D’après les médias espagnols Taqa, la holding émiratie spécialisée dans l’eau et l’énergie (Abu Dhabi National Energy Company), fait des pieds et des mains pour racheter un ténor du bassin méditerranéen dans l’énergie, l’espagnol Naturgy. L’information a été confirmée par l’autorité espagnole des valeurs mobilières (CNMV) et par l’entreprise émiratie. Le hic c’est que Naturgy est l’un des plus gros clients de l’algérien Sonatrach. Il se dit que Taqa a pris langue avec deux des plus importants actionnaires pour qu’ils lui cèdent leurs parts dans Naturgy. Il s’agit des fonds d’investissement GIP et CVC, qui possèdent chacun 20% du capital de Naturgy. Les autres gros actionnaires de l’opérateur espagnol sont la holding espagnole Criteria Caixa (27%), le fonds australien IFM (15%) et la compagnie algérienne, qui contrôle à peine 3,85%. Imaginez le tableau si les Émiratis mettent la main sur 40%. Par ailleurs Abou Dhabi négocie avec l’actionnaire principal Criteria Caixa sur «un éventuel accord de coopération relatif à Naturgy». «TAQA confirme qu’elle est en pourparlers avec Criteria Caixa en relation avec un éventuel accord de coopération relatif à Naturgy. TAQA confirme également qu’elle est en pourparlers avec CVC et GIP en relation avec l’éventuelle acquisition de leurs parts dans Naturgy», a fait savoir la CNMV dans un communiqué. Et les choses pourraient se précipiter (c’est toujours le cas quand il y a des sous en jeu, et les Emiratis en ont beaucoup) avec une offre publique d’achat (OPA) sur la totalité du capital de l’espagnol, en vertu de la législation locale qui impose une OPA si un investisseur jette son dévolu sur plus de 30% du capital d’une société cotée en bourse. Abou Dhabi a dépassé ce seuil, alors ça sent le roussi pour la Sonatrach… Taqa est sur le coup depuis un mois, d’après le média espagnol Cinco Dias. Et le gouvernement espagnol, pour qui Naturgy est une entreprise stratégique, suit l’affaire de près, un dossier doublement politique après la tempête qui a soufflé sur les relations entre l’Algérie et l’Espagne, une alliée du Maroc par ailleurs. Il est évident que tous les protagonistes marchent sur des oeufs. La Bourse espagnole s’enflamme déjà, le titre est monté de 1,3% puis +5%. A noter que Naturgy, le principal opérateur de gaz naturel en Espagne, a scellé en novembre dernier avec la compagnie algérienne un accord sur les nouveaux prix. Le texte prévoit la livraison de 5 milliards de mètres cubes de gaz par an, le gaz algérien. Que deviendront ces contrats très juteux après que Taga aura racheté l’espagnol ? Toutefois, l’OPA émiratie ne saurait aller jusqu’à son terme sans un accord explicite de la Moncloa, siège du gouvernement espagnol. Or, des sources madrilènes généralement bien informées, nous indique que Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol, n’aurait pas l’intention de céder aux pressions émiraties. L’argent de ce petit émirat sert depuis des années des desseins guerriers et déstabilisateurs en Afrique du Nord, notamment en Libye, en Tunisie et au Sahel. Mohamed Ben Zayd, gouverneur des Emirats, agit de cette manière nuisible pour le compte de Tel-Aviv et de Rabat. Alger a largement les moyens de répliquer et de faire mordre la poussière à l’ensemble de ses ennemis et adversaires.
Rafik Bakhtini