Un collectif d’intellectuels algériens et français :
« Les crânes de résistants n’ont rien à faire au Musée »
Les crânes de résistants algériens, notamment ceux des révoltés de 1849 à Zaâtcha (Biskra) n’ont rien à faire au musée de l’homme de Paris (France), alertait déjà en 2016, un collectif d’intellectuels algériens et français dans une tribune parue au journal « Le Monde », appelant à leur restitution aux Algériens, « pour rappeler l’histoire de la colonisation en Algérie ». Ce collectif écrivait qu’ « en mai 2011, l’archéologue et historien algérien Ali Farid Belkadi lançait une pétition +pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français +, en particulier les crânes de résistants algériens tués par le corps expéditionnaire français dans les années 1840 et 1850, qu’il venait de retrouver dans les réserves du Musée de l’homme à Paris ». Le groupe d’intellectuels expliquait qu’ « alors que cet appel était lancé un an après le vote, par le Parlement français, d’une loi exigeant la restitution à la Nouvelle-Zélande de toutes les têtes maories détenues en France, il n’a eu malheureusement que très peu d’écho ». Et de poursuivre qu’ « en mai 2016, l’universitaire et écrivain algérien Brahim Senouci a lancé un nouvel appel pour que soient restituées +les têtes des résistants algériens détenues par le Musée de l’homme +, afin que leur pays les honore, avec cette fois un écho nettement plus large ». Le collectif en soutien aux appels de restitution des deux chercheurs algériens non pris en compte par les autorités françaises, rappelait à l’opinion, « la raison de la présence dans un musée parisien de ces restes mortuaires, à partir de l’histoire de l’un d’entre eux : le crâne du cheikh Bouziane, chef de la révolte de Zaâtcha en 1849, écrasée par une terrible répression, emblématique de la violence coloniale ». Et de raconter dans le détail le « siège de quatre mois » imposé par le corps expéditionnaire français de sinistre mémoire, au village Zaâtcha près de Biskra, sa prise par la force, et surtout, sa destruction et l’extermination « par le feu et le fer », de l’ensemble de ses habitants. Pour restituer l’horreur, le collectif publie le témoignage, de Charles Bourseul, un « ancien officier de l’armée d’Afrique » ayant participé à l’assaut: « Les maisons, les terrasses sont partout envahies. Des feux de peloton couchent sur le sol tous les groupes d’Arabes que l’on rencontre. Tout ce qui reste debout dans ces groupes tombe immédiatement sous la baïonnette. Ce qui n’est pas atteint par le feu périt par le fer. Pas un seul des défenseurs de Zaâtcha ne cherche son salut dans la fuite, pas un seul n’implore la pitié du vainqueur, tous succombent les armes à la main, en vendant chèrement leur vie, et leurs bras ne cessent de combattre que lorsque la mort les a rendus immobiles. ». Il s’agissait là des combattants. « Or, l’oasis abritait aussi des femmes, des vieillards, des enfants, des adolescents. La destruction de la ville fut totale, méthodique. Les maisons encore debout furent minées, toute la végétation arrachée. Les « indigènes » qui n’étaient pas ensevelis furent passés au fil de la baïonnette ». Le groupe rappelle en outre l’écrit à ce sujet, d’un journaliste, Louis de Baudicour, tiré de son livre La Guerre et le gouvernement de l’Algérie, qui racontera en 1853 avoir vu « les zouaves se précipiter avec fureur sur les malheureuses créatures qui n’avaient pu fuir », puis s’acharner : « Ici un soldat amputait, en plaisantant, le sein d’une pauvre femme qui demandait comme une grâce d’être achevée, et expirait quelques instants après dans les souffrances ; là, un autre soldat prenait par les jambes un petit enfant et lui brisait la cervelle contre une muraille ; ailleurs, c’étaient d’autres scènes qu’un être dégradé peut seul comprendre et qu’une bouche honnête ne peut raconter. Des procédés aussi barbares n’étaient pas nécessaires, et il est très fâcheux que nos officiers ne soient pas plus maîtres en expédition de leurs troupes d’élite, qu’un chasseur ne l’est d’une meute de chiens courants quand elle arrive avant lui sur sa proie. » Le groupe rappelait par ailleurs, les péripéties et les pérégrinations des crânes des révoltés, transférés d’Algérie en France, avant d’atterrir au musée de Paris, durant la décennie 1880, où ils sont restés jusqu’à ce vendredi 3 juillet 2020, date de la récupération de 24 d’entre eux, par l’Algérie, en attendant la restitution d’autres restes mortuaires! A la faveur de ce rapatriement, il s’agit comme le soutenait le collectif d’intellectuels de « contribuer à sortir de l’oubli l’une des pages sombres de l’histoire de France, celles dont l’effacement participe aujourd’hui aux dérives xénophobes qui gangrènent la société française ». Dont acte !
A.M.
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