L’envol de la diplomatie algérienne
La nature à horreur du vide” (Aristote)
Après une éclipse de plusieurs décennies, la diplomatie algérienne semble revenir sur le devant de la scène comme en témoigne l’activité intense de son représentant, le ministre des affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Désormais puissance régionale reconnue et respectée, l’Algérie dispose de tous les atouts pour devenir leader continental. Mais par-dessus tout, ce retour en force de l’Algérie dénote l’importance et la confiance que la communauté internationale accorde à son rôle dans le continent, voire au-delà.
1) Une communauté de destin
L’histoire est-elle un perpétuel recommencement comme l’affirmait Thucydide ? Quoi qu’il en soit, on ne pourra se défendre de faire un parallèle entre le destin de notre pays et les vicissitudes qu’a connues la Russie ces 30 dernières années.
En effet, la chute du mur de Berlin a marqué une longue période de déclin pour les 2 pays, ce qui a permis à leurs rivaux d’avoir toute latitude pour opérer leurs offensives (militaires, diplomatiques, économiques) dans diverses régions du globe sans rencontrer d’opposition.
Aujourd’hui, il est manifeste que la montée en puissance de l’Algérie coïncidence avec le retour en force de la Russie sur la scène internationale.
Par ailleurs, le poids de la Chine dans l’économie mondiale, constitue un autre argument qui plaide en faveur de l’Algérie et lui présage une chance supplémentaire de succès, car nul n’ignore que notre pays entretient des relations de confiance de longue dates avec cet allié stratégique dont les positions convergent avec les siennes.
2) Différence de “style”
La place laissée vide jusque-là par l’Algérie avait été occupée ou plutôt usurpée par le Maroc soutenu par son bailleur, la France. Cependant, à la différence du makhzen, l’action de la diplomatie algérienne est déterminée par le principe de non-ingérence dans les affaires internes des pays et la promotion de la paix. A cette occasion, nous appelons à proposer l’Algérie au prix Nobel de la paix pour ses efforts et contributions à la résolution de conflits entre états.
On se souviendra entre autres que le Maroc a participé à la plupart des guerres aux côtés des impérialistes (Irak, Yémen, etc). Plus près de nous, il était intervenu dans le coup d’État en Côte d’Ivoire orchestré par la France pour renverser Laurent Gbagbo .
En outre, de nombreuses personnalités dénoncent une politique de blanchiment de l’argent de la drogue au travers de l’implantation de banques dans le continent. Enfin, le voisin de l’ouest ne fait pas secret de ses velléités expansionnistes à l’instar de son alter ego sioniste dans son projet de “grand Maroc” et son occupation du Sahara Occidental.
Quant à l’Algérie, médiateur crédible et de confiance entre les grandes puissances car non alignée, son rôle structurant en fera un acteur indispensable pour l’intégration interafricaine et constitue d’ores et déjà l’interface incontournable de l’UE.
3) Le diplomatique au service de l’économique
L’ouverture des frontières au Niger, l’inauguration du poste frontalier avec la Mauritanie et prochainement de celui avec la Lybie sont quelques-uns des aboutissements de la diplomatie algérienne et des signes de sa réussite, dont le couronnement sera, à n’en pas douter, la consécration de l’Algérie dans un futur proche en tant que puissance continentale.
Les perspectives et possibilités de l’Algérie pour atteindre cet objectif, même à moyen terme, sont nombreuses eu égard à son expertise, ses compétences dans divers domaines, et les immenses besoins de pays africains pour assurer leur développement et la prospérité de leurs populations.
– Le transport : L’un des projets-phare du secteur est la route Transsaharienne qui sera érigée en autoroute à plusieurs voies. Cette infrastructure devra être renforcée par tout un réseau routier et autoroutier ainsi qu’un maillage ferroviaire de tout le territoire, se prolongeant au-delà des frontières pour desservir les centres des pays avoisinant dans un 1er temps, puis rejoindre les capitales plus éloignés. Il va de soi que la qualité des ouvrages se doit d’être irréprochable, condition sine qua non à la réalisation de ces ambitions pour la conquête de ces marchés déjà tant convoités et inondées d’offres.
Les parties des Transsahariennes (autoroutes et chemin de fer) potentiellement “ensablables” pourraient être vus comme des rivières, lacs ou mers, etc… selon leur étendue. Ainsi une solution logique consisterait à les “traverser” aux moyens de ponts, au lieu de contournements ou de déblayages récurrents (gains de temps et d’argent dans le long terme). Des études sur les matériaux et leur adaptation aux conditions climatiques extrêmes du Sud doivent être menées et les expériences d’autres pays prises en compte. Qu’on s’imagine un instant voyager au-dessus d’un océan de splendides dunes de notre époustouflant Sahara !
Dans ce chapitre, un intérêt particulier doit être accordé au développement de l’industrie ferroviaire car il nous paraît le moyen le plus approprié pour le transport de marchandises lourdes et volumineuses, de matières premières, etc. Par exemple, là où une vingtaine de camions et chauffeurs devraient être mobilisés, 1 train avec ses wagons est suffisant.
Ici, la stratégie de l’industrie industrialisante trouverait tout son sens et sa traduction. Nous disposons en effet de minerais de fer de grande importance, de complexes sidérurgiques, de centres de maintenance, ainsi toutes les conditions sont réunies pour créer une industrie de fabrication de trains (électriques et diesel), wagons, etc, avec ou sans partenariat (les compétences sont là).
Il y a là un potentiel de croissance considérable pour une très longue période eu égard à l’ampleur de l’ouvrage : relier tout un continent.
– L’énergie : elle constitue sans doute l’un des secteurs les plus stratégiques de la coopération, dont les potentialités et perspectives sont considérables car il s’agit d’électrifier une immense partie du continent (construction de centrales, de pylônes, câbles haute tension, etc, qui pourraient être fabriqués en Algérie).
La prospection, l’extraction et le transport du gaz et du pétrole sont également des domaines dans lesquels l’Algérie possède des compétences et des acquis et pour lesquels elle pourrait présenter des avantages comparatifs.
– L’industrie minière constitue un axe de partenariat dans lequel l’Algérie peut se rendre indispensable pour l’acheminement des matières premières vers les ports septentrionaux et l’UE, ou pour leur transformation dans le territoire national pour les moins polluantes.
– Télécommunications : le déploiement de la fibre optique, projet déjà avancé, recèle un fort potentiel de croissance car il s’agit d’interconnecter toutes les villes du continent.
L’Algérie pourrait également concevoir et mettre à disposition des satellites aux africains et pourquoi pas procéder à leur lancement à partir du territoire national dans un futur proche.
– Aérien : Tamanrasset pourrait constituer un hub pour la maintenance des appareils des compagnies africaines et développer progressivement une industrie aéronautique, d’autant que l’Algérie est dotée d’un vaste territoire dont les localités doivent nécessairement être reliées par ce mode de transport, non seulement pour les voyageurs mais également pour les marchandises.
La transformation et l’agrandissement de l’aéroport de la capitale du Hoggar aux dimensions d’un aéroport international de classe mondiale est ainsi à inscrire au programme, car la perle du désert sera destinée à accueillir de puissants industriels, diplomates, chefs d’État, etc…, ainsi que de grands avions cargos.
– Eau : l’Algérie pourrait proposer son savoir-faire et son expertise dans la construction et la gestion des stations de dessalement (pour des pays comme la Mauritanie, le Sénégal, etc…), d’épuration des eaux usées, forage au Nord du Mali, par exemple.
– Santé : construction d’hôpitaux pour les pays africains ; accueil de dirigeants ou personnalités politiques dans les structures hospitalières nationales ; relance du projet de pôle biotechnologique à sidi Abdallah sous les auspices de l’UA pour assurer une autosuffisance au continent et fabrication d’appareils médicaux de haute technologie dans le même objectif.
4) Soft power
Tout ceci participe, dans un sens, d’une soft power a même de présenter une image positive de notre pays. Et pour apparaître comme un acteur engagé dans le développement de l’Afrique, l’Algérie serait inspirée d’offrir et d’installer des panneaux solaires dans certaines localités au Niger, Mali, etc… (de la même manière que cela est fait pour les nationaux), forer des puits par nos compétences, faire don de fournitures scolaires, dont livres de lecture en langue arabe niveau primaire, etc…
La création d’une chaîne panafricaine basée à Tamanrasset est souhaitable. Elle présenterait l’actualité, africaine en français et en anglais et on y inviterait des personnalités politiques (tels Banda Kani, Nathalie Yamb, etc…), culturelles, etc.
La culture (festivals folkloriques panafricains, artisanat, œuvres d’art), la littérature (prix africains, maisons d’édition, salons, etc), le cinéma (prix, festivals panafricains, productions cinématographiques algériennes, etc ) sont autant de pistes pour accroître le prestige et l’aura de l’Algérie dans le continent et à l’international. De même que dans le domaine religieux où notre pays est reconnu pour son riche patrimoine et s’est doté d’un édifice d’envergure mondiale, la grande mosquée d’Alger.
Que ce soit dans la production littéraire, musicale, les arts plastiques, le cinéma, dans tous les domaines de la culture, l’Algérie compte des hommes et des femmes d’une grande valeur et d’une grande qualité reconnues au niveau international. Son riche patrimoine historique, sa diversité culturelle, son vaste territoire aux climats et paysages variés en font le creuset d’un brassage d’idées, d’expérimentations intellectuelles et artistiques. L’imagination y est foisonnante car le génie algérien existe dans tous les domaines et n’aspire qu’à s’exprimer.
Nous avons confiance en l’avenir et avons la certitude que l’Algérie se tiendra parmi les grandes nations, dans le droit et la justice, car elle a donné naissance à un peuple qui a produit des hommes et des femmes qui ont fait l’histoire de notre pays et feront l’histoire du monde.
Miloud Boumaza