continentaux », s’est-il alarmé dans un entretien publié ce samedi dans les colonnes du quotidien Le Figaro.
Globalement, François Lecointre a mis en garde contre l’augmentation du risque d’éclatement d’un conflit majeur d’ici à 2030. La cause selon lui : un nouvel ordre mondial, basé sur la bipolarité, qui est en train d’émerger.
« Les tensions seront encore plus fortes qu’aujourd’hui avec des risques de dérapages supérieurs. À la fin de la guerre froide, certains ont cru naïvement à la ‘fin de l’histoire’ et qu’il n’y aurait plus de conflits majeurs. Mais il y avait déjà là les germes d’une frustration interne d’une partie des pays en développement, et en particulier du monde arabo-musulman. Elle s’est aussi exprimée contre un monde occidental, perçu comme dominateur et hégémonique. Cette frustration a engendré une volonté de revanche. Nous en avons vu les conséquences au début des années 2 000 puis avec les attentats en France », a-t-il expliqué.
Ce n’est pas l’unique hantise du chef d’état-major français. La résurgence de ce qu’il qualifie de « forces désinhibées » représente un danger. Car, pour lui, elles contestent « la stabilité et le droit international ».
Par forces désinhibées, le général Lecointre vise évidemment « la Russie et la Chine en premier lieu mais aussi des puissances régionales comme l’Iran ». « Nous allons vers une réorganisation de l’ordre du monde, structurée autour de la compétition entre les États-Unis et la Chine. Dans cette recomposition, l’ensemble des pays du monde sera sommé de choisir son camp. Ce sera très difficile parce que, précisément, ni la France ni l’Europe n’y ont intérêt », a-t-il prédit.
Enfin, le chef militaire s’est montré craintif quant à la place que l’Europe occuperait dans ce nouveau monde. « L’Europe s’est bâtie sur le marché et la monnaie unique. C’était finalement une forme de plus petit dénominateur commun. La construction d’une identité politique commune sera sans doute plus dure à réaliser à court terme. Nous sommes à un moment charnière. Soit l’Europe reste où elle en est, et elle finira par disparaître de la scène internationale. Soit elle sera capable de répondre à l’attente de sécurité de ses concitoyens. Le prochain pas en avant de l’Europe passera par la défense », a-t-il souligné.
Skander Boutaiba