Les zones de lumière et les zones d’ombres
Il y a quelques jours, tous les médias ont repris un communiqué du ministère des ressources en eau qui annonçait le limogeage de deux responsables de la SEAAL, la compagnie chargée de la gestion et de la distribution de l’eau potable pour la wilaya d’Alger, chargeant le directeur des ressources en eau de la wilaya d’Alger d’en assurer la gestion temporairement, sous l’égide du wali.
Les raisons invoquées pour ces limogeages sont dues aux multiples perturbations en alimentation en eau potable de la wilaya d’Alger dont ont souffert plusieurs quartiers de la capitale. Il faut dire que la wilaya d’Alger n’a pas connu de perturbations en AEP depuis plusieurs années et que ce n’est que dernièrement que ses habitants ont commencé à subir le syndrome du robinet sec, mais de manière intermittente.
En limogeant ces deux responsables, le ministre estime, en filigrane, que les perturbations ne sont pas dues à un manque de ce liquide précieux mais plutôt à une mauvaise gestion. Le directeur des ressources en eau de la wilaya est donc chargé de remédier à cet état de fait, chose qui, d’après certaines informations, est en train d’être réalisée.
Pourtant, pas si loin de là, dans des wilayas limitrophes de la capitale, l’alimentation en eau potable est extrêmement capricieuse. Pendant quelques mois, les habitants de nombreuses villes ont reçu l’eau plus ou moins régulièrement, même si ce n’est qu’un jour sur trois ou sur quatre. Les citoyens de ces zones, non classées parmi les zones d’ombres mais souffrant les mêmes problèmes, se contentaient de ce ‘quota’ et ont acheté des citernes plus grandes pour emmagasiner plus d’eau et tenir les trois ou quatre jours sans eau.
Mais depuis trois ou quatre semaines, les trois jours se sont allongés, sont devenus quatre, puis cinq et même six jours et, quand l’eau coule enfin, la plage horaire ne dépasse pas les 90 minutes et à un débit trop faible pour arriver au troisième ou quatrième étage, les habitants du cinquième n’y songeant même pas.
Quand ces clients de la compagnie, qui n’est pas la SEAAL mais l’ADE, se rendent au niveau des centres pour demander des explications, ils s’entendent répondre que le niveau de la nappe phréatique a baissé, que les forages ne ramènent plus autant d’eau, qu’ils manquent de matériels, qu’il y a des pannes récurrentes, et beaucoup d’autres ‘explications’ encore.
Pourtant, ni le ministre des ressources en eau n’a limogé des responsables, ni les médias n’en ont parlé, ni les élus ne s’en sont souvenus au cours de la campagne électorale qui vient de se terminer.
Les éternels oubliés peuvent courir derrière les propriétaires de citernes sur camions pour espérer acheter 800 litres d’eau pour 500 DA, quand ce n’est pas plus. Il faut les appeler, savoir comment leur parler, choisir les connaissances et, bien sûr, espérer !
La même compagnie, quand il y a une perturbation au niveau du chef-lieu de wilaya, ne manque jamais de l’annoncer et prend toutes les dispositions pour y remédier en approvisionnant les habitants avec ses propres citernes et en réparant les pannes dans les plus brefs délais.
Les zones d’ombres, sorties de l’ombre par le président Abdelmadjid Tebboune, n’en finissent pas de subir le joug de la lumière des grandes villes et des responsables qui ont peur de cette … lumière qui les projettent au-devant de la scène. Pour les zones d’ombre, elles ne servent qu’à alimenter les bilans pour plaire au président et éviter de se faire éjecter.
Alors, les zones d’ombres sortiront-elles définitivement de l’ombre ou bien faudrait-il que leurs habitants se dirigent tous vers la ville pour bénéficier des mêmes droits que les citadins ?
Tahar Mansour