« LE 58ème ANNIVERSAIRE DE L’INDEPENDANCE DE L’ALGERIE »
« L’AUBE D’UNE REPUBLIQUE NOUVELLE »
« LE DESTIN D’UNE NATION FIERE ET REBELLE »
(*) Par le Dr Boudjemâa HAICHOUR
En cette période de confinement du COVID-19, en ce mois de Juillet 2020, l’Algérie va souffler les 58 bougies de son indépendance arrachée au prix d’un million et demi de nos martyrs. L’émergence et la restauration d’un Etat à l’histoire plusieurs fois millénaires se place dans le concert des Nations Libres.
L’HYMNE NATIONAL KASSAMEN RETENTIT A L’ONU
L’emblème national flotte parmi les drapeaux des pays reconnus en tant que membres de l’ONU. L’hymne national « Kassamen » retentit dans le hall officiel de ce que fut jadis la société des Nations.
C’est le résultat d’une résistance populaire commencée en 1830 et couronnée d’une indépendance suite à une Révolution des plus authentiques des mouvements de libération nationale. Dès le mois de Décembre 1959, nombreux sont les représentants d’Etats présents à l’Assemblée générale de l’ONU exigeaient la condamnation de la France pour sa politique en Algérie, tout comme en Septembre 1955 lorsque la question algérienne a été inscrite pour la première fois à l’ordre du jour.
C’était l’époque où Antoine Pinay ministre français des affaires étrangères quittait New York où l’Assemblée des Nations unies adoptait une résolution condamnant la France. En 1958 le Groupe Afro asiatique gagnait du terrain en remportant un premier vote pour l’indépendance de l’Algérie.
LA QUESTION – LA GANGRENE ET L’OUBLI
Au plan interne la Révolution du 1er Novembre 1954 prend de l’ampleur en mobilisant le peuple grâce au FLN et son bras armé l’ALN. Côté français ce sont les exécutions sommaires à la sauvette et la pratique de la torture révélée par Henri Alleg dans son ouvrage « La question » suivi de « La Gangrène ».
Pierre Vidal-Naquet publiera son livre « La torture dans la République » que reprend sous une autre forme l’historien Bendjamin Stora sous le titre « La Gangrène et l’Oubli » en 1991. Des méthodes barbares utilisées par Paul Aussaresses Perrin, qui donne sa version des faits de 1957 en reconnaissant avoir torturé et tué Larbi Ben Mhidi et Me Ali Boumendjel. Il revendique même la responsabilité des exécutions sommaires dans son livre « Services spéciaux-Algérie 1955/1957 paru en Mai 2001.
L’ETE DE LA DISCORDE OU L’AUTRE VIRAGE
Alors qu’en 1966, le film « La Bataille d’Alger » du cinéaste italien Gillo Pontecorvo obtient le Lion d’Or à Venise, l’Algérie venait de vivre une situation difficile de sa transition durant « l’Eté de la Discorde » titre du livre d’Ali Haroun qui décrit la douloureuse année de 1962 où chacun se voyait être le plus apte à gouverner le pays qui sortait d’un siècle et trente-deux ans d’une colonisation la plus meurtrière de son époque.
Toutes les épisodes glorieuses de notre résistance anti coloniale depuis l’Emir Abdelkader et Hadj Ahmed Bey, du Cheïkh Bouamama, d’El Mokrani, des Zaâtchas, du Cheïkh Al Haddad, de Lalla Nsoumer… jusqu’aux massacres du Huit Mai 1945 et enfin la Révolution du 1er Novembre 1954.
Le peuple sous la bannière du FLN/ALN qui a mené la guerre contre la plus puissante armée française aidée par la logistique militaire de l’Otan, n’a pu freiner son élan révolutionnaire déterminé à vaincre l’occupant pour vivre libre et indépendant.
Mais cette Révolution qui a accéléré la décolonisation des pays du tiers-Monde, n’a pu retenir les égos malgré leur héroïsme et la discorde entre les Chefs. Selon la version des faits des uns et des autres, notre pays se trouvait dans une des plus difficiles situations.
L’OAS entreprenait la terre brûlée, le vol et incendiant toutes les richesses de notre patrimoine y compris les moissons de cette bonne année d’un été au soleil torride. L’intention était surtout de saborder les Accords d’Evian en faisant peur aux-pieds noirs pour permettre l’exode des Européens sous leur fameux slogan « La Valise ou le Cercueil ».
SAVOIR MEDITER SUR LES CIRCONSTANCES DE CE TEMPS
En fait aujourd’hui beaucoup semble accuser cette période de notre histoire de n’avoir pas mis l’Algérie sur les bons rails. En vérité chacun de nous doit méditer les circonstances qui ont prévalues en ce temps de désordre et de rapine des ultras qui ont voulu mettre l’Algérie à feu et à sang. Les dirigeants de l’Algérie indépendante avaient eux aussi des ambitions quant à la prise du pouvoir dans cette belle Algérie libérée du joug colonial.
Il faut se rappeler la session du CNRA qui s’est tenue à l’Hôtel El Mehari deTripoli le 27 Mai 1962 dont le point focal de l’ordre du jour était la désignation politique chargée d’appliquer la Charte de Tripoli et donc le projet de programme, c’est-à-dire la préparation du Référendum, l’organisation d’une Assemblée Constituante.
CRISE DE L’ETE 1962 ET COURSE A LA PRISE DU POUVOIR
Le CNRA composé de cinquante-deux personnes, a donné mandat au Bureau politique pour entamer les consultations et enregistrer les candidats au niveau des wilayates. Il faut dire que cette session dont les débats étaient dirigés par un bureau, présidé par feu Med Seddik Benyahia et composé de Omar Boudaouad et Ali Kafi.
Hadj Ben Alla a été le premier à prendre la parole pour évoquer la crise qui secoue le FLN et le conflit EMG/GPRA. Dès la fin de cette intervention la session a pris une autre tournure où chacun et durera trois jours, suite à laquelle Houari Boumediene proposera une commission qui regroupe Ahmed Benbella, Ahmed Boumendjel, Ali Haroun, Kaïd Ahmed et M’hamed Yazid.
LE FUTUR ETAT DE L’ALGERIE INDEPENDANTE SUR LES BRAISES
Ils seront adjoints par Hadj Ben Alla et Abdelhamid Mehri tandis que Abdelhafid Boussouf rajoute Khelifa Laroussi en tant que secrétaire de séance. Se sont donc ces hommes qui détenaient le sort de l’Algérie indépendante entre leurs mains. Dès lors le FLN devenait un appareil et il est dessaisi de ses responsabilités au profit de l’ALN. Mais il est précisé que la forme de l’Etat futur serait une République démocratique et populaire et non sociale. Les trois textes de cette Charte de Tripoli seront adoptés.
Au débat sur le Bureau politique le 5 Juin 1962, la Commission a échoué et toutes les chances de réussite et l’éventualité d’une autre commission n’a pas abouti aussi. La discussion se tenait dans un climat tendu laissant place à des mots déplacés, « des insanités » entre quelques membres du CNRA, ce qui va contraindre Mohamed Seddik Benyahia à suspendre les débats. La session n’a pu continuer du fait du départ précipité des membres du GPRA et d’autres qui ont quitté Tripoli.
LES TRAVAUX DE LA CESSION DU CNRA DE TRIPOLI INACHEVES
Cette session du CNRA resta inachevée à ce jour. Ainsi se formèrent des clans. Chacun voulait gagner à lui sa clientèle au regard de la crise GPRA/EMG qui n’a pas trouvé l’issue attendue. Même si l’histoire reconnaitra que les révolutions dans le monde ont connu des luttes fratricides, l’Algérie a pu surmonter cette tragique période de discorde entre dirigeants, elle a comme même réalisé beaucoup de choses positives qui ont fait de notre pays une Nation respectée.
LES GENERATIONS DOIVENT APPRENDRE LE RECIT NATIONAL
Oui les Générations doivent apprendre le récit national de notre vaillant peuple laissant l’histoire vérifier le bon drain de l’ivraie. Revenir aux sources de nos différentes crises qui ont secoué la marche de mouvement vers un destin où chacun rêve d’une justice sociale et d’une prospérité partagée loin des extrémismes de tous bords.
Ce 58ème anniversaire de notre indépendance doit être celui d’une nouvelle République pour booster l’Algérie dans le concert des Nations développées. Cela demande beaucoup de patience et de solidarité nationale. Cette terre est celle de nos ancêtres qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour rendre à ce peuple longtemps administré par le code colonial de l’Indigénat, un vivre-ensemble de paix, de quiétude et de stabilité dans le respect de notre diversité.
Rendons donc hommage et respect à tous ceux qui ont lutté pour avoir écrit sur nos cahiers le mot « Liberté » par le sang de nos martyrs qui ont juré que l’Algérie vaincra malgré les épines qui continuent à joncher son sol sacré.
LES STATUES DES ESCLAVAGISTES REMISES EN CAUSE
La question coloniale et les crimes d’Etat durant toute cette période de colonisation, doivent nous rappeler les exterminations et les enfumades. En ce moment même, le monde libre se réveille sur l’esclavagisme en déboulonnant les statues de ces marchands d’esclaves tels qui ont fait le bonheur amer de leurs peuples. Notre Récit national doit veiller à ce que les jeunes générations tirent les leçons de ce passé colonial sombre et sanguinaire pour appeler à construire de nouveaux ponts de prospérité partagée avec les anciennes puissances coloniales par leur reconnaissance et leur repentance.
On doit expliquer ce passé sans en faire un reniement de notre histoire et de notre combat qui nous ont permis d’arracher notre cher indépendance. Ne serait-ce pour le respect à nos martyrs qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie libre et indépendante, la France officielle doit assumer son passé colonial, si elle tient à ses idéaux des Droits de l’Homme de sa Révolution de 1789.
(*) Dr Boudjemâa HAICHOUR
Chercheur Universitaire, Ancien ministre