Les prix ont exagérément augmenté : le budget alloué à l’alimentation majoré de 50% pendant le ramadan
Du marché de Gué de Constantine, à celui de Birkhadem passant par Ain-Naadja et Aïn-Melha, les étalages sont agréablement achalandés. Le jeu de couleurs des fruits et légumes attire les regards et suscite la convoitise des citoyens, qui font les courses, au milieu d’après-midi de ce samedi. « La tentation est grande. Il y a tout ce qu’il nous faut pour mijoter de bons petits plats variés. Mais nous n’avons que nos yeux pour voir. Acheter certains produits relève de l’impossible » regrette une quadragénaire, rencontrée dans un commerce de fruits et légumes, à l’orée de la trémis de Djanan Sfari. Les prix sont certes rédhibitoires. De l’avis d’algérois, ils n’ont jamais atteint des seuils aussi élevés. « Les ingrédients de base coûtent presque aussi cher que la viande. C’est du jamais vu » peste Sihem, trentenaire. Elle exhorte son mari à réduire la quantité d’haricots verts, qu’il s’apprêtait à donner au vendeur pour la pesée. « Nous ne prendrons que 500 grammes. Si je te laisse faire, tu nous ruines » tance-t-elle réprobatrice. Le marchand regarde la scène sans broncher. Il garde la calculette à portée de main, pour pouvoir estimer le ratio prix par rapport au poids généralement inférieur à un kilogramme. « Les clients s’approvisionne de plus en plus à l’unité. Même la pomme de terre est achetée en petites quantités, un à deux kilos maximum » commente-t-il. Le tubercule ne remplit plus effectivement le couffin, car il s’entête à ne pas céder une once sur son actuelle valeur marchande. Il s’affiche de 110 à 130 DA, rivalisant avec les artichauts, la tomate, les petits-pois, les betteraves, les navets et les carottes.
La laitue, le poivron vert, la courgette, les concombres… frôlent les 200 dinars le kilogramme. Le piment fort caracole à 250 voire 300 dinars. Les fruits sont mis dans la case des intouchables. Le prix du citron est poussé par le ramadhan à 300 DA. Les pommes locales sont surestimées à 400 DA. Celles d’importation sont proposées à 600 dinars. La fraise, fruit de saison, est vendue dans certains quartiers à 300 DA, et dans d’autres à 200 ou 250 DA. Le prix de la banane a grimpé jusqu’à 850 DA pour retomber à 750 DA, à l’approche de l’heure de l’Iftar. « Acheter des fruits est devenu un luxe que je ne peux plus me permettre. De temps en temps, je prends une banane à 180 DA que je partage entre mes deux enfants, au bas âge » témoigne un père de famille. « Personnellement, j’ai les moyens de faire plaisir à ma famille. Mais j’ai décidé de boycotter les produits excessivement chers, par principe. Je ne veux pas enrichir les spéculateurs » affirme un quinquagénaire au marché de Birkhadem.
Les viandes, qu’elles proviennent des étables, des bergeries, des basse-cours ou de la mer, ne sont accessibles aux ménages qu’au sacrifice d’autres produits ou de loisirs. La dépense est consentie exceptionnellement durant le mois sacré, bien qu’elle grève sensiblement le budget. Dans les boucheries aussi, les achats sont parcimonieux. « On me demande souvent 100 à 150 grammes de viande hachée, une cuisse de poulet, une à deux tranches d’escalope. La consommation a vraiment baissé » soulève un boucher. Pour cause, le poulet explose à 450 et 500 DA le kilo. Les viandes rouges, ovine ou bovine, ne tombent plus sous la barre des 1500 DA. La sardine gagne des galons et se manifeste sur les étals à 1000 et 1200 DA. Les anchois sont présentés jusqu’à 2200 DA. Les différentes espèces de poissons frais n’ont pas la côte. Trop chères pour les faibles et moyens salaires.
A vrai dire, l’inflation est telle que les algériens adaptent inexorablement leur consommation à leurs revenus mensuels. Bien que les frais incompressibles du ramadan majorent irrémédiablement de 50% le budget alloué au chapitre alimentation, souligne Mustapha Zebdi, président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (APOCE) dans une déclaration à la Patrie news. Ce pourcentage est indexé à l’augmentation inhabituelle des prix, cette année, précise-t-il.
S.Biskri