Par Miloud Boumaza
En ce qui concerne les sources historiques, appelons à la barre un témoin direct et de premier plan, pour ne pas dire de premier choix, à la «probité» au-dessus de tout soupçon, et que même les makhzenistes les plus entêtés, les plus enragés et les plus aveugles ne sauraient ou ne devraient ignorer ni contester :
Laissons donc la voix à leur émir el mouhminins, son Altesse sérénissime Mohamed III ben Abdallah, sultan des royaumes de Fès et de Marrakech :
« … ces arabes (les Sahraouis) n’ont pas de lieu sûr ; ils changent de lieu quand ils veulent. Jamais, ils n’ont été assujettis, ni subordonnés à aucun gouvernement. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas normal que je donne mon consentement, étant donné qu’il peut être préjudiciable aux habitants des îles Canaries… La côte, depuis Santa Cruz (Cap Ghir) vers le sud n’étant pas de ma juridiction, je ne peux pas la franchir, ni être responsable de ce qui peut y arriver… »
En réponse aux préoccupations du roi d’Espagne, Charles III quant à la sécurité des pêcheurs espagnols au large du Sahara Occidental, le sultan de Fès et de Marrakech affirmait donc sans équivoque, dans cette lettre datée du 28 mai 1767 (de laquelle est tiré le passage ci-dessus), que les territoires correspondants au Sahara Occidental actuel n’étaient pas sous son autorité et par conséquent ne faisaient pas partie de son royaume.
A l’adresse des plus béotiens parmi nos voisins, en voici la traduction en langage simple et clair :
– Charles III d’Espagne : «Il y a un territoire poissonneux au sud de votre royaume qui m’intéresse et que je voudrais annexer à ma couronne. Est-ce là entreprise possible sans que cela soulève un conflit entre nos 2 royaumes et les puissances qui vous soutiennent ?»
– Mohamed III : « Mais, cher ami, ce territoire ne m’appartient nullement. Aussi sa Majesté peut-elle en user selon son bon plaisir». «Et je vous souhaite bien du plaisir, car je n’ai pu soumettre ces belliqueuses tribus» (cette dernière sentence n’a certes pas été clairement exprimée, nous vous le concèdons, mais selon nous, elle traduit assez fidèlement la pensée du sultan de Fès et de Marrakech, aussi avons-nous cru bon de l’inclure ici).
Pour revenir au témoignage de Sa Sérénissime, ce document (ou plus précisément cette pièce à conviction) est consigné en annexe 33B, page 266 des mémoires et plaidoiries de la Cour Internationale de Justice relatifs au problème du Sahara Occidental (voir également en annexe 33A la lettre du même roi au même destinataire) :
https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://www.icj-cij.org/public/files/case-related/61/9472.pdf&ved=2ahUKEwjAh-Hw04D4AhV3gM4BHfNYDnAQFnoECAcQAQ&usg=AOvVaw3S1D4aS7VvIwB3CehhS8Lo
Quant à cette fiction du « grand Maroc », elle est le produit d’une supercherie ou plutôt d’une usurpation de l’histoire de la région par le Makhzen. En effet, l’empire almoravide, fondé par des tribus mauritaniennes, si ce n’est sahraouies, est devenu subitement par une contorsion, une falsification, une inversion de l’histoire … marocain ! Belle pirouette, n’est-ce pas ?
Le droit, et donc la justice…ou la justice et donc le droit…
Pour ce qui est de cette prétendue «allégeance» de chefs Sahraouis, seul un royaume féodal peut invoquer un droit issu du Moyen-âge régissant les sociétés médiévales et le déclarer, sans se troubler, argument valable pour une solution «crédible».
Pourtant un tel anachronisme n’a semble-t-il aucunement interpellé et encore moins choqué des nations, des juridictions de droit moderne, dites humanistes et basées sur le droit des peuples et des individus.
Qui peut donc soutenir des législations iniques et des gouvernements criminels si ce n’est des États criminels, à la nature coloniale, dont le Makhzen et l’entité représentent encore aujourd’hui les derniers exemples vivants ?
Et combien même cela eût été. Peut-on faire valoir une espèce d’épisode, «d’accident», de contingence historique, où le peuple n’a, à aucun moment, été consulté, comme argument pour l’occuper contre sa volonté ? Et comment peut-on laisser introduire un tel argument sans par ailleurs faire jurisprudence et ainsi rendre légal, par la force de la loi, le droit du plus fort ? Ne serait-ce pas revenir à un autre temps, au temps de la barbarie, de la sauvagerie, en un mot à la loi de la jungle ?
Et soit dit en passant, pourquoi envahir un territoire en expédiant des centaines de milliers de sujets encadrés par l’armée si ce territoire vous appartient ? La logique n’aurait-elle pas voulu que les populations qui y vivent demandassent leur rattachement à leur «mère-patrie» si tel était le cas et s’il ne s’agissait pas là bel et bien d’une invasion et d’une une pure et simple colonisation ?
Ainsi à moins de les occulter ou de leur faire subir d’immorales contorsions, aucune justification ne saurait résister au bon sens, à la raison, à la logique, au droit, à la justice et … aux faits. Mais malheureusement cette logique normale, ne peut exister et fonctionner que dans un monde normal ; et celui où nous vivons est tout sauf normal.
L’Algérie, entre hostilité et prise de partie dans le conflit ?
L’acharnement du Makhzen à vouloir désespérément impliquer l’Algérie en tant que partie prenante dans le conflit, chose totalement incompréhensible pour nos compatriotes, s’explique par le calcul simpliste (comme l’est l’esprit des stratèges du palais) de ne point discuter directement avec les Sahraouis, prétendant ainsi nier leur existence.
Or ceux-ci affirment chaque jour leur existence comme l’en attestent leurs multiples victoires juridiques, politiques, diplomatiques et même militaires. D’aucuns pays voyant leur triomphe inéluctable, comme le sont toutes les causes justes, établissent d’ores et déjà des traités et des accords avec les autorités sahraouies et prennent une certaine avance dans cette partie stratégique du monde.
Quant à l’Algérie, sa position est claire et son action est transparente depuis le début des hostilités lancées par le Maroc en 1975 : elle est du côté d’un peuple opprimé à qui l’on nie les droits, la justice, l’histoire, la liberté, en un mot l’existence.
Le roi Hassan II avait bien tenté de s’assurer l’alliance ou la complaisance de l’Algérie en lui proposant de partager le territoire du Sahara Occidental, mais une telle proposition ne pouvait paraître qu’odieuse à un pays révolutionnaire, qui avait lutté et payé le prix fort pour se libérer du joug du colonialisme. Aussi le pays du million et demi de chahids renvoya-t-il ce marché de scélérat à la place qui lui convient : dans la poubelle de l’histoire.
Fort regrettablement, le grand public marocain n’est pas au fait de la réalité et de la vérité entourant ce conflit. Il est malheureusement abreuvé de propagande du Makhzen, qui lui enseigne (dans les programmes de l’éducation nationale même) une toute autre version de l’histoire et de cette manière lui inculque et lui transmet son hostilité et son animosité à notre endroit.
Ainsi par l’effet de l’inversion accusatoire, on prête à l’Algérie une malveillance, une inimitié, une agressivité pour ainsi dire immanentes, combien même c’est le Maroc qui avait tenté d’envahir notre pays au lendemain de son indépendance, en 1963, et récemment, c’est encore le Maroc qui a assassiné des civils algériens à la frontière avec la Mauritanie
Si, véritablement l’Algérie nourrissait une quelconque hostilité envers le Maroc et attentait à son intégrité territoriale (dans ses frontières reconnues par l’ONU et non celles issues de ses chimères), elle soutiendrait une opposition rifaine, bien réelle celle-ci et qui existe depuis la proclamation de la République du Rif, en 1921. Elle l’hébergerait, etc ou même l’armerait, à l’instar de puissances ennemies qui ne se gênent pas de le faire avec nos makistes et nos «djihadistes».
Si donc l’Algérie devait avouer une quelconque hostilité dans ce conflit, elle l’est manifestement contre l’injustice, et si elle devait se déclarer partie prenante, elle l’est assurément du côté du droit et de la justice.
Ainsi, s’il est une chose que le monde en général et notre voisin en particulier (ainsi que nos ennemis et traîtres) devraient comprendre du peuple algérien, et qui est inscrite dans son ADN, c’est que la nation du million et demi de chahids exècre par-dessus tout la hogra*.
*injustice